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Il avait l’air emprunté. Ou plutôt, il l’était. Embourbé même.

C’est l’histoire d’un chef de l’Etat dépassé par les événements, comme groggy par la découverte des limites de ses propres compétences. Avait-il jusqu’ici fait fi de la crise ? Etait-il dans le déni ? L’a-t-il sincèrement sous-estimée ? Elu sur la forme plus que sur le fond, grâce à un sentiment anti-sarkoziste profond et quasi-viscéral éprouvé par des millions de nos concitoyens dont il a su habilement tirer profit, François Hollande était attendu au tournant jeudi soir, dans un contexte d’irrésistible ascension du chômage et alors que sa cote de popularité, dix mois seulement après son accession à la magistrature suprême, a atteint un niveau risible.

 

Le successeur de Nicolas Sarkozy s’est exprimé devant seulement huit millions de téléspectateurs. Un chiffre anormalement bas pour un tel rendez-vous et qui démontre, a minima, sinon le désintérêt voire le mépris, en tout cas la circonspection des Français à son endroit. Aussi bien envers son action qu’envers sa personne. Disons-le tout net, sa prestation a été à l’image de son début de mandat : brouillonne. Peu convaincant – plus de 80 % de nos compatriotes en ont convenu d’après un sondage publié sur le site Internet d’Europe 1 -, le président a parlé d’une « boîte à outils » et soutenu mordicus que la France avait tout pour sortir de la crise profonde dans laquelle elle est plongée. Il a aussi assuré, comme Jean-Marc Ayrault avant lui dans le sillage du dépôt d’une motion de censure contre le gouvernement, peut-être la première d’une longue série, savoir où il va et être déterminé à garder le cap.

C’est bien maigre pour une population qui, situation inédite depuis 1984, est en train de voir son pouvoir d’achat diminuer. Ce n’est satisfaisant ni pour les entreprises, ni pour la Défense. C’est dur à vivre pour les classes moyennes et les riches. Politiquement, le président de la République n’a en outre sans doute jamais été aussi seul. Ainsi Jean-Luc Mélenchon ne le lâche-t-il plus d’une semelle, tandis que les écologistes trépignent et que le député socialiste Pascal Cherki, lequel a peut-être dit tout haut ce que plusieurs de ses pairs pensent tout bas, l’a enjoint à ranger pour de bon ce costume de conseiller général dans lequel il se sentait sans doute beaucoup plus à l’aise.

Celui de chef de l’État est-il trop grand pour lui ?

Ils sont en tout cas nombreux à le penser, y compris à l’étranger, inquiets par le manque criant de lisibilité de son action et par ces mesurettes qui donnent à penser qu’il n’a toujours pas correctement jaugé la gravité de la situation. Le Hollande bashing est en vogue et a sans doute de beaux jours devant lui. Tant que l’intéressé s’obstinera à prendre systématiquement le contrepied de son omniprésent prédécesseur, tant qu’il donnera l’image d’un chefaillon atone qui a touché le fond, mais creuse encore, il ira de Charybde en Scylla. Pris en tenaille entre une opposition qui joue son rôle à plein, malgré des dissensions internes et la forcément très médiatisée mise en examen de Nicolas Sarkozy, des alliés mécontents et certains responsables socialistes qui commencent légitimement à douter de lui, François Hollande dispose désormais d’une marge de manœuvre extrêmement limitée.

Sans doute va-t-il falloir changer de braquet dans les plus brefs délais. Adopter un autre style, mener une politique plus ambitieuse. Sous peine de donner raison au précédent locataire de l’Elysée qui, durant le débat de l’entre-deux-tours, avait estimé que sa normalité n’était pas à la hauteur des enjeux.

Guillaume DUHAMEL

 

Guillaume Duhamel

Guillaume Duhamel

Journaliste financier originellement spécialisé dans le sport et l'écologie. Féru de politique, de géopolitique, de balle jaune et de ballon rond. Info plutôt qu'intox et intérêt marqué pour l'investigation, bien qu'elle soit en voie de disparition.

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