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La chronique hebdomadaire de Christophe Bérurier, professeur de français dans un collège de ZEP.

Lundi

La journée se déroule sans encombre. Je remarque que depuis les annonces faites il y a une semaine par Vincent Peillon concernant les professeurs de ZEP, l’ambiance n’a pas changé d’un iota. Personne n’en parle. Pas la moindre remarque, comme si tous les collègues attendaient de voir la couleur de la sauce à laquelle nous serons mangés.

Pendant un cours de troisième, nous parlons d’humour et de religion. J’aborde le sujet des caricatures de Mahomet par le journal Charlie Hebdo. J’explique aux élèves qu’une société libre doit pouvoir rire de ses institutions y compris religieuses, quelle que soit la religion.  Que les unes de Charlie Hebdo sont faites par provocation et que cela ne mérite pas une vengeance violente.

À la fin de l’heure, une élève de confession musulmane m’explique que vraiment avec des gens comme Charlie hebdo, il ne faut pas s’étonner qu’il y ait des guerres. C’est vrai quoi, ils ne font rien pour la paix entre les gens, ils n’arrêtent pas de nous moquer.

Ce genre de sujet peut être très sensible dans un collège ZEP. Mais c’est ce qui rend un cours plus riche qu’un autre qui évitera à tous prix les sujets qui fâchent. Du moins je le pense.

Mardi

Rendu aux élèves de 4ème d’un questionnaire à propos du film sur la danse que nous avons vu. Les clichés sont les bienvenus :

« La danse classique, c’est plus féminin, alors que la danse contemporaine, c’est plutôt pour les garçons. »… 

« La danse classique c’est des mouvements plus doux, plus faciles que le hip hop… »

 

Un seul élève, un garçon, m’a parlé de la codification en vigueur dans la danse classique et de la liberté laissée au chorégraphe de la danse contemporaine. Les quatre demoiselles qui ont fait de la danse classique m’ont parlé du « côté féminin ».

 

En revenant de la boulangerie du coin, ma viennoise au chocolat sous le bras, je croise l’élève de troisième qui est venue me voir hier à la fin du cours. Elle porte un voile qui lui recouvre tout le corps, des cheveux jusqu’aux genoux à l’exception du visage. Elle tente de passer inaperçue. Raté.

Jeudi

Certains collègues dans la salle des professeurs se moquent allègrement de moi en me voyant arriver en tenue de sport et garer mon vélo. Ils n’ont pas aimé m’entendre dire : « et assis derrière le volant, ça compte comme activité physique ? »

Un élève de cinquième fait encore des siennes. Il a tutoyé quatre professeurs aujourd’hui. Il ne comprend pas ce qui pose problème. Tous les professeurs se plaignent du comportement de ce garçon depuis le début de l’année. Je n’ai eu que trois rapports de discipline depuis septembre.

Vendredi

La photocopieuse est en panne. Chacun y va de sa petite réflexion :

« Ah bah dis donc, le matos qu’ils vendent maintenant c’est vraiment de la merde »

« Tiens la photocopieuse est enrhumée aujourd’hui »

« Mais c’est pas possible, quelle honte de bosser dans ces conditions, vraiment c’est n’importe quoi. »

Quelques élèves de troisième m’ont vu arriver en vélo hier. Après une heure de cours avec la classe concernée et plusieurs rencontres dans les couloirs avec deux de ces élèves, j’ai entendu dix-sept fois la question suivante :

            « Alors Monsieur, ça roule ? »

Christophe Bérurier

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Christophe Berurier

Christophe Berurier est professeur. Il aime les mots et le vélo.

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