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La chronique hebdomadaire de Christophe Bérurier, professeur de français en ZEP.

Lundi

Après ma première heure de cours, je vois dans le couloir deux de mes élèves de troisième. Elles s’adressent à leur professeur de mathématiques :

« Ah Monsieur ! Vous avez racheté un nouveau jeans et tout, beau gosse Monsieur… »

Mon collègue et moi nous sourions pour exprimer notre atterrement devant tant de liberté prise par les deux jeunes filles.

Plus tard, une autre élève de troisième arrive en retard d’une vingtaine de minutes. Elle était avec son professeur principal afin de compléter des dossiers pour l’orientation. Elle ouvre la porte en ravalant un fou rire.

« Tu n’as rien à me dire ? je lui ai lancé.

— Non j’ai rien à dire, moi.

— Donc tu reprends le sac que tu viens de poser sur ta table et tu vas parler avec les nuages, en permanence. »

En partant, elle tape sur l’épaule de son camarade en lui disant « Cool je finis plus tôt ». Je l’ai rappelée à mon bureau, lui ai donné du travail et ai profité de la venue d’un surveillant dans la classe pour la faire accompagner. Le surveillant essaie dans le couloir de raisonner la jeune fille, de la pousser à s’excuser. Je l’entends lui dire :

« Excuse-toi, fais preuve de respect, montre toi mieux que ça là… Vas-y excuse toi.

— Excusez-moi  pour mon retard, lance-t-elle en souriant à demi. »

Je ferme la porte en confirmant au surveillant que malgré ces excuses forcées, je ne veux plus la voir pour aujourd’hui. Je ne la verrai plus de la semaine. Cette élève a perdu dix points sur sa moyenne générale en deux trimestres, a moins de 5/20 en français et en mathématiques, et elle souhaite aller en seconde générale. Elle ira sans doute.

J’ai rendu mes copies de brevet blanc corrigées ce matin.

 Mardi

Certains collègues n’ont pas rendu les copies corrigées.

Je fais passer les épreuves d’histoire des arts aux élèves de troisième.

Une jeune fille n’a pas été capable de donner les dates de la Première guerre mondiale. Un jeune garçon doit présenter un tableau de Claude Monet où l’on distingue à l’arrière plan des immeubles typiquement parisiens.

  « Au fond, il y a le ciel, la vapeur et puis les bâtiments haussmanniens », affirme l’élève.

Il termine son exposé en s’exprimant avec les mêmes mimiques que dans un clip de rap. Il devait parler dix minutes. Il a tenu cinquante secondes. Durant l’entretien, je reviens sur sa remarque :

— Vous avez parlé de « bâtiments haussmanniens » dans votre exposé. Pouvez-vous m’en dire plus ? Qu’est-ce qu’un bâtiments haussmanniens, d’où vient cet adjectif ?

— Ah non M’sieur, j’en sais rien, c’était dans la fiche du prof c’est tout. »

Après harmonisation, cet élève a eu une note supérieure à 10/20.

 Jeudi

Certains collègues n’ont pas rendu les copies corrigées.

Cours avec une classe de troisième. À partir de la lecture d’une scène se passant à table pendant le dîner, j’en viens à poser aux élèves la question suivante :

« Levez la main ceux qui ont l’habitude de se retrouver tous les soirs pour dîner avec tous les membres de la famille. Ceux qui ont la tradition de manger autour d’une table, avec les parents, les frères et les sœurs… »

Deux élèves ont levé la main. Tous les autres dînent s’ils ont faim et dînent quand ils le souhaitent. Certains m’expliquent même que leurs parents trouveraient bizarres que les enfants souhaitent manger à table avec tout le monde.

Vendredi

Certains collègues n’ont pas rendu les copies corrigées.

Sortie au cinéma avec une classe de quatrième. Les élèves ont apprécié le film est en noir et blanc et sous-titré en français.

Cours avec les troisièmes.

Un garçon me demande au début de l’heure s’il peut regarder dans le couloir pour voir s’il n’y trouverait pas son bracelet. Je lui réponds par la négative. Le jeune garçon ne m’a pas quitté des yeux, sous des sourcils froncés, pendant toute l’heure. Il a littéralement boudé.

Reprise de la lecture d’un extrait de Vipère au poing de Hervé Bazin. Je leur explique l’origine du surnom donné par l’enfant à sa mère — « Folcoche », contraction de Folle et de Cochonne — et se produit  une scène qui en général est positive car elle marque la mémoire des élèves : un désordre se met en place où rires et insultes se font entendre. À partir de la construction de Folcoche, les élèves créent des surnoms à appliquer aux autres élèves.

C’est d’une méchanceté effarante, mais ils se souviendront de ce texte.

 Christophe Bérurier

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Christophe Berurier

Christophe Berurier est professeur. Il aime les mots et le vélo.

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