Partagez sur "Charlie Hebdo – Y’a de la joie, y’a de l’espoir, et y’a plus grand monde"
Y’a de la joie. Dans les rangs d’Al-Qaïda et de Daesch, ces deux puissantes organisations terroristes qui commettent le pire au nom d’Allah, qui ont l’Occident et les musulmans modérés pour ennemis communs, mais qui trouvent encore le moyen de se battre entre elles.
Y’a de la joie. Chez certains élèves français – ils sont Français -, collégiens, lycéens et même gamins, terroristes et djihadistes en herbe, bombes à retardement qui estiment que les blasphémateurs de Charlie Hebdo l’avaient bien cherché et que la communauté juive n’a au fond que ce qu’elle mérite.
Y’a de la joie. Au sein de certaines mosquées « noyautées » par des imams radicaux. Une joie contenue certes, par la force des choses, mais bien réelle. On préfère ne pas savoir ce qu’ils disent à leurs fidèles, même si ce serait extrêmement instructif, et se dire qu’ils sont peu à penser que caricaturer Mahomet et « chambrer » l’islam mérite la mort.
Y’a de la joie. Parmi les frustrés et paumés endoctrinés de France. On ignore combien ils sont, on en a une vague idée, on parle d’un peu plus d’un millier, de sources officielles, mais on sait qu’ils sont beaucoup plus nombreux. Au moins potentiellement.
Y’a de l’espoir. Après ces magnifiques manifestations à Paris, mais aussi en province. Après cette ferveur collective historique, qui a rassemblé une quarantaine de dirigeants et quelque quatre millions de personnes dimanche, unies pour la liberté d’expression et contre le terrorisme.
Y’a de la peur. Dans la grande caste des humanistes bienpensants, célèbres ou méconnus, qui prônent la tolérance et la dédiabolisation à outrance, qui insistent sur la nécessité de ne faire aucun amalgame, qui soutiennent mordicus que l’immigration est une aubaine, qui aimeraient certainement parler, qui pour certains parlent, mais qui auraient, dans un monde idéal, le devoir moral de faire profil bas.
Y’a de la peur. Au sein de la classe politique autoproclamée républicaine. A la tête de l’Etat, qui sait que la France est débordée, que la législation est insuffisante, inadaptée aux enjeux et à la gravité de la situation. Qui devine peut-être enfin, sans pouvoir prendre le risque de se déjuger, sous peine de débordements incommensurables, que le pays des droits de l’Homme a courbé l’échine, qu’il a trop laissé faire, qu’il a trop accueilli, qu’il a sous-estimé l’ampleur du mal, qu’il s’est fait piéger par sa propre tolérance.
Y’a du monde. Beaucoup de monde, pour saluer le courage exceptionnel de Lassana Bathily, héros discret, homme juste qui prouve bien que l’islam n’a rien à voir avec les événements épouvantables de cette semaine. Que les fondamentalistes ne sont qu’une poignée. Pour dénoncer la recrudescence des actes islamophobes. Pour dire « non » à l’ignoble confusion entre islam et terrorisme islamiste. Pour scander « Nous sommes Charlie ». Pour participer aux minutes de silence. Pour applaudir soudainement les forces de l’ordre.
Y’aura du monde. Pour acheter Charlie Hebdo mercredi. Il n’y avait cependant pas grand monde pour s’émouvoir des difficultés de l’hebdomadaire, alors que feu Charb avait lancé un appel aux dons pas plus tard que le mois dernier.
Y’a pas grand monde. Pour réclamer l’application stricte de la loi d’abord et son durcissement ensuite.
Y’a pas grand monde. Pour appeler l’islam de France à se regarder en face et constater que les millions de musulmans français ne se sont pas dressés comme un seul homme contre les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015. Après tout, ils n’ont pas à se justifier et personne n’a pas demandé aux catholiques de le faire quand le Ku Klux Klan passait les Noirs au chalumeau.
Y’a pas grand monde. Pour souligner que plusieurs journaux qui ont diffusé des caricatures de Charlie Hebdo ont été menacés voire attaqués, s’agissant du quotidien allemand Hamburger Morgenpost.
Y’a pas grand monde. Pour s’indigner du rebond de Farid Benyettou, ci-devant mentor des frères Kouachi, devenu infirmier stagiaire à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière. Il paraît pourtant que se réinsérer n’est pas forcément chose aisée en France.
Y’a pas grand monde. Pour s’offusquer de la présence aux côtés de François Hollande, dans le grand cortège de la démocratie, dans ce rassemblement républicain sans précédent, d’aucuns parleraient plutôt de « raout », de hauts responsables qataris et du Premier ministre turc. Le Qatar finance les islamistes. La Turquie, conduite par l’affreux Erdogan, profite du chaos pour se débarrasser du « problème » kurde et ferme ses frontières aux combattants de la liberté. Des frontières bien plus poreuses pour les combattants de Daesh… La présence des deux pays au sein de la coalition internationale est un leurre dramatique, mais il doit y avoir plus urgent.
Y’a plus personne. Pour soutenir Eric Zemmour et Michel Houellebecq, ces deux « islamophobes » qu’il faudrait cependant aussi défendre, en toute logique, au nom de la sacro-sainte liberté d’expression.
Y’a plus personne. Pour dire franchement qu’aucun intégriste juif, ni aucun extrémiste catholique n’a réagi aux caricatures de Charlie Hebdo en prônant sa décapitation.
Y’a plus personne. Pour condamner l’amalgame fait par une partie des Musulmans de France entre les Juifs et le conflit israélo-palestinien.
Y’a plus personne. Pour constater que l’islam est un vecteur objectif de tensions dans tous les pays occidentaux. Pour, à l’écoute des propos d’Amedy Coulibaly, observer que le persécuteur a la folie des persécutions.
Y’a plus personne. Pour s’interroger quant à l’afflux de migrants en provenance de Syrie sur le continent européen et penser que, parmi eux, certains – combien, là encore ? – l’investissent afin de le mettre à feu et à sang. Pour oser appeler de ses vœux l’instauration du droit du sang.
Il ne faut pas tout mélanger. Il faut faire semblant de penser que tout n’est pas lié.