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La chronique dominicale de Christophe Bérurier, professeur de français en ZEP.

Lundi

Un nouveau jour de rentrée.

Alors c’était bien tes vacances, t’as bien profité ? 

Les mêmes questions sont posées. Les réponses sont toujours plus ou moins les mêmes.

Premier cours de la journée avec une classe de troisième.  Un nouvel élève. Je n’ai vu aucune affiche, ni aucun message concernant son arrivée. Personne n’est au courant du côté des professeurs principaux.

« Tu étais où avant ? Tu as déménagé ? Je demande en évitant le mot « conseil de discipline“.

— Non on m’a mis ici pour me protéger, m’explique t-il, parce que je me suis battu… Et la personne que j’ai tapée, elle a appelé ses copains et tout… 

— Ah… donc ce n’est ni un déménagement, ni un conseil… et au niveau des cours, ça se passait comment ?

— Franchement… Monsieur, je foutais la merde, dit-il avec un sourire qui me permet de compter toutes ses dents.

—Ah ?… Bon ».  Ai-je répondu, loquace.

 Mardi

Deux heures de cours sont supprimées : les élèves partent en sortie avec leur professeur d’histoire. Visite au Chemin des Dames. Je n’ai été prévenu que ce matin.

« C’était indiqué sur Internet » me dit-on.

Jeudi

Les élèves en sortie sont revenus 

« J’espère que votre sortie vous a intéressés ? »

La réponse, digne d’un chœur tragique ne se fait pas attendre : « Non… c’était trop chiant ».

Ce soir a lieu le conseil de discipline d’un élève de 4ème. Un collègue élu au conseil d’administration m’explique le dossier du jeune garçon. Les éléments du dossier : comportement perturbateur, insolence, violence, agressions verbales répétées envers les adultes du collège, vol. Le collègue conclue son explication en me disant que malgré cela l’élève n’est pas un cas si grave. Ses deux derniers mots sont teintés de compassion ou de pitié :

« Pauvre gamin ».

Vendredi

En racontant la biographie d’Arthur Rimbaud face à une classe de quatrième, j’utilise le mot « blaireau » pour qualifier le poète, alors jeune fugueur attrapé par la police pour n’avoir pas payé son voyage en train. Un jeune garçon prend la parole et me demande ce que j’entends par « blaireau ».

Quatre élèves installés autour de lui, répondent sans attendre un « c’est toi » qui vient du cœur.

 Durant l’heure de déjeuner, une collègue crie en appelant un autre professeur :

« Eh, toi qu’es là… comment on fait pour imprimer le relevé de notes d’un élève ?

– Pour éteindre il faut cliquer sur démarrer, dit-il en me faisant un clin d’œil.

– Non mais comment on fait, t’es pas marrant… »

Après l’explication le sauveteur propose une blague :

« C’est comme le professeur qui dit à l’élève “obtempère “ et l’élève qui lui répond “comment ça ton père ? Nique ta mère  oui “.

Le silence dans la salle des professeurs est encore audible, si on tend bien l’oreille.

Personne n’a ri.

 Christophe Bérurier

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Christophe Berurier

Christophe Berurier est professeur. Il aime les mots et le vélo.

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