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Les images de deux dirigeants d’Air France chemise déchirée et torse nu contraints d’escalader un grillage pour échapper à une meute de salariés enragés sont révélatrices de bien des maux de la société française.

Il y avait, dans d’autres registres, les images d’un quartier des Invalides ravagé après une manifestation contre le CPE en 2006 ou encore celles, plus récentes, de bandits venus détrousser des touristes en marge de la célébration du premier titre de champion de France du PSG version qatarie. Il y a désormais celles de la fin prématurée et brutale du comité central d’entreprise (CCE) d’Air France, devenu passage obligé et préalable à la mise en oeuvre d’un plan « alternatif » au projet de développement « Perform 2020 », dont les négociations avec les syndicats de navigants se sont soldées par un échec vendredi.

Cette disposition douloureuse est d’abord de la responsabilité des pilotes.

C’est l’annonce ou plutôt la confirmation de la suppression de 2.900 postes, dont 300 pilotes, 900 PNC (hôtesses et stewards) et 1 700 personnels au sol, qui a mis le feu aux poudres. Un véritable lynchage de salariés d’Air France pas tous concernés par cette mesure et qui se trompent de cible.

Car cette disposition douloureuse, à laquelle il faut ajouter la fermeture de 5 lignes long-courrier à l’horizon 2017, l’arrêt de 35 fréquences hebdomadaires long-courrier et l’ouverture de négociations en vue l’annulation d’une commande de 25 Boeing 787 « Dreamliner » passée en septembre 2011, est d’abord de la responsabilité des pilotes.

La vie des autres vaut moins que les profits des pilotes

Les pilotes, ces authentiques nantis, grassement rétribués et qui n’entendent rien à la notion d’intérêt collectif. Des privilégiés inflexibles quant au maintien de leurs acquis, bien conscients qu’ils se situent en haut de la chaîne et qui préfèrent compromettre gravement la survie même de leur entreprise que de consentir au plus petit sacrifice. La vie des autres vaut moins que leurs profits, l’intérêt supérieur n’est pas celui d’Air France, mais le leur.

De cette intransigeance de prima donna a découlé l’an passé une grève suffisamment longue pour maintenir la compagnie nationale dans le rouge et donc l’échec du plan « Perform 2020 », dont l’intitulé explicite traduit la nécessité absolue de se réformer voire de se repenser face à la concurrence féroce des compagnies low cost et du Golfe.

Si Air France va aujourd’hui dans le mur et semble condamnée à moyen terme, c’est d’abord le fait des pilotes et non d’une direction qui ne verse plus de dividendes aux actionnaires depuis plusieurs exercices et a accordé la priorité au désendettement. De quoi faire taire les syndicalistes et leurs sympathisants CGTistes restés bloqués au Front Populaire pour qui ces cols blancs boursouflés de leur suffisance n’ont eu que ce qu’ils méritaient : une molestation qui donne une image violente, sectaire, bref déplorable de la France et du grain à moudre aux tenants du « french bashing », activité très en vogue ces dernières années.

A ce rythme, on voit mal comment la situation pourrait se débloquer. Au refus des pilotes d’accepter le plus petit compromis, caprice d’enfant pourri gâté depuis qu’il a rejoint le fleuron national, est en effet venue se greffer une épaisse couche de haine fortement connotée lutte des classes. L’un et l’autre trahissent une grave méconnaissance des enjeux et de l’évolution du secteur, un déni de réalité et, finalement, une bêtise si crasse qu’elle tendrait presque à éroder la compassion de l’observateur lambda à l’endroit des laissés-pour-compte.

Une bêtise si crasse qu’un sort semblable à celui vécu par Alitalia, désormais majoritairement détenue par la compagnie nationale émiratie Etihad, apparaît maintenant comme l’issue la plus probable. L’atterrissage est d’autant plus dur pour quiconque n’est pas prêt à se serrer la ceinture.

Guillaume Duhamel

 

Guillaume Duhamel

Guillaume Duhamel

Journaliste financier originellement spécialisé dans le sport et l'écologie. Féru de politique, de géopolitique, de balle jaune et de ballon rond. Info plutôt qu'intox et intérêt marqué pour l'investigation, bien qu'elle soit en voie de disparition.

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