Partagez sur "Chroniques Kényanes ou l’Odyssée d’un Noir en Afrique – Vol. 2"
Deuxième semaine du sieur Rémi sur cette terre d’ébène. Il commence à s’habituer. Les ressemblances avec le Vieux Continent s’accumulent.
Semaine du 21 au 27 juin
Samedi
Je décide de parcourir Nairobi à pieds. Après avoir refait le monde avec le gardien de ma résidence, je lui fais part de mes desseins. Après quelques minutes, je me rends compte qu’il y a un homme à côté de lui sur une moto, ce dernier me salue, très cordial. Le gardien me dit que son ami est prêt à m’emmener pour me faire visiter la ville. J’acquiesce. Me voilà donc sur une moto, en tatanes, avec Boniface. Boniface étant à ce moment précis la seule chose que je connaisse de ce monsieur. Reste que son initiative est la bienvenue dans une vile où les embouteillages font partie intégrante de la vie de quartier.
Après ce petit périple de quarante-cinq minutes, il me dépose à Junction Mall, le principal centre commercial de la ville. Nous échangeons nos numéros pour de prochaines aventures motorisées. Mise à part les détecteurs de métaux et les gardes à l’entrée, l’endroit possède toutes les caractéristiques d’un Rosny 2 ou d’un Carrefour Claye-Souilly, quoique plus modeste. J’y achète de la nourriture et mange dans un restaurant à l’intérieur, l’Art Caffe.
Dimanche
Repos.
Lundi
Au boulot, je prends un taxi pour me rendre à un rendez-vous. Sur la route, défilent des affiches pour une enseigne de restauration rapide à base de poulet fris originaire du Kentucky. Les pancartes communiquent sur la livraison à domicile. Je n’en crois pas mes yeux : « Crispy Golden goodness at your fingertips ».
Mardi
Je vais manger. J’entends parler Français. Je suis réjoui, et mon premier réflexe est de dire bonjour. A mon enthousiasme légendaire, un air d’enterrement m’accueille, assaisonné d’un regard plus froid qu’un début de mois de janvier à Paris. On ne m’y reprendra plus.
En sortant du restaurant, je passe devant le Lycée Denis Diderot, le lycée français. Je voyais tout arriver.
Mercredi
Journée de travail.
Rendez-vous avec des Kényans, j’ai l’impression d’être important.
En rentrant, je passe devant des Matatus, il y a une station à trente mètres de mon domicile. Les Matatus sont des minibus qui servent au transport collectif à Nairobi, Tatu (« trois » en swahili) et signifiant littéralement « pour trois ». Sur l’empattement d’une Peugeot 504, on a mis un minibus pouvant transporter jusqu’à 20 personnes, à condition de se serrer. Après avoir discuté avec le logisticien de la station, chargé d’aiguiller les passagers, je me dis qu’un jour, je me rendrai dans le centre-ville avec l’un d’eux.
Dîner chez une famille greco-égyptienne, une véritable famille de globetrotter, ayant vécu en Europe, en Autriche plus précisément, et depuis sept ans au Kenya. The wife asked me to bring her some specific products from Europe, as most of the things you find easily don’t exist in Kenya. Almost all the cosmetic products are imported, therefore extremely expensive. After the meal, we discuss several issues, regarding life in Nairobi. We all sit in her backyard. It’s 10 pm, and we talk. I’m drinking some minty alcohol. With her, in this house, I almost feel like I’m in Europe again, strange feeling indeed.
I use an app to get a cab. Not that strange after all.
Jeudi
Journée de travail sans difficulté.
Je m’essaie à la cuisine kényane pour la première fois. Chose rare, en raison de sa proximité avec les bureaux, nous marchons. Sur notre chemin, nous passons devant un chantier, un parmi d’autres, car le boom de la construction touche aussi Nairobi. L’équipe se prépare aussi à casser la croûte. Les ouvriers mangent un repas cuisiné par l’un d’eux. En tatanes, munis d’une assiette et d’un gobelet en plastique, ça discute à l’envie. Dans une terre boueuse, un jerrican d’eau trônant sur ce sol agité leur fait face.
Nous arrivons dans un restaurant en plein air, ou des tables en bois et en plastique coiffées de parasols se répartissent sur un sol de gravier. On se croirait chez Truffaut. Un buffet de victuailles est devant moi. Mon choix se porte sur des pommes de terre assaisonnées, de l’intestin d’agneaux, du poulet (encore lui) et une espèce de crêpe à la farine de blé complet. Le tout est succulent, et très abordable, coût de l’opération : 3 euros.
Au retour, nous recroisons le même chantier, la situation a évolué. Les assiettes sont vides, et tout le monde se presse autour d’un homme à terre. Visiblement blessé, il est chargé par ses collègues dans un 4×4. Reste la flaque de sang sur le bitume pour témoigner des conditions de sécurité sans doute trop légères dans ce secteur.
Vendredi
Ce matin, j’ai rendez-vous dans le quartier des affaires de Nairobi : Central Business District, comme son nom l’indique. Taxi à l’allée.
Au retour, sur les conseils de mon taxi, je prends le Bus. Le fameux 46, dont mon gardien m’avait déjà parlé. J’arrive devant la principale artère, Kenyatta Avenue, du nom du premier président kényan. A ce propos, c’est aujourd’hui son fils, Uhuru, qui est à la tête du pays depuis avril 2013. C’est un peu comme si le fils du Général de Gaulle prenait les reines de l’exécutif français aujourd’hui.
Vers 13:30, sur l’avenue, une dizaine de City Hoppa, le nom de ces bus, les uns derrière les autres, sont prêts à partir. A la recherche du 46, je parviens à m’y retrouver grâce à un homme agitant une pancarte mentionnant l’heureux numéro. La police de caractère est assez grande pour que je repère l’objet à plusieurs dizaines de mètres. Je m’engouffre dans le bus, au fond. On ne se refait pas. Pendant le trajet, un homme passe pour recevoir les paiements des titres de transport. On m’avait beaucoup déconseillé de prendre les transports en commun à Nairobi, pour des raisons de sécurité. Finalement, ça reste assez confortable, malgré les arrêts aléatoires, et tout semble se faire à la voix. Pour une première fois, je décide de n’en rien faire, et lorsque je reconnais mon quartier, je descends avec une partie des passagers. Coût de l’opération : quarante centimes d’euros.
J’étais le seul « blanc » dans le bus.