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Le périple parisien de Rémi touche à sa fin. Retour chez les Noirs, l’âme vagabonde. Il lui reste encore un peu de Charlie à digérer.

Semaine du 12 au 16 janvier 2015

Lundi

Cela fait maintenant trois semaines que je suis à Paris. Entre les quintes de toux dans le métro, les reniflements sans gêne de cadre quadra aux chemises blanches froissées, je me fraye un chemin dans des transports en commun toujours aussi accueillants (sic). Après une marche de gentils, dimanche, fraîche, mais ensoleillée, je me prépare à repartir.

Au travail, les collègues ne semblent que très peu affectés par la tragédie. La vie suit son cours, et le repas de mi-journée est l’occasion pour moi d’écouter les discussions de bistro sur le sujet. L’un des protagonistes, un certain René, voudrait remettre en place la peine de mort. Son collègue lui répond joyeusement que c’est ce que les trois cherchaient « nom de dieu !».

Une femme se dit choquée, horrifiée. Je me demande comment on peut bien rester dans cet état pendant si longtemps, pour des personnes qu’on ne connaît pas, travaillant pour un journal qu’on n’a sans doute jamais lu. Mais je comprends, c’est affreux.

Durant le repas, mon collègue, assis en face de moi, ayant allègrement dépassé l’âge de la retraite, s’inquiète pour ma petite personne :

  • « Dis donc Rémi, t’as pas peur que leurs conneries te retombent dessus, avec ta tête de Sarrazin ?
  • Oula, non. Je ne me suis jamais fait contrôler tu sais. Ou si, une seule et unique fois, et j’avais mes pieds sur un siège dans le métro. Le tout a duré 5 minutes, et le policier était plus noir que moi. »

Finissant sa bavette d’aloyau, il sourit, et j’enchaîne sur un mot d’esprit concernant l’un des terroristes.

Mardi

Le colis suspect à Gare du Nord. C’est un peu notre marronnier à nous, gens de banlieue. Chaque mois, on y a droit. Le RER B ne l’emportera pas au paradis, ou peut-être que si. Reste que j’arrive à 11h au bureau, mais le joker RER B me sauve la mise, encore une fois.

Demain, je serai au Kenya.

Mercredi

Le réveil est dynamique. Il y a des jours comme ça. J’enchaîne le lever avec quelques pompes et des tractions. Une fois le café avalé, j’attaque la tartine de beurre, demi-sel, car j’ai du goût. Au diable la margarine.

A 9h, le taxi est devant chez moi, mon père me demande quelle compagnie j’ai appelée. A ma réponse, enthousiaste, il me répond « ah mais je les connais ! c’est quel gars qui vient te chercher ». Je lui réponds que je ne sais pas, juste qu’il avait un accent africain. Ses yeux s’illuminent, « Ah il est très bien lui ».

Effectivement, il ne m’avait pas menti, ce dernier se révèle très chaleureux. Comme à l’habitude avec les taxis, on parle de tout et de rien, politique, société, femmes. Le Charlie arrive dans la discussion, forcément. Et le taxi, un certain Amidou, ne se sent pas plus concerné que cela. Il a commencé sa journée à 4h du matin.

Arrivé à l’aéroport, je suis chargé comme une mule, dû aux demandes des Français restés là-bas. Mais je parviens quand même à passer le test de la balance à l’enregistrement. Le stress du poids, ça n’est pas qu’un truc de femmes.

Après plusieurs vaines heures passées à la recherche d’un Charlie Hebdo, je m’envole.

Jeudi

Première journée à Nairobi. Je me rends compte qu’un immeuble résidentiel est en construction, en face de ma résidence. La plupart des ouvriers sont en tatanes. Vikash Dhorasoo aurait été fier.

Après trois semaines passées à Paris, la chaleur est comme un baume. Je peux à présent ressortir les chinos d’été et les chemises à manches courtes (là encore, c’était une boutade, j’ai du goût).

Vendredi

Le soir venu, je rejoins quelques collègues français pour « fêter » mon retour. Nous buvons, nous parlons de Charlie, encore.

Chacun à son avis.

La plupart des gens avec qui j’évoque le sujet y voient surtout une manipulation des puissants (issus des États de la péninsule arabique), qui ont armé l’État Islamique, lui-même revendant son pétrole à la Turquie. Ils semblent être beaucoup plus informés que moi.

L’islam est ici considéré comme un simple outil pour permettre à des puissances étrangères de chambouler les hiérarchies au sein du concert des nations, dixit l’un de mes interlocuteurs.

J’écoute en silence, car après tout, ce n’est pas une théorie du complot si bête que cela. J’ai hâte de parler du sujet avec les Kényans.

Rémi Loriov

 

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Rémi Loriov

Rémi Loriov est un homme libre qui s'intéresse à tout. On dit souvent à son propos : "personne ne sait ce qu'il fait, mais il le fait très bien." Il aime les histoires.

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