Partagez sur "La France à l’estomac (7) – Le pays des rentrées"
« Mettre quoi que ce soit dans leurs cervelles vides,
C’est difficile, je le sais.
C’est tout comme si l’on pissait
Dans le tonneau des Danaïdes ! » – Georges Brassens
« Aimer c’est reconnaître la valeur de ce qu’on ne pourra jamais connaître. Et non pas célébrer son propre reflet dans le visage d’un semblable. » – Sylvain Tesson
« La société polie, aristocratie réelle et donc intellectuelle, maintenait chez nous, aux siècles antérieurs, l’équilibre par le bon sens. Les salonnards, remplaçant la société polie, instaurèrent aussitôt le culte de deux fétiches aux ravages incalculables : l’homme dit « de génie » et « la foule ». » – Léon Daudet
Je suis nostalgique d’une époque que je n’ai pas connue et qui n’a sans doute jamais existé. Il en est une qui revient, à la fois protéiforme et identique, c’est l’époque de la rentrée. La France est le pays des rentrées : rentrée littéraire, rentrée scolaire, politique, médiatique, même rentrée éthylique avec les foires aux vins de septembre… Du statut rituel que ces rentrées avaient pu acquérir, il ne reste que la coquille… vide, hélas !
Peut-on encore parler de rentrée politique lorsque le politique est à ce point décrédibilisé (par ses propres soins, ce qui paraît Hénaurme! en soit-disant démocratie) que le parti au pouvoir annule ses universités d’été par peur des réactions de ce peuple honni qu’il n’a eu de cesse de trahir. Je parle de peuple honni. La politique du Parti dit Socialiste, puisque c’est de lui dont il s’agit, le révèle au niveau local comme au niveau national. Deux exemples pour illustrer mon propos : la politique parisienne d’Anne Hidalgo, qui aura pour conséquence première de vider le peu de populo qui restait encore à Paname, voilà pour le local ; et sur le plan national, les cadeaux aux grands patrons, déjà ultra-subventionnés et nichefiscalisés quand en parallèle on achète par des aumônes le silence relatif de cette populace qui vote si mal. Il est d’ailleurs singulièrement drôle d’entendre dire que la France est un pays « ultra-libéral », alors que syndicats comme grandes entreprises sont subventionnés directement ou indirectement dans les grandes largeurs, et que politiquement, l’expression d’une opinion iconoclaste peut vous envoyer droit à la XVIIe Chambre correctionnelle sans passer par la case départ ni toucher vingt mille euros.
Les autres partis, ceux dits d’opposition, ne sont pas en reste. Par économie de papier et dans un souci tendance de préservation de l’environnement et de lutte contre le gaspillage, ne citons que l’ex-UMP, vampire de la République par accaparement lexical, qui rejoue ses chevaux déjà usés par les condamnations, les mises en examens, les échecs et les mensonges, et d’ores et déjà rejetés par la majorité de la population. Quid du renouvellement des élites politiques, chose saine et naturelle en démocratie ? Quant au Front national philippoté, sa candidate est d’une inculture crasse, ce que ne manquent pas de souligner Paul-Marie Coûteaux, son ex-conseiller, et son père, c’est-à-dire ceux qu’elle a sans vergogne trahis. Le FN, un parti comme les autres, intéressé par le pouvoir, pas par la France. Brisons là avec les politocards, le reste étant à l’avenant, mauvaise figuration dans le spectacle politique hérité de nos institutions. Ces dernières étaient pensées pour des Hommes d’État, ayant le sens de la France et de l’honneur. Le résultat est là et se passe d’autres commentaires.
Rentrée des livres, rentrée des classes
J’en veux pour preuve la liste des meilleures ventes de livres et le marketing incroyable autour de prétendus « phénomènes » littéraires, récemment Fifty shades of grey.
Rentrée littéraire maintenant, ou plus exactement nous devrions écrire rentrée éditoriale au vu du nombre chaque année exponentiel et époustouflant de publications de qualité inégale, souvent plutôt basse. En cause, l’égalitarisme : tout le monde peut être écrivain. Résultat concret : des écrivassiers sans talent sont portés aux nues, car dans l’air du temps ou banquables, tandis que de réels talents galèrent à se faire éditer ou reste cantonnés à un succès d’estime[1]. Cette imbécillité a tué l’art dit contemporain, avalé et digéré par le Marché, et tue doucement mais efficacement le Spectacle Vivant. Deux fois par an, en septembre et janvier, nous assistons en direct au carnage méthodique de l’hydre acculturée et indifférencialiste sur la littérature, ou ce qu’il en reste. J’en veux pour preuve la liste des meilleures ventes de livres et le marketing incroyable autour de prétendus « phénomènes » littéraires, récemment Fifty shades of grey.
La rentrée des classes, cette fameuse rentrée scolaire, n’est qu’une mise en condition des plus jeunes en vue d’une acceptation totale et d’une assimilation parfaite des réalités précédemment décrites, vendues comme progrès, fête, liberté, ouverture, paix et tutti quanti. Nivellement par le bas (synonyme de succès garanti, au contraire de l’objectif d’emmener chaque élève au maximum de ses capacités, cet élitisme républicain conchié par les libéraux-libertaires et tous ceux qui ont intérêt à ce que les futurs citoyens se content de consommer et de fermer leur gueule), propagande idéologique et relecture de l’histoire en fonction d’objectifs politiciens, programmes incohérents, abandon de la langue, premier vecteur de liberté, pravda ministérielle appliquée à la schlague par des inspecteurs pédagogos (profs ratés ?) souvent idéologues encartés… Quel gâchis ! Ne parlons même pas de la rentrée médiatique tant l’objectif année après année semble être de toucher le fond de la connerie hanounesque, la course au moins disant à alibi culturel, la vente de temps de cerveau disponible à Coca-Cola (enfin, tant qu’il subsiste des cerveaux).
La rentrée en France fut prestigieuse a bien des points de vue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand notre littérature et notre système éducatif rayonnaient, quand les médias n’étaient pas tous vendus à Bouygues et aux marchands de canons, quand de Gaulle (quoi qu’on en pense par ailleurs, mais ce n’est pas notre sujet) incarnait la France (et non la république) avec un certain panache et une honnêteté inconnus depuis.
Comme le disait un vieux dégueulasse[2], « il n’y a que trois façons de s’en sortir : se saouler, se flinguer ou rire ».
[1]Avant qu’on ne me taxe de jalousie, je ne suis pas écrivain, ne me suis jamais senti ou prétendu tel. D’ailleurs, je ne me prétends pas plus critique littéraire, ce que je considère être un exercice particulier répondant à des codes et des règles propres. Je ne suis que le chroniqueur de ce que je vois et ressens, par l’écrit car je ne sais ni dessiner ni filmer, ni peindre. Je n’ai pas d’autre prétention. Ça intéresse, tant mieux ; ça provoque des réactions, excellent ; ça ennuie, pas grave, je continue quand même.
[2]Charles Bukowski.
[2]Charles Bukowski.
[2]Charles Bukowski.