L’exécution d’Hervé Gourdel, amoureux de la montagne « coupable » de s’être trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, rappelle si besoin était la détermination sans faille de l’Etat islamique (EI). Et l’urgence absolue de la situation.
Son nom ne sera pas oublié. Il faut en tout cas le souhaiter. Parce qu’il est le premier martyr français de l’Etat islamique (EI), ce mal absolu qui continue de se propager et auquel un nombre croissant d’islamistes fait désormais allégeance. Un mal plus effrayant encore qu’Al-Qaïda, qui commence à perdre des membres, pendant que lui en engrange. C’est qu’en termes de « résultats » et de potentiel, le premier fait moins de dégâts que le second.
Un mal qui frappe tous ceux qui ne sont pas comme lui, y compris les musulmans plus modérés, et qui ne recule devant rien, sinon les bombes américaines. Et encore…
Cet EI dispose de moyens logistiques considérables et, encore une fois, ses rangs grossissent. Il entretient la peur et ses modus operandi, dictés par le seul sceau de la cruauté, ne varient pas. Savamment mises en scène, ses décapitations d’otages préalablement contraints à d’humiliants appels à l’aide sont d’authentiques provocations. De redoutables pièges dans lesquels le monde occidental n’a cependant d’autre choix que de tomber, sous peine de se retrouver débordé de toutes parts. À moins que ces brutes sanguinaires n’agissent sans réfléchir du tout, ou suivant une logique définitivement insaisissable, parce que trop éloignée de ce qui est supposé régir l’esprit de l’Homme.
Il n’est pas question de minimiser ce qui est à présent bien plus qu’une menace. Car nonobstant les fous d’Allah qui constituent cette force redoutable dont les appuis financiers sont dramatiquement flous, l’EI est bien organisé.
ISIS appelle la Realpolitik
Ses exécutions à la chaîne et son arrogance terrifiante appellent le sang et une mobilisation internationale. Il le sait, mais il sait aussi que celle-ci tarde à venir. Que la communauté internationale a pris (trop ?) tardivement conscience de l’ampleur de la vague génocidaire qui déferle sur la Syrie, l’Irak et risque fort de s’abattre sur d’autres pays où la confusion règne. Que cette même communauté internationale lui a donné corps en aidant originellement les rebelles syriens, parmi lesquels pléthore d’islamistes, à combattre le régime anti-démocratique de Bachar-el-Asad, lequel, pour un peu, passerait presque aujourd’hui pour un enfant de choeur.
Peut-être ces djihadistes sont-ils, tout compte fait, plus malins que ces moralisateurs droits-de-l’hommistes qui les ont aidés à proliférer en s’ingérant dans un conflit qui les dépassaient – et les dépassent certainement encore – totalement.
La France, elle, peut bien pleurer son malheureux compatriote qui aurait pénétré une « zone interdite » d’après le Quai d’Orsay, le fait est qu’elle ne semble pas à même de juguler ce qui doit l’être.Le camouflet d’Orly, où devaient être cueillis trois djihadistes partis en Syrie, témoigne en tout cas d’une légèreté pour le moins inadaptée aux enjeux.
L’exécution d’Hervé Gourdel et cet épisode affligeant semblent démontrer qu’une voire des actions terroristes d’envergure peuvent être menées sur le territoire national. En fait sur les territoires de tous les pays qui, de près ou de loin, oseraient tenter de s’opposer à l’irrésistible ascension du péril islamiste.
Dans de telles conditions, il faut se remémorer les refus opiniâtres de Pékin et de Moscou de s’opposer à Bachar-el-Asad. Par-delà le jeu des alliances politiques et les arrières-pensées en tout genre, il n’est pas ou plus indécent de penser que la Chine et la Russie ont pris la mesure du danger avant le monde occidental. De fait, il serait peut-être judicieux de repenser la situation en Ukraine, bien que très différente, desserrer l’étau économique sur le pays le plus étendu du monde, prendre le chemin de la détente et se focaliser sur l’essentiel, comprenez le plus dangereux.
Car l’ennemi du monde n’est pas Vladimir Poutine. Les desseins « soviétistes » de l’homme fort du Kremlin, aussi contestables soient-ils, ne sont « que » régionaux. Ils n’ont rien de religieux, ils ne visent pas à décimer des populations entières sans distinction.
Alors, en bout de course, l’EI appelle une autre vision. L’émergence d’une realpolitik par définition plus cynique, mais imposée par la perspective d’un chaos sans frontière peut-être jamais vu. La formation d’une union sacrée portée par une volonté politique inébranlable et une implication militaire sans faille.
Le prix à payer pour que ce monde qui retient son souffle puisse un peu mieux respirer.