Le message délivré par Daesh le 14 juillet est on ne peut plus clair : l’organisation islamiste peut frapper n’importe où, n’importe quand et n’importe comment sur le territoire français.
Conduit par un « radicalisé express » qui, une fois n’est pas coutume, n’était même pas fiché « S », un p… de camion fou de 19 tonnes a donc tué 84 personnes sur la Promenade des Anglais jeudi dernier, peu après la fin du feu d’artifices. En plein état d’urgence et quelques jours après un Euro de football épargné…
Le premier attentat perpétré par l’Etat islamique en province est aussi le septième dans l’Hexagone depuis janvier 2015, pour un bilan global de 250 victimes. Cette dernière attaque a décimé des familles et fauché notamment des enfants, « coupables » d’avoir été au mauvais endroit au mauvais moment, dans l’une des villes pourtant réputées pour être à la pointe de la sécurité et de facto pour être l’une des plus sûres du pays.
Survenu le jour de la Fête nationale, ce qui n’est bien entendu pas un hasard et revêt une dimension symbolique particulièrement forte, avec un modus operandi éculé en Israël, mais nouveau en France, cet attentat en dit long sur le pouvoir de nuisance et de séduction, les possibilités d’action et la fertilité de l’imagination morbide de Daech. Il a lui aussi été commis contre notre mode de vie ordinaire et en plein été, dans une région chère aux vacanciers, pour porter un coup très dur au tourisme. Il est celui de trop pour une bonne partie de la classe politique et pour une opinion publique plus qu’excédée à l’aune des derniers sondages.
Le risque de diaspora terroriste
Ci-devant maire de Nice et aujourd’hui président de la région PACA, Christian Estrosi n’a pas mâché ses mots face à l'(in)action gouvernementale et asséné, quitte à plomber l’ambiance encore plus, que toutes les dispositions nécessaires n’avaient pas été prises pour empêcher le drame. L’ancien champion de moto avait par ailleurs écrit au chef de l’Etat… le 13 juillet pour réclamer des renforts et une politique sécuritaire plus en phase avec les enjeux.
Sur la même ligne, Alain Juppé puis Nicolas Sarkozy ont de leur côté estimé que tout ce qui pouvait être entrepris depuis 18 mois pour renforcer la sécurité de nos concitoyens ne l’a pas été. Il s’agit pourtant de la mission première d’un gouvernement aujourd’hui en échec, par-delà un « ça va mieux » définitivement risible, mais qui, lui, soutient mordicus avoir fait le maximum, rétorque – ce qu’on ne peut lui enlever – que des dizaines de projets d’attentats ont été déjoués et appelle à l’union sacrée, comme quiconque a failli. Un appel à la dignité qui se conçoit, tout comme la nécessité de ne pas se « trumper » de cible, mais aussi une manière classique ne pas assumer ses responsabilités dans la flambée actuelle de violence, diront ses détracteurs, dont les rangs grossissent à mesure que la liste des victimes du terrorisme s’allonge.
La contrition attendra et au diable les démissions. Place au deuil national et à la décence, comme si l’un et l’autre empêchaient toute discussion et avaient le pouvoir de réfréner la colère et la peur face à ces innombrables détraqués d’Allah, prêts à mourir pour lui dans leur lutte contre une prétendue aliénation occidentale qu’ils entendent faire payer exclusivement à des innocents, quel que puisse être leur âge. La défiance populaire est devenue considérable, le désaveu est cinglant, l‘appel à la réserve opérationnelle semble aussi dérisoire que la prolongation de l’état d’urgence et les revers territoriaux de Daech ne rassurent plus le moins du monde. Le risque de « diaspora islamiste » est en effet considérable et renforcé par l’afflux de migrants, considérant qu’il est largement dans les cordes de l’Etat islamique de disséminer de nouveaux éléments dans le lot. L’angélisme et la pusillanimité politique ambiants, le manque de moyens et de coopération entre les services de renseignement, la porosité des frontières et la faiblesse des contrôles au sens large font le reste.
Nazisme du XXIe siècle, Daech, ce charrieur de charia, a plusieurs longueurs d’avance, mais quand diable les décideurs comprendront-ils que, sans pour autant faire le lit de la guerre civile, il n’est pas viable de répondre fleurs, valeurs et droit à des assaillants prêts à tout pour faire le maximum de morts ? Quand la législation sera-t-elle renforcée, adaptée à l’extrême dangeroristé de la menace, les peines durcies et scrupuleusement appliquées, la surveillance accrue pour au moins tenter de limiter le nombre de kamikazes potentiels et dissuader des vocations ? Quand cesserons-nous d’exporter des armes à tout-va, au point de battre tous les records, de nous mêler de tout, de ménager Erdogan et de faire des courbettes devant l’Arabie Saoudite et le Qatar ? Quand ce pays giflé et meurtri, punching-ball favori des islamistes, comprendra-t-il qu’un modèle et des valeurs si durement attaqués doivent être défendus autrement qu’avec des slogans ? Quand ceux qui nous gouvernent, au lieu de se gargariser trop tôt, prendront-ils enfin conscience que des mouchoirs n’ont jamais servi de gilet pare-balles ?