La chronique hebdomadaire de Christophe Bérurier, professeur de français en ZEP.
Lundi
Lendemain des élections municipales. Le maire de la ville est réélu au premier tour. Dans la salle des professeurs, j’y vais de ma petite blague.
« Oh mais pourquoi ça veut pas ! s’exclame un collègue chargé de l’entretien du réseau informatique.
— Ca ne fonctionne pas ? Fais gaffe, c’est encore un coup de Front National, j’ai dit, un léger sourire aux lèvres, ils sont responsables de tout apparemment.
— Ah arrête, dis pas de conneries, tu vas avoir des problèmes toi ! »
Se greffant à la conversation, le collègue chargé de la classe d’élèves handicapés affirme, avec une intelligence aussi longue que le nez de Cléopâtre :
« Ici, vous savez ce que ça a donné ? Le maire est repassé ? Il est de l’UMP non ? Moi ça me déprime qu’il continue à gagner cette ville…
— Fais attention à ce que tu dis, moi je vote UMP, alors merde… a dit le collègue occupé par le réseau informatique.
— Toi ça va t’es jeune donc je peux comprendre… affirme le collègue numéro deux, mais je ne peux pas m’empêcher de penser que quelqu’un qui vote pour l’UMP est forcément un peu raciste, et ça me dérange…
— Donc si on est de gauche on n’est pas raciste. Le racisme c’est la droite, c’est ça ? ai-je demandé.
— Non mais disons que je pense que tous les gens qui votent à droite sont un peu racistes répète le collègue.
— Tu fais honte à l’administration qui t’emploie, j’ai lancé, un peu énervé, tu rentres exactement dans le stéréotype de l’enseignant bêtement de gauche par habitude et pour qui l’opposition est raciste. Un cliché comme ça en 2014, c’est n’importe quoi.
En quittant la salle des professeurs j’ai entendu ce collègue confirmer le cliché : « Tu vois c’est un fasciste. »
Mardi
Un nouvel élève arrive dans ma seconde classe de troisième. Il vient de l’autre collège de la ville, il ne s’agit donc pas d’un déménagement mais d’un conseil de discipline.
À la fin de l’heure de cours où je le rencontre pour la première fois, je lui demande pourquoi il a été renvoyé. Il répondait aux professeurs, ne faisait rien et avait du mal avec l’idée de l’autorité. Quand je lui ai demandé s’il était prêt à changer, il a souri.
Il ne s’est plus montré à mes cours de toute la semaine.
Jeudi
Longue journée sans événements remarquables.
Vendredi
Date limite pour rendre le sujet du second brevet blanc aux chefs d’établissement. Lors du premier brevet blanc, la collègue qui s’est occupée des deux sujets s’était plainte de ce qu’elle avait tout fait seule. Elle n’avait cependant rien demandé et s’était proposée au rôle de coordinatrice de la discipline.
Dans un élan de bon cœur, sans que personne ne le demande, j’ai proposé deux sujets de brevet blanc à mes collègues de français. Lundi dernier j’ai déposé dans leur casier les deux sujets accompagnés d’un mot leur demandant de me dire oralement ou par écrit ce qu’ils pensaient de ces sujets.
Cinq jours plus tard, je n’ai aucune nouvelle de ces sujets. Un seul collègue est venu me voir pour me dire qu’il n’avait pas eu le temps de jeter un œil à ces propositions.
Les statuts datant de 1950 vont changer et après ce manque de réactivité de la part de mes collègues, je me dis que c’est une bonne chose.
Conseil de classe de quatrième.
Le cas d’un élève très perturbateur qui aurait quelques problèmes d’ordre judiciaire est abordé. Les professeurs s’interrogent sur son projet d’avenir pour lui conseiller la meilleure orientation. Notons que l’élève est physiquement plus proche de Jamel Debbouze que de Teddy Riner.
« Mais est-ce qu’il a un projet bien défini ? demande le principal.
— Ah oui, annonce doctement le professeur principal, il est très pressé d’avoir seize ans, l’âge légal pour pouvoir se battre dans une cage.
Les autres professeurs incrédules commencent à rire
— Oui, reprend le professeur principal, son projet d’orientation c’est de faire du free fight.