Souvent critiqué, voire insulté sur les réseaux sociaux, Aymeric Caron est devenu la tête à claques d’On est pas couché. S’il peut agacer, il n’en demeure pas moins un journaliste intègre qui a toute sa place dans l’émission.
Certes, Aymeric est végétarien, sûrement de gauche et très probablement écolo. Certes, Aymeric esquisse des sourires narquois, est coiffé comme Pierre Palmade à ses débuts, et, certes, son ton précieux énerve le téléspectateur de base. Ne serait-ce que sa participation à l’émission, après Michel Polac, Eric Naulleau et Audrey Pulvar, a été décriée, parce que son patronyme ne signifiait rien ou presque au grand-public, hormis parmi les fidèles d’Europe 1.
A l’inverse d’un Eric Naulleau, au demeurant irremplaçable, qui brillait par ses fulgurances et ses estocades, Caron est dans l’analyse, la confrontation placide et le questionnement dérangeant.
Mais il a su s’imposer. Grâce à son verbe, pour ne pas dire son lyrisme, qui laisse transparaître de solides convictions : sur la finance, la protection animale, l’état de la droite ou l’impasse de la gauche. Ses interviews virent souvent au « clash »– selon le terme consacré pour désigner une discussion animée – non parce qu’il serait de mauvaise foi, mais plutôt parce qu’il travaille ses dossiers et place souvent son interlocuteur face à ses contradictions. A l’inverse d’un Eric Naulleau, au demeurant irremplaçable, qui brillait par ses fulgurances et ses estocades, Caron est dans l’analyse, la confrontation placide et le questionnement dérangeant.
Il ne pouvait pas échapper à la comparaison, alors il joue sur un autre terrain qui dérange tout autant l’artiste en promotion ou le politique en tournée électorale, ressortant des dossiers gênants ou cherchant une réponse à sa question qui fâche. Et c’est tout simplement cette obstination qui conduit à sa vindicte 2.0.
Le vainqueur du match face à Natacha Polony
Polony n’a jamais fait mieux ni différent : elle n’a fait que du sous-Zemmour, mâtiné de réflexions parfois intéressantes sur l’éducation.
Natacha Polony a d’ores et déjà annoncé qu’elle ne rempilerait pas pour une nouvelle saison d’On est pas couché, et les rumeurs vont bon train sur son entente abominable avec le bouillonnant mousquetaire de la rive gauche. Mais dans ce match Caron / Polony, comme souvent lorsqu’un nouveau duo en remplace un autre inoubliable, il faut un vainqueur. Si Caron ne remporte pas l’adhésion du public, il devrait néanmoins gagner leur estime, tant il incarne une forme de gauche médiatique fière d’être elle-même et assumée, dont la combativité honore tout un pan intellectuel du pays.
Caron a donc remplacé brillamment Naulleau à sa façon, mais Polony n’a jamais fait oublier Eric Zemmour. Ce dernier a apporté de la nouveauté sur un plateau de télévision, en affirmant vouloir sortir de l’Union européenne ou en brisant certains tabous sur le féminisme ou sur l’identité nationale, mais Polony n’a jamais fait mieux ni différent : elle n’a fait que du sous-Zemmour, mâtiné de réflexions parfois intéressantes sur l’éducation. C’est bien peu, au regard de sa culture et de son parcours. Le duel attendu entre l’humaniste sans-frontiériste et la réactionnaire souverainiste n’a pas eu lieu, car Caron a su déjouer les pièges, et assumer les caricatures qui étaient faites de lui.
Pour la vitalité du débat démocratique et le pluralisme télévisuel, la présence d’Aymeric Caron dans nos lucarnes le samedi soir est salvatrice. Puisse Laurent Ruquier lui trouver un ou une acolyte à sa hauteur pour l’an prochain.