Partagez sur "Robert Ménard, la patte folle qui jongle avec les médias"
Alors que l’on commémorait l’abolition de l’esclavage, avec le nouveau mémorial ACTe en Guadeloupe, nous allons essayer de revenir calmement sur la polémique de la semaine passée, tentant d’apporter des réponses à ce vivre ensemble.
Lorsqu’un élu de la République, ancien journaliste, annonce avoir compté le nombre d’élèves musulmans sur un plateau télé en prime time, la déflagration est massive. Le Hiroshima et Nagasaki de la planète média. Ménard, en B52 médiatique, lâche une bombe et laisse ses collègues fouiller les décombres.
Robert Ménard, dans sa façon d’aborder son mandat de maire, reste très représentatif de ce qu’est devenu le FN : un Léviathan médiatique, nain politique. Avec la stratégie suivante, être sous les feux des projecteurs au moins une fois tous les 3 mois. Et ça marche. Après son Vive Le Pen, sa proposition de couvre-feu pour les moins de 13 ans, l’interdiction d’étendre le linge sur les terrasses, Ménard a encore frappé.
Ménard, les vagues et l’écume médiatique
Le cirque Pinder se dévoilait sous nos yeux.
Les médias, Pinocchio en puissance, frêles automates sous les fils d’un seul homme, suivent ce Joueur de flûte de Hamelin. Il emploie les mots qui séduisent,« couvre-feu », « musulman », « Le Pen », pour attirer les mouches, déclenchant un réflexe pavlovien des journalistes. Les mouches aiment le Buzz, synonyme de gloire éphémère, de discussions de café du commerce, et autres chuchotements en transports en commun.
Les médias font le reste, et en rajoutent : « fichage », « statistiques ethniques », « les heures les plus sombres ».
Ménard s’est ému du nombre d’enfants musulmans dans les écoles biterroises. A-t-il prononcé le mot statistique ? Malheureusement pour Le Monde, le Figaro, L’express, France 2, non. Tout cela reste de l’écume journalistique. On observe aussi des dizaines de tribunes à son endroit, des pastiches, des analyses. Cerise sur un gâteau déjà bien difficile à terminer, nous avons même eu droit à une réponse de Malika Ménard, miss France 2010, forcée par des twittos insistants à sortir du bois. Cela avait l’air important pour elle.
Le cirque Pinder se dévoilait sous nos yeux.
On ne sait pas si Robert l’avait prévue dans son plan comm’. On ne sait pas non plus s’il avait prévu de se faire perquisitionner à son domicile au lendemain de ses déclarations.
Il y a néanmoins trois choses dont on est à peu près sûr :
Personne ne sait s’il y a un fichier à Bézier, en revanche, la loi sur le renseignement, récemment votée, ne vous veut que du bien.
Les stats de Google, ça va, les stats de Ménard à la mano, ça fait peur à tout le monde.
Les hommes et femmes politiques restent actuellement au degré zéro de la politique : Taubira s’auto proclamant descendante d’esclave pour l’occasion, la saga des Le Pen, François Hollande dans le Golfe, Valls, en « nouveau Cyril Hanouna de la politique », contre Onfray, puis Todd. On attend avec impatience le prochain « clash » contre Régis Debray. On observe une absence totale et très inquiétante de prise de recul. Les journalistes n’aident pas, c’est le moins qu’on puisse dire.
Il n’est pas interdit de compter en France, tout dépend qui compte et qu’est-ce qu’on compte. Les stats de Google, ça va, les stats de Ménard à la mano, ça fait peur à tout le monde. Au final, personne ne sait combien il y a de Musulmans en France, mais tout le monde a son chiffre.
Les prénoms de la discorde
L’autre point sensible concerne le lien entre la religion et le patronyme. Peut-on dire qu’un prénom est musulman ? Il faut je crois, faire une différence entre les prénoms masculins et féminins. Oui sans aucun doute, si on s’appelle Ahmed, Mohamed, Ibrahim, Salim, Samir, Nasser, on peut penser que les parents ont un attachement, sinon une appartenance à cette religion. Cela ne constitue pas un drame en soi, si ce n’est la stigmatisation et les préjugés que ces prénoms entraînent pour certains individus. C’est plus difficile à déchiffrer pour les filles, comme l’a si bien dit Malika M. Ainsi, Sarah, Sabrina, Amel, Leila, Nadia, Farah, ou Malika, s’ils sont d’origine musulmane ou juive, sont rentrés dans le domaine « public » français si l’on peut dire, il est moins aisé d’en tirer une quelconque conclusion sur la religion des femmes les portant. Il n’est pas rare de voir des Françaises aux origines « bien de chez nous » avec ce type de prénoms n’ayant aucune inclination particulière pour l’islam. Dans cette mélasse, il nous importe seulement de distinguer entre le masculin et le féminin, une grande tradition de l’orthographe française.
On a plus de chance d’être musulman si l’on s’appelle Mohamed ou Hicham que si on se prénomme Nadia, même si la religion ayant présidé à ces prénoms est identique.
Ainsi prénom féminin musulman ne veut pas forcément dire appartenance à l’islam.
Oui, c’est aussi bête que ça, mais on a plus de chance d’être musulman si l’on s’appelle Mohamed ou Hicham que si on se prénomme Nadia, même si la religion ayant présidé à ces prénoms est identique. Comme si la femme était parvenue à s’émanciper de la religion par le biais des prénoms. On peut aussi parler des prénoms du calendrier chrétien, portés par tous, même les plus athées d’entre nous, notamment en raison de la fin du théologico-politique en France, suivi d’une campagne implacable de laïcisation de la société au début du XXème siècle.
Cela nous amène à poser la question de la fameuse mixité sociale, chère à nos édiles de gauche comme de droite, cet artefact que tout le monde souhaite mais dont personne ne veut. Si celle-ci est présente dans les prénoms dits « musulmans » féminins, elle est moins présente à Bézier selon ses habitants ou dans le RER B semble-t-il. Mais on préfère crier au loup biterrois.
« Liste », « Fiche » : les mots sont anxiogènes, et font de l’audience. Quand ils sont employés par ce dernier, on s’expose aux plus grossiers malentendus. Ménard l’a bien compris. Car quand le professeur vous demande de faire une fiche en début d’année, avec vos noms prénoms, professions des parents, adresses, doit-on s’inquiéter qu’il fasse des tableaux géants dans son bureau de l’ensemble des prénoms de l’école, croisant les données avec celles de la NSA ? Ou quand Edward Snowden rencontre la gouaille biterroise.
Ne restait plus pour lui qu’à laisser mariner (sans mauvais jeu de mot) la fine fleur médiatique
On l’oublie bien souvent (ou on fait semblant), mais Ménard est ceinture noire en polémique. C’est un formidable communicant : il possède des relais immenses dans les médias. Bref, il connaît tout le monde.
Dérapage ? Plutôt un acte contrôlé, préparé. D’ailleurs, il a prononcé ces propos dans une émission à une heure de grande écoute regardée par tout le gratin. L’info n’a pas été déterrée d’un journal obscur, régional ou communal ou d’un média étranger, comme ce fut le cas pour l’interview polémique de Zemmour. Car Bébert c’est de la dynamite, l’alliance du journalisme le plus outrancier, allié au politique le plus immodéré. Ne restait plus pour lui qu’à laisser mariner (sans mauvais jeu de mot) la fine fleur médiatique, capable des plus folles paraboles. Content de son fait, Robert s’en est retourné satisfait et heureux d’avoir pu, encore une fois, exciter les esprits simples.
Les estimations face à la réalité
On ne veut pas voir, on ne veut pas compter, mais le politique utilise les minorités « estimées » pour faire du Buzz
Pour revenir au fond de l’histoire, en l’absence de statistique ethnique en France, on « estime ». Or « estimer », s’il fait bien sur les plateaux de télévision, reste un des mots les plus vagues de la langue française. Car lorsqu’un « expert brushing/cravate » estime qu’il y a par exemple environ 300 à 400 000 Juifs sur le territoire français, en général, il n’en sait rien ou se base sur des statistiques vieilles de 5 ans, ce qui équivaut peu ou prou à la même chose : le néant épistémologique. Mais cela ne nous empêche pas de reprendre un peu de « C dans l’air ». Apparemment être fidèle à l’émission vous rendrait plus intelligent. Mais chut c’est un secret.
La France est schizophrène, on fait ainsi de la diversité de bazar. Le multiculturalisme est une donnée historique dans notre pays depuis le milieu du XIXème siècle, amplifié par les processus de décolonisation. Dans le même temps, on ne veut pas voir, on ne veut pas compter, mais le politique utilise les minorités « estimées » pour faire du Buzz, en prenant les fameuses estimations pour paroles d’évangile, notamment sur le nombre de Musulmans. On fait donc un non choix.
Or le racisme, même si en tant qu’arabo-bamboula, je n’en ai pas été souvent victime, ne s’estime pas, il se vit. Si l’on pense que c’est en cachant la poussière sous le tapis qu’on va nettoyer la maison France de ces comportements, on se trompe lourdement. Dire qu’un Blanc est blanc ou qu’un Noir est noir n’est pas raciste, c’est un fait. Notons qu’aux États-Unis, c’est un formulaire déclaratif qui sert à recenser les différentes origines ethniques des Américains. C’est cette diversité qui forme le ciment de ce pays, tous différents, mais tous Américains.
Oui aux statistiques ethniques, mais établies par un organisme tel que l’INSEE, pas par Ménard, ni d’ailleurs aucun maire.
Bref, en Oreo de banlieue, je m’en vais écouter le dernier Francis Cabrel, une franchouillardise comme une autre, attendant une énième pirouette du triste sire.