Partagez sur "La dernière semaine de Thomas Guénolé sur RMC : Salut, l’artiste !"
Suite à une chronique polémique sur RMC après les attentats du 13 novembre, l’inénarrable Thomas Guénolé a été remercié par la station.
Tout semblait aller pour le mieux à Guénoland depuis plusieurs semaines : des billets matinaux, un livre pour dire que la banlieue c’est chouette et peuplée de génies en puissance, des portraits flatteurs dans Libération, bref, de quoi faire naître ce délicat sourire derrière ce bouc. Et puis patatras. Un monde, le sien, avec ses nuages en guimauve et ses routes en chocolat blanc, s’écroule. Et sa jolie licorne qu’il chevauche chaque matin pour parcourir son univers merveilleux a aussi dérapé. Si l’État se met à bâillonner les génies, jusqu’où va-t-on descendre ? De Socrate à Galilée en passant par Guénolé, la liste s’allonge.
Lundi : Thomas chassait le requin FN
En ce lundi matin, encore inconscient des tumultes qui allaient frapper la France, Thomas entre dans le studio de Jean-Jacques Bourdin avec ses palmes, son tuba, son masque et son caleçon à fleurs, tout simplement parce qu’il avait décidé de partir à la chasse du requin FN. « Le requin s’appelle Front national, et la nageuse s’appelle Nord-Pas-de-Calais-Picardie », s’exclame-t-il, jamais avare d’une géniale métaphore. Après une salve de rires accompagnant l’introduction du Divin chauve, ce dernier s’explique : il faut débattre des problématiques pour les régionales (formation professionnelle ; aides aux entreprises ; le transport local) ; avant d’annoncer (sic) que durant la semaine du 30 novembre, il formulera des propositions concrètes pour les candidats. Ce que nous pouvons simplement rappeler à Thomas, c’est que les candidats ont des projets, mais que c’est plutôt du côté du miroir médiatique déformant qu’il faut regarder, car ce qui intéresse les télévisions et les radios, c’est ce qui fait de l’audience. De surcroît, les gens sont bien plus lucides qu’à Guénoland : ils savent très bien à quoi servent les régions. Ils n’ont plus simplement envie de voter pour les mêmes barons et autres éléphants locaux qui leur racontent la même chose depuis vingt ans, alors ils s’intéressent à la boutique d’à côté. A la fin de sa chronique, notre génie remet sa bouée jaune et s’en va barboter dans son gigantesque océan d’idées lumineuses.
Mardi : Thomas remettait son costume de justicier
Vous l’aviez aimé en baroudeur qui harponne le FN le lundi, vous l’avez aussi adoré avec son collant vert, son chapeau pointu et son carquois dans le dos. Thomas entame donc sa chronique sur le droit au compte bancaire, avant de rajouter que les intérêts devraient être plus importants s’il y a une embellie économique. La solution ? Gérer soi-même son argent grâce à une banque en ligne, et séparer les comptes de dépôt et la spéculation bancaire. Vaste débat ! Que les plus brillants élèves des terminales ES de France et de Navarre se rhabillent, la lumière vient encore et toujours de Saint Thomas. Les banques sont certes bien critiquables, mais qui dit banques en ligne, dit aussi et surtout moins d’employés, moins de contacts, sûrement de la délocalisation et la totale magie du cloud. Le carquois vide, notre preux Thomas des bois aura néanmoins fait trembler le système bancaire une dernière fois.
Mercredi : Thomas retournait à l’école
Ah qu’il devait être beau Thomas, jeune enfant dynamique et curieux, avec son cartable trop grand, à s’asseoir derrière son pupitre, le bras en travers de la table pour que personne ne puisse copier son génie naissant. La boîte de Pépito en moins, Thomas est toujours le même : insouciant et juvénile, et c’est d’ailleurs le jour des enfants qu’il a choisi pour présenter son énième idée brillante : tirer les enfants au sort pour ensuite les affecter à une école, pour créer de la mixité sociale à condition qu’il y ait déjà de la diversité sur le territoire. Cela fonctionnerait certes à Guénoland, où les salaires sont universels et où tout le monde aime tout le monde, mais hélas pas en France et encore moins dans cette France périphérique où le but ultime des autochtones est de mettre suffisamment de côté – quitte à s’endetter – pour fuir ce que l’on appelle à présent les territoires perdus de la République. Ce que Thomas nomme « détresse sociale », d’autres appellent cela « insécurité culturelle » ou « fractures françaises ». Les gens aimeraient sans doute vivre avec les licornes de Thomas Guénolé, mais ils vivent dans un pays où, hélas, ils ne se sentent plus ni chez eux, ni en sécurité. Tant pis pour la thèse : merci à Thomas de nous avoir fait revivre un petit moment à l’école avec lui.
Jeudi : Thomas redécoupait encore les régions
« Il faut remplacer les régions par les provinces historiques françaises ! ». Non, ce n’est ni Maurras ni Barrès qui étaient dans le studio face à Bourdin. C’était notre cher Thomas Guénolé qui, pour s’attaquer au redécoupage technocratique des régions, a réclamé que ces dernières soient recréés en fonction des anciens territoires du royaume. Il est même allé jusqu’à évoquer « l’identité locale » ! Anjou, Béarn, la Champagne … Tout y passe, jusqu’à l’identité culturelle ! Le vernis guénoléen a finalement craqué. Cette « France raciste » qu’il a tant fustigée aurait finalement un caractère, des nuances, des identités et au final une âme. La République n’est-elle pas cet universel qui arrache aux particularités locales ? Guénoland serait donc un facétieux labyrinthe de paradoxes ? Il ne manquait plus qu’un couplet sur la mixité sociale entre les Bretons et les Normands pour que la symphonie soit parfaite. Chapeau maestro.
Vendredi : Thomas aidait gentiment l’Afrique
Ce vendredi 13, la France se réveillait de bonne humeur pour la dernière fois avant très longtemps : elle a donc pu s’émerveiller pour l’avant-dernière fois des prophéties du Divin Chauve sur RMC à propos de l’immigration africaine. Il faut selon lui créer une agence de co-gestion, avec des quotas par métier, en fonction de l’économie. Ce que Thomas n’avait visiblement pas totalement saisi, c’est que, d’une part, l’immigration est et restera ce que Marx nommait « le bras armé du capitalisme » en ce qu’elle fait pression sur les salaires des habitants et pose d’autre part d’inévitables problèmes d’intégration (nous n’osons même plus parler d’assimilation). Comment parler d’identités locales la veille, en proposant le lendemain des quotas d’immigrés ? Insoluble paradoxe.
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Parce qu’il y a eu un avant et un après 13 novembre, nous ne saurions revenir avec légèreté sur les ultimes chroniques de notre cher Thomas Guénolé, surtout celle qui aurait provoqué son éviction. Qu’il soit simplement permis à l’auteur de ces lignes d’espérer que cela ne soit en aucun cas provoqué par une pression politique. Qu’il lui soit également permis de trouver la manière brutale, et de rappeler son attachement viscéral à la liberté d’expression. Tout peut être dit, commenté, étudié.
C’est pourquoi le Nouveau Cénacle adresse ses sincères remerciements à Thomas Guénolé qui a, souvent avec humour, toujours réagi à nos chroniques, parfois lourdes, souvent légères mais qui invitent au débat.
Alors une dernière fois, salut, l’artiste !
Julien de Rubempré