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Jamais évoquée officiellement jusqu’ici, même par les « MHistes » et autres tenants de théories alternatives concernant la disparition du vol MH370 le 8 mars 2014, cette hypothèse, qui repose sur la propagation d’un incendie à bord dû à la présence de batteries lithium-ion dans la soute de l’avion, tient toutefois la route. Démonstration.

Deux ans. Deux ans que le vol MH370, un Boeing 777 de la Malaysia Airlines qui, dans des conditions météorologiques clémentes, devait rallier Pékin au départ de Kuala Lumpur avec à son bord 227 passagers et 12 membres d’équipage, a disparu officiellement sans laisser de trace.

Rationnellement, en ce début de XXIe siècle, eu égard aux moyens de détection colossaux dont on dispose, à la toute-puissance de l’électronique au sens large et à la présence de nombreux radars dans la zone, ce « crime parfait » semble néanmoins impossible. Sept pays sont en effet supposés avoir vu cet avion, a récemment rappelé sur BFM TV Ghyslain Wattrelos, qui a perdu sa femme, sa fille, l’un de ses fils et la petite amie franco-chinoise de ce dernier dans ce drame hors du commun, considéré à juste titre comme LE plus grand mystère de l’histoire de l’aviation. Peut-on sérieusement prétendre ou croire que personne n’a rien vu, rien entendu et que tous les radars étaient éteints, dans cette zone commercialement et militairement animée, lorsque la catastrophe s’est produite ?

Vingt-quatre mois après les faits, d’innombrables questions demeurent en suspens, mais nul ne peut plus objecter que la version officielle, digne d’un piètre film de science-fiction et « fabriquée » dans l’improvisation, dans un tourbillon d’informations et de pseudo-révélations, repose sur du sable. On dira même qu’elle est une insulte aux familles des victimes, aux professionnels et aux amateurs d’aéronautique, et que la zone de recherches définie par les autorités australiennes, dans le sud-est de l’océan Indien, à l’opposé de la route que le MH370 était censé emprunter, n’est pas la bonne. En matière d’inconséquence, ces dernières ont en quelque sorte pris le relais de leurs homologues malaisiennes, lesquelles ont multiplié les couacs et les effets d’annonce dans les jours qui ont suivi l’accident.

Boulettes malaisiennes

La plus notable de leurs erreurs est aussi la plus suspecte. Pourquoi diable avoir prospecté en mer de Chine du Sud, à l’est, avec l’appui de forces chinoises, thaïlandaises et vietnamiennes appelées à la rescousse, alors que l’avion prenait une autre direction lorsque le contact a été perdu ? Pourquoi avoir admis cette bévue, coûteuse tant du point de vue financier que sur le plan de l’image, une semaine plus tard ?

« S’agissait-il là aussi d’éloigner les curieux, de déplacer le curseur médiatique dans une zone complètement inhabitée, tout juste connue pour la vigueur de ses vents et la force de ses vagues, de nature à « avaler » n’importe quel débris d’aéronef ?« 

Sans verser dans le conspirationnisme de bas étage, on n’aurait su mieux s’y prendre pour faire diversion et laisser aux forces en présence le temps nécessaire pour obéir à quelque injonction suprême et tout faire disparaître (ou presque). Faire disparaître les preuves d’un crash moins mystérieux qu’il n’y paraît, laisser s’inoculer le virus dévastateur de l’intoxication des masses et nourrir la possibilité pour tout un chacun qui a suivi le dossier de se perdre en conjectures…

Pourquoi le Premier ministre malaisien Najib Razak a-t-il sifflé la fin de la récréation, si l’on ose dire, en annonçant le 24 mars 2014, seize jours après la perte du contact avec le Boeing 777, de but en blanc, la disparition de ce dernier « dans le sud de l’océan Indien » ? S’agissait-il là aussi d’éloigner les curieux, de déplacer le curseur médiatique dans une zone complètement inhabitée, tout juste connue pour la vigueur de ses vents et la force de ses vagues, de nature à « avaler » n’importe quel débris d’aéronef ?

Pourquoi les autorités malaisiennes, encore elles, ont-elles attribué au MH370 la paternité du flaperon retrouvé sur la côte nord-est de l’île de la Réunion, donc en territoire français, avant même les conclusions des enquêteurs hexagonaux, qui étaient encore en train d’expertiser la pièce ? S’agissait-il de permettre aux familles d’entamer enfin le processus de deuil, de doucher leurs derniers espoirs et, une nouvelle fois, d’attirer les regards du monde entier au mauvais endroit ? Toujours est-il que le BEA a ensuite confirmé les assertions malaisiennes… Le doute subsiste néanmoins. « Si l’avion et la plupart de ses pièces ont été récupérés d’une manière ou d’une autre, à la suite d’un crash localisé ou d’un détournement contrôlé, il fallait alors simplement lui fabriquer une vraisemblance de flaperon voyageur, en le trempant dans de l’eau de mer et en le laissant entièrement submergé, quelques semaines ou quelques mois, le temps qu’ils soit recouvert d’une colonie crédible d’anatifes (NDLR: des crustacés cirripèdes pédonculés qui se sont fixés sur le flaperon) », avance ainsi la journaliste Florence de Changy dans son ouvrage Le vol MH370 n’a pas disparu.

Insistons par ailleurs sur le fait que ledit flaperon a été retrouvé en assez bon état après avoir parcouru une distance considérable, que le gouvernement australien ait ou non visé juste concernant son périmètre de recherches, et effectué un séjour de quelque 550 jours dans des eaux à l’agitation avérée. Last but not least, ce débris est officiellement, à ce jour, le seul à avoir jamais été découvert et à ne pas avoir coulé, même si certaines pièces susceptibles d’appartenir à l’avion accidenté viennent d’être repêchées au large des côtes du Mozambique et de l’Afrique du Sud. Une incongruité qu’il est bien difficile d’expliquer scientifiquement et de nature à laisser dubitatifs bien des esprits doués du minimum cartésien.

Des témoignages contre la version officielle écartés

D’une façon générale, l’incompétence malaisienne dans cette affaire, volontaire ou pas, est pour ainsi dire criante, tout comme les approximations australiennes, elles aussi accompagnées de déclarations aussi définitives qu’infondées. La discrétion des Etats-Unis et de la Chine, dont 153 ressortissants se trouvaient pourtant à bord du Boeing prétendument disparu, par-delà une certaine exaspération contre Kuala Lumpur dans les jours qui ont suivi le drame, peut-être pour donner le change, est elle aussi frappante.

Pendant que Washington et Pékin se taisaient, les médias et la Malaisie se sont penchés sur la vie du pilote, « coupable » de s’être entraîné à partir de son simulateur personnel à poser son avion sur la piste de Diego Garcia, cœur « militaro-stratégique » des Etats-Unis dans l’océan Indien, sur celle du copilote ainsi que sur les passagers, parmi lesquels deux Iraniens ayant voyagé avec un faux passeport. De quoi, là encore, déplacer l’attention et jeter les bases de la thèse d’un acte terroriste perpétré par un membre d’équipage ou par des pirates de l’air.

Ladite thèse a occupé le devant de la scène, et la société Inmarsat et ses fameux « pings » ont ensuite fait le buzz, pendant que des témoignages cruciaux étaient balayés. On pourrait aussi rappeler la présence à bord de salariés de l’entreprise Freescale, laquelle venait de déposer un brevet sur une nouvelle technologie dont il s’est murmuré qu’elle était capable de rendre furtif n’importe quel avion. Une thèse « à la James Bond » voudrait que ces employés aient été le cœur de l’énigme, sauf que les patronymes des inventeurs qui figurent sur le brevet précité, intitulé US8671381 et consultable sur la Toile, ne correspondent à aucun des noms des passagers chinois du MH370, comme l’a souligné Florence de Changy.

« Qui se souvient par ailleurs que le ministère vietnamien de la Défense a annoncé l’heure et le lieu du crash dès le 8 mars au matin ?« 

Il n’en demeure pas moins que cette fable a occupé les esprits, autrement plus que cette information publiée le jour même de la disparition du Boeing 777 par China.com et le China Times selon laquelle l’équipage a réclamé un atterrissage d’urgence. Ancien du China Times, Taijing Wu a par la suite confié à Florence de Changy que l’ambassade américaine en Chine a affirmé qu’une unité de l’armée américaine basée à U-Tapao, dans le sud de la Thaïlande, a capté un signal de détresse. Le pilote aurait effectivement demandé un atterrissage d’urgence et craint la désintégration de son avion… A-t-il auquel cas tenté le tout pour le tout, prenant beaucoup – trop – d’altitude pour tenter de stopper la propagation d’un incendie particulièrement violent, nous y reviendrons, quitte à prendre le risque ultime d’aller au-delà des limites physiques du Boeing 777 et de se trouver en état d’anoxie, suivant ce qui s’est produit en 2005 sur le vol 522 d’Helios Airways ? On ne le saura sans doute jamais.

Qui se souvient par ailleurs que le ministère vietnamien de la Défense a annoncé l’heure et le lieu du crash dès le 8 mars au matin ? Qui sait, dans le monde occidental en particulier, que le site d’informations Tuoi Tre News a repris cette même matinée du 8 mars un communiqué de la marine vietnamienne selon lequel « l’avion s’est écrasé à 1h40 heure locale, à 53 milles nautiques (300 kilomètres) au large de Tho Chu » ? Qui sait enfin que, toujours le matin du 8 mars, près de 8 heures après la perte du contact avec le MH370, le Centre de recherches et de secours vietnamien a selon le Vietnam Express capté le signal de la balise ELT (Emergency Local Transmittor), dont l’emport est obligatoire sur tous les appareils civils depuis 1995, à 9h50 heure locale et à 120 milles nautiques (220 kilomètres) au sud-ouest du cap de Ca Mau ?

De même, le témoignage du quinquagénaire Mike McKay, qui travaillait alors sur une plate-forme pétrolière et jouissait d’une expérience de plus de trente ans sur ce type d’installations, n’est pas passé à la postérité. Cet homme a pourtant évoqué, non sans insistance, un avion en feu, au loin dans le ciel, plein ouest de l’endroit où il se trouvait, très loin du sud de l’océan Indien où se sont concentrées les recherches, alors qu’il était sorti fumer une cigarette.

« Lorsque nous avons atteint la terre, tout le monde parlait de l’avion manquant et on nous a demandé si nous avions vu quoi que ce soit. Comme j’avais douté de ce que j’ai vu et j’étais émotionnellement dans une mauvaise passe, j’ai balayé sur ce que je pensais avoir vu », a ensuite expliqué Katherine Tee ».

Les autorités vietnamiennes et malaisiennes ont été informées, puis plus tard ses employeurs, mais ses déclarations n’ont manifestement pas retenu leur attention, à tout le moins pas assez pour amener une redéfinition du champ des investigations. Qu’à cela ne tienne: un an après les faits, Mike McKay a persisté et signé dans une interview accordée au Daily Mail.

Quid également des déclarations de Katherine Tee, laquelle a rapporté fin mai 2014, alors qu’elle traversait en bateau avec son futur ex-mari, le navigateur suisse et sud-africain Mike Horn, « l’océan Indien dans le mauvais sens, de Cochin (Inde) à Phuket (Thaïlande) », avoir « cru voir un avion en train de brûler à l’arrière de la poupe de bâbord à tribord, ce qui aurait été donc du Nord au Sud » ? « C’était environ à la moitié de la hauteur environ des autres vols que j’avais suivi au cours de cette partie du passage. Comme ce n’est pas quelque chose que vous voyez tous les jours, je me suis posé des questions. J’avais vu ce qui semblait être un avion allongé lumineux orange vif , avec une traînée de fumée noire derrière lui », a-t-elle poursuivi.

« Lorsque nous avons atteint la terre, tout le monde parlait de l’avion manquant et on nous a demandé si nous avions vu quoi que ce soit. Comme j’avais douté de ce que j’ai vu et j’étais émotionnellement dans une mauvaise passe, j’ai balayé sur ce que je pensais avoir vu », a ensuite expliqué Katherine Tee. Quoiqu’assez tardif, son témoignage fait écho à d’autres déclarations similaires d’habitants des côtes nord-est de la Malaisie évoquant tantôt une explosion, tantôt des lumières orange dans le ciel, voire un avion volant très bas et à contresens. Elles non plus n’ont pas bénéficié du traitement qu’elles auraient sans doute mérité.

Aucune preuve formelle de détournement

On le voit, les travaux officiels ont été pour le moins émaillés d’erreurs en tout genre, pour certaines très graves. Ils n’ont fait, mais c’était peut-être l’effet recherché, qu’épaissir le mystère et attiser les imaginations. De notre côté, nous avions en juillet dernier, trois semaines avant la découverte du flaperon, évoqué une techniquement possible « prise de contrôle à distance par un hacker particulièrement redoutable, puis la destruction de l’aéronef, devenu incontrôlable, probablement par les Etats-Unis, le vol MH370 détourné transportant un secret par trop précieux ou constituant une menace trop redoutable pour ne pas être en cas abattu tôt ou tard s’il venait à tomber dans de mauvaises mains ».

Pour séduisant qu’il puisse être, ce scénario-ci relève lui aussi, admettons-le, de la science-fiction, d’autant qu’il fait bien peu de cas des témoignages précités faisant état d’un avion en feu, mais qu’en est-il d’une prise de contrôle à distance par Boeing, sachant que George W. Bush, alors président des Etats-Unis, souhaitait qu’une telle technologie voit le jour après les attentats du 11 septembre 2001 ? Encore faut-il que celle-ci existe. En supposant que cela soit le cas, une opacité complète aurait entouré les recherches des ingénieurs et autres partenaires du très puissant avionneur de Seattle. Surtout, il aurait fallu une seule bonne raison pour faire se crasher l’avion : la présence avérée dans le cockpit de terroristes, au sein de l’équipage ou parmi les passagers, désireux de s’en prendre à des intérêts américains.

« Rappelons toutefois que le MH17, un autre Boeing 777 appartenant lui aussi à Malaysia Airlines, a été détruit par un missile au-dessus de l’Ukraine en juillet 2014″.

D’hypothétiques desseins meurtriers auraient en outre pu être réduits à néant par le biais d’un tir de missile, méthode plus expéditive, bien sûr impossible à assumer pour un Etat de droit qui se retrouverait immanquablement mis au ban des nations pour avoir, par-dessus tout, tué des civils, mais plus conventionnelle. Et plausible sur le papier, toutes choses égales par ailleurs, étant donné la présence de forces militaires américaines, notamment dans le cadre des exercices « Cope Tiger »  (NDLR: annuels, ces exercices de défense aérienne impliquent également les forces singapouriennes et thaïlandaises. En 2014, ils se sont cependant déroulés entre le 10 et le 21 mars), le peu d’entrain de Washington, et les témoignages de Mike McKay et Katherine Tee.

Rappelons toutefois que le MH17, un autre Boeing 777 appartenant lui aussi à Malaysia Airlines, a été détruit par un missile au-dessus de l’Ukraine en juillet 2014. La probabilité statistique qu’une compagnie perde deux avions, qui plus est deux modèles identiques, en l’espace de quatre mois est déjà extrêmement faible. Les perdre dans des circonstances similaires devient stricto sensu extraordinaire.

Les boîtes noires n’ayant jamais été officiellement retrouvées, rien ne permet d’attester d’un détournement. Ajoutons que la Malaisie a parlé d’un « acte délibéré » le 15 mars, soit une semaine après la disparition du Boeing 777, prenant là encore tout le monde par surprise. Afin d’étayer cette thèse, le gouvernement malaisien a évoqué, sans trop s’attarder sur les détails, le débranchement du transpondeur et du système ACARS (NDLR : Aircraft Communication Addressing and Reporting System. Ce dispositif de communication et de surveillance par radio permet le contrôle automatique de l’état de l’aéronef en vol, envoyé vers le centre de maintenance de la compagnie aérienne propriétaire de celui-ci, mais aussi l’acheminement de communications opérationnelles et logistique). Problème : rien ne prouve de façon irréfutable que la neutralisation de ceux-ci est le résultat d’une action humaine. Elle pourrait s’expliquer aussi par la propagation d’un incendie à bord, éventuellement signalé par l’équipage et dont le caractère hautement destructeur ne serait pas s’en rappeler celui qui s’est produit en 1998 sur le vol 111 de Swissair.

Le lithium-ion est-il la clef ?

On s’est beaucoup interrogé, non sans raison, sur la cargaison du MH370. Tout comme pour la liste des passagers, Malaysia Airlines a fait preuve d’une lenteur inhabituelle pour la dévoiler au grand public. Le temps de modifier ce qu’il était jugé souhaitable de l’être ? Toujours est-il qu’il s’est écoulé plusieurs semaines, alors que deux jours seulement ont suffi pour dresser l’inventaire exhaustif de ce que contenaient les soutes du MH17.

« On ne peut exclure qu’un scénario analogue se soit produit sur le MH370 et les spécialistes des catastrophes aériennes savent qu’un incendie insoluble dû à une cargaison inflammable peut tout à fait se déclarer dans un avion civil ».

Si on admet que la liste fournie est exacte, ou du moins proche de la vérité, plus de deux tonnes et demi de « batteries au lithium-ion, accessoires de talkie-walkie et chargeurs » ont pris place dans le Boeing 777 disparu. Une cargaison tout à fait inhabituelle sur un avion civil et dont Malaysia Airlines a reconnu l’existence une semaine après l’accident. Elle a été expédiée par Motorola, avec pour transitaire NNR Global Logistics, on ne saura vraisemblablement jamais pourquoi elle s’est retrouvée à bord du MH370 et ce chargement était potentiellement catastrophique quand on sait que les piles au lithium qui se sont enflammées dans sa soute sont la cause de l’accident du vol 6UPS Airlines, en septembre 2010.

Ce Boeing 747 cargo s’est écrasé peu après son décollage de Dubaï (Emirats Arabes Unis) après que de la fumée se soit répandue dans le cockpit. L’incendie a ensuite détruit le câble d’alimentation en oxygène du commandant de bord, tuant ce dernier, tandis que la fumée empêchait le copilote de voir ses instruments. Seul maître à bord dans un habitacle ravagé, ce dernier n’a pu éviter le pire. Un an plus tard, un autre Boeing 747 cargo appartenant à Asiana Airlines a connu le même sort.

On ne peut exclure qu’un scénario analogue se soit produit sur le MH370 et les spécialistes des catastrophes aériennes savent qu’un incendie insoluble dû à une cargaison inflammable peut tout à fait se déclarer dans un avion civil. Le vol 592 de la compagnie low cost ValuJet qui s’est crashé dans les Everglades (Floride) en mai 1996 transportait en effet des pneus, des bagages, mais surtout des générateurs d’oxygène qui n’avaient pas été scellés et sont l’élément déclencheur de la tragédie. L’accident du vol 295 de South African Airways, qui fit 159 victimes neuf ans auparavant, a pour sa part été attribué à un sinistre d’origine indéterminée. Il se trouve que ce Boeing 747 était « hybride », c’est-à-dire divisé en deux sections séparées par une simple cloison et une porte, avec les passagers à l’avant et une partie de fret à l’arrière. L’incendie fatal vient selon toute probabilité de ladite partie, mais l’origine de la cargaison et sa composition, forcément suspicieuse, demeureront à tout jamais un mystère.

Revenons-en au MH370 et soulignons que la FAA (Federal Aviation Administration) a durci la réglementation sur le transport d’équipements au lithium-ion dans les mois qui ont suivi le drame. A défaut d’être toujours appliqué à la lettre, celui-ci est désormais beaucoup plus sérieusement encadré, ce qui est logique au regard des dommages qu’ils peuvent engendrer, comme le montre cette vidéo . Faut-il voir dans ce durcissement un lien de cause à effet ?

Le « Dreamliner », un avion inquiétant

En mars 2014, le Boeing 787 « Dreamliner », mis en service six ans plus tôt et qui compte une quarantaine de clients, sort quant à lui d’une période très mouvementée, avec une série d’incidents plus ou moins graves, tous médiatisés et qui ont jeté un doute sérieux sur sa fiabilité. Le 7 janvier 2013, l’un des exemplaires de la compagnie Japan Airlines est endommagé par un incendie dû à un problème de batterie sur le tarmac de l’aéroport de Boston-Logan. Quatre jours plus tard, la FAA exige une inspection détaillée de l’ensemble des systèmes critiques de l’appareil.

Le 16 janvier 2013, les deux principaux acheteurs du « Dreamliner », All Nippon Airways et Japan Airlines, décident d’appliquer le principe de précaution et imposent l’immobilisation au sol de leurs Boeing 787 à la suite d’un atterrissage d’urgence la nuit précédente. D’autres compagnies propriétaires du long-courrier, qui doit incarner la relève du vieillissant Boeing 747 aux côtés de son aîné le 777, emboîtent le pas de leurs homologues nippones.

Consciente de la menace et préférant jouer la prudence, la FAA frappe dans la foulée un grand coup : elle impose l’immobilisation de tous les Boeing 787. Difficile de faire pire contre-publicité… Cette décision sans précédent tient sa source dans la surchauffe de deux systèmes de batteries au lithium-ion. La mise à pied s’étend sur une période de trois mois et le « Dreamliner » revient finalement en grâce le 19 avril 2013, après plusieurs essais en vols sur les nouvelles modifications apportées aux batteries par les ingénieurs de Boeing.

Innovation dans le secteur, les batteries lithium-ion sont l’une des marques de fabrique du Boeing 787, un avion dont le développement avait déjà coûté la bagatelle de 50 milliards de dollars à l’avionneur en avril 2015. Si d’aventure les 221 kilos de batteries lithium-ion avaient causé le crash du MH370, il semble évident que des voix se seraient élevées pour faire le lien avec le « Dreamliner » et réclamer l’arrêt du programme. L’opinion publique internationale aurait sans doute aussi pris l’avion en grippe, avec des conséquences financières pouvant être cataclysmiques pour l’éternel rival d’Airbus Group. Alors que le 747 commence petit à petit à faire valoir ses droits à une retraite bien méritée et que le 777, réputé très sûr, est entré en service en juin 1995, le 787, qui concurrence les Airbus A350 et A380, représente une partie importante de l’avenir de Boeing sur le créneau des long-courriers. Définitivement, l’enjeu est énorme.

A ce stade, le « Dreamliner », bien que peu énergivore et donc, par essence, séduisant pour les compagnies aériennes, n’en demeure pas moins le talon d’Achille de la division « Aviation commerciale » du constructeur en raison de coûts de production supérieurs à ses attentes. Il n’était toujours pas rentable aux dernières nouvelles et les comptes 2015 du groupe  n’ont apporté aucun détail financier sur l’avion, préférant porter l’accent sur le succès du 737 « MAX ». Le « Dreamliner » n’en a pas moins été décliné et la toute dernière version, le « 787-9 », a été certifiée par la FAA ainsi que par l’AESA, son pendant européen, le 16 juin 2014, soit un peu plus de trois mois après la disparition du MH370.

Encore une fois, si les batteries lithium-ion avaient formellement causé la perte du Boeing 777 de Malaysia Airlines – ce qui aurait engagé sa responsabilité ainsi que celle de l’expéditeur, donc Motorola –, cette certification aurait très bien pu être reportée sine die.

En partant de l’hypothèse vraisemblable que le MH370 s’est écrasé en raison d’un incendie dû aux batteries lithium-ion présentes dans ses soutes et que les Etats-Unis le savent, est-il insensé de penser que les bateaux américains présents à proximité de la zone où il s’est véritablement écrasé ont fait « le ménage » pour effacer les traces de cette tragédie ? Ont-ils dicté sa conduite à la Malaisie, qui a parallèlement attiré l’attention dans une autre zone, sachant que la flotte de Malaysia Airlines est dominée par Boeing et que, plus largement, le pays a tout intérêt à tisser des liens commerciaux plus étroits avec l’Oncle Sam ? Le rapprochement entre Washington et Kuala Lumpur dans les semaines qui ont suivi le crash n’a en tout cas échappé à personne. S’agit-il d’une « récompense » pour avoir servi la cause du vénérable constructeur et, par extension, de la première puissance économique mondiale qui, soit dit en passant, avait, la première, évoqué une nouvelle zone de recherches – déjà le sud de l’océan Indien – par la voix du porte-parole de la Maison Blanche, dès le 13 mars 2014 ?

« L’histoire a donc déjà montré que les pouvoirs publics étaient disposés à repousser un certain nombre de limites afin de sécuriser l’avenir d’un gros-porteur commercial conçu par une entreprise qui brasse des sommes mirobolantes ».

Reste le quasi-mutisme de Pékin, qui entretient des relations d’une infinie complexité avec les Etats-Unis, en particulier du point de vue commercial. Les principales compagnies aériennes chinoises n’en sont pas moins clientes du « Dreamliner » (Air China en a commandé sept exemplaires et la flotte de China Southern Airlines en compte actuellement dix), à l’exception notable de China Eastern Airlines, qui a annulé une commande de 2005 six ans plus tard, préférant jeter son dévolu sur le 737 MAX, un monocouloir plus conforme à ses besoins.

D’une façon générale, les compagnies chinoises continuent de tenir Boeing en haute estime et l’Empire du Milieu n’aurait pas eu intérêt à révéler un pot-aux-roses, aussi nauséabond soit-il, étant donné l’accent que portent les autorités sur les exportations, qui demeurent l’un des grands moteurs de la croissance du pays, même si le modèle économique chinois tend à évoluer et fait la part de plus en plus belle au secteur des services. Il faut enfin se souvenir qu’à la suite de la catastrophe d’Habsheim, le 26 juin 1988, les pilotes ont été jugés seuls responsables et leurs propos incriminant l’Airbus A320, alors flambant neuf, littéralement balayés par les autorités et la justice. Ces dernières ont tout mis en oeuvre pour disculper et protéger l’avion, révolutionnaire et nécessairement irréprochable au vu des enjeux commerciaux considérables, au point peut-être de trafiquer les boîtes noires, selon l’ancien pilote d’Air France devenu paria Norbert Jacquet, a minima d’infliger des peines de prison au commandant de bord Michel Asseline. L’histoire a déjà montré que les pouvoirs publics étaient disposés à repouser les limites afin de sécurier l’avenir d’un gros porteur commercial, conçu par une entreprise brassant des sommes immenses. Tout cela n’est qu’une hypothèse. Elle a toutefois le mérite d’expliquer bien des choses. Plus que beaucoup d’autres.

Guillaume Duhamel

Guillaume Duhamel

Journaliste financier originellement spécialisé dans le sport et l'écologie. Féru de politique, de géopolitique, de balle jaune et de ballon rond. Info plutôt qu'intox et intérêt marqué pour l'investigation, bien qu'elle soit en voie de disparition.

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