Partagez sur "Les maîtres-chiens sont-ils toujours accros au Front National ?"
Curieux de savoir où est-ce que le Front National était allé chercher ses 25 % d’électeurs aux européennes, j’ai été frappé à la porte d’une pouponnière de maîtres-chiens pour y rencontrer monsieur Pujol, responsable de la formation depuis 20 piges.
Un homme à la bonne franquette et au franc-parler qui reconnaît avoir ri « un peu » devant le fameux sketch des Inconnus. L’objectif de notre entretien visait à questionner les clichés persistants dans la profession puis savoir si un maître-chien aujourd’hui était encore ce type blanc au crâne rasé, tatoué et un poil bodybuildé. Bref, si la profession kiffait toujours Jeanne D’Arc et Marine.
Quentin Muller : Le métier est-il encore aujourd’hui le repaire de skinheads ?
Monsieur Pujol : Il y a 7-8 ans, l’Etat a décidé de mettre en place un système appelé CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité ndlr) qui avait pour but de déguerpir tous les loubards qui avaient eu des problèmes avec la justice et qui bossaient dans la sécurité. Du coup, tous nos meilleurs éléments ont été mis à pied. Parce que tu vois, un type inculpé pour une petite bagarre de quartier, ça ne fait pas de lui un délinquant, au contraire, chez nous c’est quelqu’un d’expérimenté. Maintenant ça se ressent dans notre formation. On a plus les mêmes types qu’avant. On se retrouve aujourd’hui avec des gars trop blancs comme neige, trop plats, trop gentils, trop beaux.
QM : Donc aujourd’hui, un type qui a un casier ou des tendances extrémistes ne peut plus prétendre à être maître-chien ?
MP : Non. Pour te dire, la CNAPS va même plus loin. Elle va même fouiller sur ton fichier police, fichier gendarmerie pour voir si tu n’as pas commis la moindre connerie. L’exigence de transparence dans le métier nous ruine. Franchement il y a un temps où on avait des garçons soit un peu bagarreurs et indisciplinés, avec qui on se fritait souvent et qui ameutaient la police une fois par semaine à l’école, mais c’était des bons gars, capables de riposter en cas d’urgence, des types avec de vrais profils physiques. Aujourd’hui, le souci c’est que la CNAPS nous a destitués de ces gros bras baroudeurs. Maintenant comme je t’ai dit on doit composer avec des apprentis tous mignons.
Je vais te donner un exemple. Avant on avait le droit de choper des voleurs pro et autres cleptomanes. On passait un marché avec eux. Soit on les livrait à la police, soit ils avaient la possibilité de bosser pour nous. Mais regarde aujourd’hui c’est plus possible de proposer des contrats à ces types. La CNAPS nous a volés nos meilleurs éléments je te dis. Donc tu vas en voir de moins en moins des maîtres-chiens aux gros bras et aux cranes rasés et c’est regrettable dans un sens.
Et tu n’en verras plus avec des rottweilers ou en pitbull tout simplement parce que l’Etat, encore lui, a créé tout un tas de réglementations coûteuses et contraignantes qui font qu’aujourd’hui le maître-chien n’est plus ce gros dur qui tire sur la laisse d’un molosse.
« Donc quand ils font appel à nous pour avoir un jeune diplômé, ils demandent le must, pas un mec propre sur lui ou encore mois une nana tu vois ? »
QM : Du coup la profession attire de nouveaux prétendants non ?
MP : Ouais et je peux te dire que ça nous dessert. Là en ce moment, j’ai un peu trop de stagiaires filles. Que ça soit clair entre nous, j’ai rien contre les femmes, mais là elles sont en train d’envahir le métier. Je pense que je ne suis pas le seul à penser que dans les contrats à risque, les filles ça coince. Le pire, c’est que y’a de plus en plus de filles que de garçons, et que nos mecs… voilà quoi. En plus de ça, nos meilleurs profils de gars son rejetés par la CNAPS. Donc tu vois un peu le drame. Moi j’ai pas mal d’employeurs qui se plaignent derrière. Car aujourd’hui, tu vois, une entreprise qui se fait cambrioler et n’a pas de maître-chien, ne se fait pas rembourser par son assurance. A une boîte, ça leur coute environ 200 euros par nuit. Autant dire que ça leur demande de lâcher pas mal d’argent. Donc quand ils font appel à nous pour avoir un jeune diplômé, ils demandent le must, pas un mec propre sur lui ou encore mois une nana tu vois ? Les filles, à la rigueur, c’est bien pour les centrales nucléaires, où le facteur risque est quasi nul et où elles doivent servir simplement de sonnette. Mais pour une zone industrielle ou une décharge de ferrailles où tous les soirs t’as les gitans qui viennent prendre des métaux, là il faut du muscle, rien que pour dissuader. C’est le principe du grand black devant une boite de nuit. Tout dans la dissuasion. Ça te parle ça non ?
QM : Une femme maître-chien ça a quel look ?
MP : Bah normal. Je peux t’assurer que y’en a certaines qui sont mignonnes. Celles-là d’ailleurs posent plus problème que les autres.
QM : Pourquoi ?
MP : Disons que tu mets un mec avec un chien, y’a 99 % des gens qui vont passer devant et vont même pas le remarquer. Or, si tu mets une nana mignonne avec le clebs, là tu peux être sur qu’elle va se faire emmerder, siffler et ça va créer des ennuis et des troubles qui auraient pu être évités.
QM : Existe t-il un métissage dans le métier ?
MP : Ça fait 21 ans que je suis dans la formation et des blacks et maghrébins je peux te dire que j’en ai pas eu légion. Pour te dire je peux les compter sur les doigts de ma main. (Il réfléchit puis semble donner un faible nombre au hasard). Cette population, le chien ça n’est pas trop leur truc j’ai l’impression. Chez les arabes, le chien c’est pêché. Comment veux-tu qu’ils en fassent leur profession ? On les retrouve plus généralement dans la sécurité sans chien. Ce sont des métiers plus accessibles pour eux, avec une faible exigence de diplômes, puis y’a du boulot. Chez nous, on a habitude de dire : « Un maître-chien qui travaille pas, c’est quelqu’un qui ne veut pas travailler. »
QM : Selon vous, un maire FN peut-il cumuler mandat de maire le jour et maître-chien la nuit ?
MP : Eh bien, un maitre-chien travaille en moyenne plus de dix heures de nuit et arrive rapidement à ses 35 heures donc ça lui laisse le temps à une autre activité.
QM : Vos apprentis sont-ils apolitiques où ils portent-ils encore le badge Front National ?
MP : On en parle pas, après moi au vu des stagiaires que j’ai aujourd’hui, je dirais qu’ils sont comme n’importe quels jeunes gens de leur âge. Le maître-chien, ça n’est plus un type de personne bien défini.