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J’ai vu le match dimanche dernier et je n’en ai pas dormi de la nuit. Et ça rumine, encore et encore. Ah ! Ce carton rouge adressé au capitaine du Paris Saint Germain, Thiago Silva.  22 matchs en Ligue 1, 14 fautes, 2 avertissements. Pas un seul carton rouge sur le sol européen depuis son arrivée du Brésil en 2009. L’exemple pour tous qui manifeste à chaque match le devoir de s’opposer à l’attaquant adverse avec engagement et respect. Et voilà que ce joueur irréprochable voit débouler l’arbitre furibard en sa direction suite à un fait de jeu anodin.

 

 

Alexandre Castro, 43 ans, est professeur de mathématiques et arbitre fédéral depuis 1995. Cette saison, il a 10 matchs de Ligue 1 au sifflet pour 44 jaunes et 5 cartons rouges distribués. Alexandre Castro est comme ça. Il aime la biscotte et ce geste du défenseur parisien… il l’interprète comme contestataire et intimidant. Ni une ni deux, d’un geste soudain, telle une flèche tirée à bout portant, une équation résolue avant d’être posée, il brandit verticalement son carton rouge. La foule n’en croit pas ses yeux. Blaise Matuidi s’arrache le crâne. L’entraîneur parisien viendra bien lui signaler avec son accent transalpin à la fin du match que « Ce n’est pas ça le football », c’est le directeur sportif du PSG, Leonardo, qui se signifiera en bousculant, les mains dans les poches, le père siffleur à son retour au vestiaire. Ce même Leonardo interpellera même les journalistes de l’AFP faisant remarquer (à juste titre ?) que l’agresseur n’était autre que le délégué du match qui l’avait poussé vers l’arbitre.

 

Quelle belle comédie. On lit la presse, on écoute les médias, on en parle entre collègues, et c’est le directeur sportif qui risque gros. Jusqu’à un an de suspension et un retrait de points pour son club. L’arbitre ? On ne l’évoque même  plus. Aucune interview. Aucun soutien. Le silence total. Il ne risque rien lui de toute façon. Aucune sanction ni mauvaise note. Il peut retourner dans son lycée lyonnais enseigner les théories de Pythagore et de Thalès.

 

Alors ça y est. J’ai pris ma décision. Je démissionne. Je plaque tout. Femme, enfants, boulot, chien, chat, acariens. Je me suis inscrit à la Fédération Française de Football. Je vais suivre une formation d’arbitre professionnel. Règlements, codes, lois… L’arbitrage n’aura plus aucun secret pour moi. Je veux devenir « L’Arbitre ». Celui que tout le monde appréciera, celui que tout le monde demandera, celui qu’on n’appellera pas « Enculé », celui que les instances du monde entier appelleront pour les plus grands rendez-vous de la planète Football. Je veux devenir le Pelé du coup de sifflet, le Maradona de la poignée de main, le Zizou du carton rouge, le Platini du lancer de pièce.

 

Arbitre, j’irai d’abord dans les vestiaires, avec mon sourire avenant et ma bonne humeur, saluer chaque équipe, leur souhaitant de faire un bon match, de respecter l’adversaire et surtout de prendre du plaisir. Dans mon vestiaire, j’écouterai les dirigeants des deux équipes ; je recevrai les deux capitaines en leur rappelant de toujours montrer l’exemple ; j’encouragerai mes collègues leur répétant que je suivrai toujours leur avis en cas de nécessité. Sur la pelouse, je m’échaufferai sereinement et quand j’entrerai pour le match mon cœur palpitera avec l’espoir que ce match se déroule avec passion, bonheur et fougue, dans un esprit loyal et respectueux des règles.  Je sifflerai le début du match, et tel le cowboy qui range son flingue dans son étui, je cacherai mon sifflet en guise d’apaisement. Je suivrai les actions pour être au plus près d’un mauvais contact, j’appliquerai la règle de l’avantage, je mettrai toujours le mur à 9m50. Je serai pointilleux sur tout ce qui n’a pas de mauvaise conséquence : je referai jouer une touche mal faite ; j’appliquerai mon quota de cartons jaunes sur les gardiens de buts plutôt que sur les joueurs de champ… En cas de faute du dernier défenseur, je n’appliquerai jamais la double peine du penalty – carton rouge. Soit c’est l’un, soit c’est l’autre. En cas de tension palpable, je réunirai les deux équipes, comme à l’école, avec les deux capitaines devant. Je dirai solennellement : « C’est à vos capitaines que je mets un carton jaune, la prochaine fois ce sera un rouge pour tout le monde ». A l’entraîneur agacé quittant son banc pour me réprimander, je lui demanderai s’il a prévu d’apporter aussi le thé, le café et les petits gâteaux. Au joueur qui me touche les épaules, je lui réclamerai aussi qu’il me fasse la bise comme Civelli à Zlatan. Quant à celui qui enlève son maillot de joie d’avoir marqué un but, je lui soumettrai d’échanger nos maillots. Et pour ne pas donner un carton rouge au tacle par derrière, j’inventerai le carton orange…

 

Oui, camarades, devant vous, aujourd’hui, je veux devenir le révolutionnaire du sifflet. Derrière moi, amateurs du ballon rond ! « Réveillez-vous » comme disait l’autre. Devenons arbitres respectables. Devenons de vrais acteurs du jeu et non de simples figurants. Que Zlatan soit fier de nous en venant nous serrer la main sans nous pointer son doigt au visage. Que Lavezzi ne simule plus dans la surface adverse. Que Menez nous dise un joli mot. Que Pastore nous parle français. Que Matuidi explose de joie devant nous. Que Verratti nous applaudisse. Que Leonardo nous embrasse. Et que Thiago Silva nous pardonne !

 

Fabrice Piofret

 

 

Fabrice Piofret

Fabrice Piofret

Il paraît que ma photo traîne dans la chambre de Julien de Rubempré... 34 ans.

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