share on:

La célébration a viré au cauchemar. Alors que Zlatan et sa bande devaient présenter Hexagoal au public parisien massé au Trocadéro, des bandes ont décidé de gâcher la fête. Mais tout cela, hélas pour les commentateurs, n’avait rien à voir avec le football.

 

Il a eu le cœur serré, ce matin, le petit mec de banlieue. Qu’il vive dorénavant à la capitale ou qu’il soit resté dans son quartier d’origine, d’ailleurs. On a sali sa Ville Lumière comme on a souillé l’image de son 78, de son 93 ou de son 95. Peu importe. Car ce petit gars sensible est particulier. Il n’aime ni voir ces déferlements de violence proposés sur les chaînes d’information comme hier soir, ni les commentaires du lendemain mettant tout sur le dos des « Racailles des cités » ou des « Ultras du PSG ». Ce mec, il a grandi avec David Ginola, avec Valdo, avec Raï, bref, avec le Paris Saint-Germain. Son père prenait un RTT le mercredi pour l’emmener voir son équipe s’entraîner au Camp des Loges et il serrait la main de son papa très fort quand Jay-Jay Okocha lui signait un autographe derrière la grille du parking. Ce mec, il a aussi pris le Transilien dix ans durant à l’aube pour rallier Paris, Eminem dans les oreilles et Balzac sur les genoux, pour aller étudier ou pour aller bosser, sans broncher ni taguer. Ce mec, il est prêt à tout endurer sauf trois choses fondamentales : qu’on caricature son lieu d’origine, son club de cœur et la ville de ses rêves.

Le Rouge et Bleu face à Orange Mécanique

Le reste, c’est la même minorité d’ensauvagés qui frappent, cognent, rackettent, détruisent, pillent à chaque rendez-vous public dans la capitale.

Prévoir ce rassemblement place du Trocadéro était d’une bêtise sans nom. Chacun sait que la moindre Fête de la musique, le moindre réveillon du jour de l’An, enfin, chaque instant de rassemblement donne lieu à ces violences en réunion. Chaque indic’ quelque peu sensé remarque dès la fin d’après-midi ces lascars descendre de la station RER avec la capuche rabattue sur la tête et une écharpe jusqu’au nez, mais il se contente de les regarder en tremblant. Cela n’a rien à voir avec le football, hélas pour les éditorialistes officiels de la gôche toujours prompts à décrypter le moindre fait d’actualité à travers leurs œillères germanopratines. Il y avait au mieux une centaine d’interdits de stades hier aux alentours du Trocadéro qui ont protesté comme à chaque fin de match autour du Parc. Pas pacifiquement, certes, mais dans la lignée de leurs revendications depuis la mise en place du plan Leproux. Le reste, c’est la même minorité d’ensauvagés qui frappent, cognent, rackettent, détruisent, pillent à chaque rendez-vous public dans la capitale.

La pauvreté n’excuse pas tout, mais il n’en demeure pas moins vrai que la mondialisation a accru les disparités entre le centre et sa périphérie dans le monde entier, ce qui peut provoquer ces mouvements de haine ultraviolents dans le cœur doré des villes, surtout en cette période d’ultralibéralisme durant laquelle le PS ne parti socialise plus beaucoup. Paris est une capitale coupée de sa banlieue, à cause de ses loyers, de son niveau de vie, de sa population « pull-rose-sur-les-épaules ». Et ses habitants (médiacrates compris, donc) tombent des nues lorsque la réalité sociale lui explose à sa proprette figure. Le parisien festif rompu aux promenades collectives en rollers et partisan de la mixité (mais pas dans son arrondissement) en déchire son polo Lacoste d’émotion lorsqu’il comprend à quel point la société est fissurée.

Renaud Dély et So Foot : quand la gauche à crampons se lâche

Non, les supporters de banlieue ne sont pas des lions en cage. Non, les violences d’hier n’avaient rien à voir avec le football.

Renaud Dély a beau fantasmer: « Comment s’étonner au fond que des gamins sans repères et hostiles à toute autorité sautent sur l’occasion de cette parade friquée dans un ghetto de riches où ils n’accèderont jamais pour laisser libre cours à la violence qui les habite ? », il se trompe comme souvent, et, comme toujours, il ne peut s’empêcher de cracher son fiel sur tout ce qui est hors de Paris. Le mec de banlieue décrit ci-dessus a toujours respecté l’autorité de ses professeurs et a longtemps cru à la méritocratie, tout comme il a rêvé un jour de pouvoir dire « Le PSG est champion de France » ; il n’est ni fasciné par l’argent et n’en a cure des « Parades friquées », il est humble et c’est cette humilité qui l’empêchera toujours de se vautrer dans la fange d’une presse bourgeoise comme le Nouvel Observateur.

Même son de cloche chez So Foot, ces plumitifs qui estiment que s’intéresser au foot c’est en singer le parler populaire et aborder ce thème en « Beauf assumé ». Ces phobiques de tout ce qui dépasse la zone 2 de leur pass Navigo sont l’incarnation d’une gauche qui ne comprend plus le peuple et son sport traditionnel, le football. C’est la gauche à crampons, le PS version 4/4/2 qui s’intéresse au ballon rond et tente de comprendre la banlieue : «  La tactique d’Anschluss de la banlieue du PSG a pleinement rempli son rôle et son office. Si les images ont pu légitiment choquer, il ne reste plus qu’à apprendre à gérer ce nouveau paramètre sécuritaire » (Nicolas Kssis-Martov, So Foot, 14 mai 2013). Non, les supporters de banlieue ne sont pas des lions en cage. Non, les violences d’hier n’avaient rien à voir avec le football. C’est le quotidien pour des milliers de gens. Et qui peuvent aimer le PSG depuis l’enfance sans marcher escorté par des CRS. Non, un « banlieusard » n’est pas un casseur de vitrines en puissance.

Le mec de banlieue verra ces images une nouvelle fois au JT ce soir et aura de nouveau le droit à ces commentaires méprisants sur ses origines comme sur son club. Mais il se moque de ces Fabrice Pancrate du commentaire. Lui connait le bonheur d’être assis, tout gosse, dans la voiture de ses parents, remontant l’A13 jusqu’à porte de Saint-Cloud pour marcher jusqu’au Parc des étoiles plein les yeux. Lui connait la relégation du périurbain, ses problèmes de violences, d’assimilation, de chômage massif, d’inégalité des chances. Mais il prend toujours le Transilien et va se réabonner au Parc cette année encore.

Et il se contrefout des insultes de Renaud Dély tout comme des sarcasmes Prada de So Foot.

 

Julien de Rubempré

mm

Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

Laisser un message