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J’ai toujours su que je t’aimais, d’un amour profond, sincère, presque ridicule tant je peux paraître fleur bleue en t’évoquant. Mais en entendant cette Marseillaise chantée par le peuple anglais à Wembley, j’ai compris que je brûlais d’amour pour toi, ma France, mon pays, ma patrie.

Tu m’évoques tant mon village natal perché sur une colline, où il fait toujours beau, où mes copains ont toujours dix ans et font du vélo avec insouciance sur des rues mal goudronnées, où mes ancêtres reposent, non loin de cette école communale où les dernières craies bruissent sur les ultimes tableaux en ardoise. Ma France, tu es cette Beauce d’où vient ma grand-mère, tu es cette campagne que mon grand-père traversait pour la rejoindre. Tu es cette lumière que mes arrières grands-parents ont certainement vu reluire à l’horizon, fuyant la Pologne, pendant la guerre.

Ma France, j’aime ton caractère, ta liberté, ton histoire, ta culture millénaire. Tu es ce pays d’humbles ouvriers dont je suis issu, un peuple fier, digne, qui a rêvé de communisme ; comme je suis descendant de travailleurs de la terre. Un mélange de gueulards et de taiseux, à ton image ma France : frondeuse et parfois frileuse.

Je m’enivre de tes parfums, des aubépines qui s’épanouissent parfois sauvagement le long d’un mur, de tes églises aux bancs qui grincent, de tes cafés où le monde se fait et se défait autour d’un ballon de blanc. J’ai toujours estimé que tu avais tout donné aux miens avec tes écoles, ton sens de la solidarité. Les droits, les devoirs, la santé. On vit quand même bien, en France. Et de Villon à Molière, en pensant par Hugo, Sartre, Debussy, Proust, Manet, Poussin, Lully, Rimbaud, ta richesse se révèle incommensurable, et ce sont ces milliers de génie qui à chaque catastrophe ressuscitent pour mieux redire à la face du monde combien tu es immortelle et jamais fatiguée de te relever.

Du Louvre aux sables de Cabourg, des terribles forêts de Verdun jusqu’aux ocres rochers de Provence, tu es un livre de poésie ouvert aux regards du monde. Être français, c’est avant tout aimer le Beau. Parce que tu as voulu être Athènes, Rome et Jérusalem, tu es devenue un peu des trois. Harmonieuse, glorieuse et lumineuse. A la fois jardin et palais, temple de la Raison et réceptacle du Sentiment. Tu es un pays devenu bijou.

C’est pourquoi, comme tout bon amoureux trop sensible, je m’emporte parfois. Je n’aime pas que l’on s’attaque à toi. Je ne suis après tout qu’un simple mortel face à ton éternité, mais je ne veux pas qu’on te salisse. Je n’aime pas ces territoires « perdus », où règnent les trafics, la violence et le communautarisme. Je n’aime pas non plus que des femmes soient grillagées dans tes rues. Je n’aime pas que tes enfants vivent la peur au ventre.

Ces lâches, ces grotesques petites frappes qui ont malgré tout provoqué de grands dégâts en tirant dans le dos d’une foule, ont souillé ta splendeur. J’essaie d’être un bon catholique, romain et apostolique, mais cette prière pour pardonner à ceux qui ont offensé mes jeunes compatriotes, je ne parviens pas encore à la formuler.

« Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux », disait La Boétie dans son Discours de la servitude volontaire. Et l’ami de Montaigne a raison. Si nous devons nous mettre à genoux, cela sera uniquement pour le recueillement parce qu’il faut se lever, pour te relever, pour la mémoire de notre terre et de nos morts, pour l’honneur de nos rois, notre empereur, nos grands présidents ; et tout simplement pour rassurer nos parents qui voient leurs enfants grandir dans un monde incertain, bancal, meurtrier.

Ma France, mon pays, ma campagne, ma banlieue, ma ville, ma rue. Tu ne dois pas être seulement un souvenir, mais aussi un avenir. Parce qu’il y aura un après, car après les épées, les barricades, les fusils, la vie a toujours suivi son cours. Tu survivras aux barbus, comme tu as survécu naguère aux moustachus allemand ou russe.

Cher pays de mon enfance, tu es resté dans mon cœur, et tu y resteras. Car ce que ces crasseux ignorants ne savent pas, c’est que la poésie d’une grande nation sera toujours plus forte que leurs tirs de mitraillette dans le dos.

 

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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