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Au delà des mots et des gestes, il y a le regard. Plus sincère, plus instinctif et moins artificiel, il ne sait mentir. Il est trahison d’un état de gêne, de malaise, d’euphorie, de colère, ou de séduction. Le regard est une véritable arme. Quand ni le corps, ni la parole ne veulent prendre leurs responsabilités, contraints par la pression sociale, lui ne feint pas et envoie un message à son interlocuteur.

Il est la représentation directe de l’âme car la pensée influe sur lui sans lui dicter un chemin parallèle à adopter au cas où la situation demanderait de tromper. En bref, il ne bifurque pas. Dans les mégapoles, le regard est un outil de communication aussi utile que la parole. D’ailleurs il est sans cesse utilisé dans l’espace public quand les codes sociaux dictent à la parole de rester silencieuse. Dans un wagon de métro un poil trop rempli, quand on est obligé de se coller un peu trop près de son voisin, il y a une interaction qui revient quasi systématiquement. Tout le monde connait ce regard de gêne bien souvent accompagné d’une crispation de la bouche. L’auteur de ce regard attend le retour de son vis à vis. Une sorte d’approbation quant à l’embarras occasionné. Sans un pardon oral, il y a donc ici communication. Mais elle est de loin la plus grossière et la moins subtile.

Car à travers nos yeux, il est possible de renvoyer à peu près tous les mots (ou maux) dont il serait gênant ou interdit socialement de prononcer.

Infidélité au masque de Goffman

On lève les yeux sur la personne qui va s’asseoir à ses côtés, c’est un réflexe qui ne veut trop rien dire.

Le regard fait sauter le masque d’Erving Goffman. Il trahit le rôle que nous jouons perpétuellement sur la scène publique. L’acteur n’est ainsi jamais réellement pleinement acteur. Il est acteur sur des planches, mais comme tout acteur, il peut parfois se mettre à sortir de son rôle en pouffant, se moquant d’un de ses ratés, ou du burlesque qu’on lui a assigné. Tout comme le protagoniste, l’Homme ne cesse de jouer mais sans jamais toucher la perfection. Revenons sur l’atmosphère des transports en commun. Il convient de s’y pencher avec insistance au vu de l’intense pression sociale qui s’y concentre. Dans un wagon, les individus sont de passage. Ils n’y restent en moyenne pas plus d’une demi-heure. D’où la dimension versatile des échanges vocaux entre les passagers d’un même wagon. On se limite à un « vous voulez ma place ? » ou à quelques politesses de ce genre.

Mais rares sont les échanges réels entre deux inconnus. C’est pourquoi, le regard est un outil vital dans pareille situation. Dans cette configuration, un regard insistant a forcément une signification. Généralement, votre vis-à-vis ou votre voisin de siège ne sera amené qu’à vous regarder une fois, voire deux si vous vous mettez à tousser avec insistance. Mais l’interaction s’arrêtera là car elle ne sera que purement informative. On lève les yeux sur la personne qui va s’asseoir à ses côtés, c’est un réflexe qui ne veut trop rien dire.

Arme de séduction

Bien plus subtil qu’un « tu me plais », ou bien moins intimidant qu’un « je peux t’inviter à prendre un verre ? ».

Si interaction il y a, autrui dépassera le quota de « croisements de regards ». Un quatrième et vous vous posez plusieurs questions. L’homme ou la femme en face de vous cherche à vous faire passer un message. Lequel ? Tout dépendra du « type » de regard qu’il ou elle vous renverra. Il n’est pas difficile de deviner. Un regard furtif redondant et récurrent entre deux personnes de sexe opposé peut témoigner d’un jeu de séduction clair et établi. Le premier regarde l’autre et baissera les yeux une fraction de seconde après que le second se mette à son tour à le ou la regarder. Bien plus subtil qu’un « tu me plais« , ou bien moins intimidant qu’un « je peux t’inviter à prendre un verre ?« . 

Selon le temps que prendra ces échanges réguliers de regards, il est possible de déterminer si l’autre est réellement intéressé ou si vous lui plaisez simplement. A travers donc un ressenti et l’interférence entre deux paires d’yeux, il est possible d’en tirer un message qu’on croit implicite, mais qui est en fait très explicite.


 

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La Rédaction

Les Trois Mousquetaires de la presse internet.

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