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Un poème de Victor Hugo, « Crépuscule », a été l’objet d’étude des élèves qui passaient l’épreuve de français comptant pour ce baccalauréat 2014. Un torrent d’insultes a immédiatement pullulé sur Twitter et les autres réseaux sociaux pour déshonorer la mémoire du plus grand écrivain français. Passer de Justin Bieber à Victor Hugo a donc été sûrement trop rude pour ces jeunes égarés.

« L’étang mystérieux, suaire aux blanches moires, /Frissonne; au fond du bois la clairière apparaît ; / Les arbres sont profonds et les branches sont noires ; Avez-vous vu Vénus à travers la forêt ? ». Il s’agit donc du premier quatrain du poème de la discorde. Pourtant, dès ces quatre premiers vers, nous ressentons toute la douceur et tout le magnétisme de la plume de Victor Hugo, cet enchantement permanent qui le saisissait au moment d’écrire de la poésie, puisque pour lui la poésie englobait le monde et les hommes et n’était qu’une tentative pour lever le voile d’Isis de notre univers. Ces allitérations, cette métaphore initiale ainsi que ce rejet du premier au deuxième vers ont donc poussé cette nouvelle génération, qui idolâtre la Fouine et consacre Justin Bieber, dans ses retranchements jusqu’à placer « Victor Hugo » en Top Tweets.

Le Bal des médiocres

A force d’avoir voulu par tous les moyens qu’une classe d’âge atteigne les 100 % de réussite au bac, nous nous retrouvons plus de vingt ans après avec une générations d’illettrés qui vont obtenir le fameux sésame sans même détenir les quelques bases de culture générale primordiales.

Nulle mention d’une quelconque admiration envers le poète, évidemment. Il ne s’agissait que d’un flot intarissable de gémissements aussi crétins qu’ignorants, écrits dans un français approximatif, révélant l’ampleur de la déculturation générale. Il ne s’agit pas de réactions juvéniles, le mal est plus profond. A force d’avoir voulu par tous les moyens qu’une classe d’âge atteigne les 100 % de réussite au bac, nous nous retrouvons plus de vingt ans après avec une générations d’illettrés qui vont obtenir le fameux sésame sans même détenir les quelques bases de culture générale primordiales. Cela pose également la question de la mémoire, de l’héritage, de la transmission. Si cette classe d’âge abrutie n’honore pas la littérature de Victor Hugo, que pourra-t-elle un jour transmettre à son tour ? Ses réponses dyslexiques sur Ask ? Les meilleures citations des Anges de la téléréalité ?

L’échec du pédagogisme et des nouvelles pratiques éducatives est patent. A force de douceur, de sacralisation de l’enfant-roi et d’efforts continus pour ne pas lui apprendre des choses trop difficiles – voire « discriminantes » – nous voyons Victor Hugo calomnié. Les pages du roman national s’arrachent jour après jour, et les jeunes d’aujourd’hui seront les adultes de demain, ultra-connectés et matérialistes mais incultes et déracinés, incapables de grimper sur une barricade.

Les nouveaux ingrats du bac 2014

En 2014, la porte de la science s’est violemment refermée sur ces jeunes qui ne comprennent que la vulgarité, et il n’y a plus de livre nulle part.

Il est forcément question d’ingratitude, dans ce cas précis, car il s’agit de Victor Hugo. Non pas du poète, ni du romancier, ni du dessinateur ni du dramaturge qu’ils n’égaleront jamais, mais de l’homme politique. Celui qui s’est battu pour les ouvriers, la République, les miséreux mais aussi pour l’éducation.

C’est dans son discours prononcé à l’Assemblée nationale le 15 janvier 1850 qu’il déclare : « Voici donc, selon moi, l’idéal de la question : l’instruction gratuite et obligatoire (…) Un grandiose enseignement public, donné et réglé par l’État, partant de l’école de village et montant de degré en degré jusqu’au Collège de France. Les portes de la science toutes grandes ouvertes à toutes les intelligences. Partout où il y a un champ, partout où il y a un esprit, qu’il y ait un livre ». En 2014, la porte de la science s’est violemment refermée sur ces jeunes qui ne comprennent que la vulgarité, et il n’y a plus de livre nulle part.

Avant Jules Ferry, il y a eu Victor Hugo et toute sa vie durant, il a oeuvré pour que la République offre l’école laïque et obligatoire pour éduquer les esprits des citoyens de demain. S’attaquer à sa poésie, c’est cracher sur sa tombe. C’est se vautrer dans la noirceur de l’ignorance la plus crasse ; c’est revendiquer, en plus d’un QI limité, l’impossibilité pour de futurs électeurs de savoir quoi que ce soit sur l’histoire de leur pays.

Ces ingrats 2.0 seront les lâches de demain.

Julien de Rubempré

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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