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Le spécialiste allemand Hans Jantzen parle de structure diaphane du mur gothique.

Il traduit la magie du gothique comme «  un phénomène immatériel, un solide (qui) se trouve soustrait aux lois naturelles, libéré de la pesanteur et amené à s’élever ».

L’abbé Suger de Saint-Denis (1081-1151), le créateur du gothique

Aux XIX et XX° s., les Allemands portaient une vénération excessive au gothique  pensant qu’il s’agissait d’un art proprement allemand. Or, il n’en est rien puisqu’il est exclusivement d’origine française.


Saint-Denis,ancienne abbatiale bénédictine, détail du vitrail: l’abbé Suger de Saint Denis aux pieds de Marie

Le gothique apparaît géographiquement  vers 1140 dans une province qu’on appelait alors déjà « Francie » entre Compiègne et Bourges, avec à son centre Paris, la ville du roi.

Les cathédrales adoptant ce nouveau style gothique vont apparaître à un rythme assez soutenu dans un petit territoire avec un monarque disposant encore d’un pouvoir restreint. Mais la capacité du roi d’étendre son pouvoir était le caractère sacré que lui avait conféré les saintes huiles au moment du sacre – ce qui le distinguait déjà des autres seigneurs.

L’abbé Suger de Saint-Denis, l’ami des rois capétiens (Louis VI et Louis VII)  et qui fut même un moment régent du royaume, devint le personnage central.

Abbé de Saint-Denis en 1122, sépulcre des rois, il fit entrer avec son architecte le nouvel aménagement sur ce site,  dans l’espace intérieur de l’église.

Il réussit à réunir pour la première fois de manière convaincante «  des éléments bourguignons (l’arc brisé) et normands (la voûte nervurée). Il fut avec son architecte, « le créateur du gothique »  »[1]

Avec son architecte, il réussit à créer une nouvelle architecture religieuse qui conduit à élever le spectateur en le faisant passer « du matériel à l’immatériel ».

Un art comme une manifestation novatrice  de liberté

Cependant  à cette époque, Suger a dû faire face à Bernard de Clairvaux (1090-1153) cet autre  abbé, de l’ordre  cistercien. Très influent  auprès de la papauté, celui-ci voulait imposer une rigueur monastique et un renoncement à tout confort personnel.

Toutefois lors de l’édification de la nouvelle abbatiale de Saint-Denis, Suger  osa  braver les interdits d’ornementation de son confrère, car lui    aimait particulièrement les images sacrées, les pièces précieuses et tout ce qui était d’une beauté resplendissante et notamment les vitraux de couleur.

Certes  Suger, pouvait compter sur l’appui du  pouvoir royal,  mais il  réussit malgré tout  à trouver un terrain d’entente avec son rival ecclésiastique    appliquant à la fois  la discipline et la modération dans son abbaye  car il ne pouvait être indifférent à la réforme entreprise par Bernard. Aussi son esprit de conciliation porta ses fruits.

Car si les nombreuses abbayes et églises cisterciennes au cours du XIII° et XIII° s. ont respecté l’esprit de dépouillement conforme à la règle de saint Bernard, l’ordre monastique  s’est montré  tout autant ouvert aux améliorations techniques apportées par l’architecture gothique

Par contre le philosophe Abélard  se montra plus nettement hostile à Bernard. Cet érudit  très imprégné de logique peut être perçu en raison de son anti-dogmatisme comme le précurseur du « rationalisme ». Il était proche en fait de Suger, et de son  architecture révolutionnaire, car il ouvrait parallèlement  la voie par sa pensée aux futures « cathédrales conceptuelles » de la haute scolastique.

Ainsi le gothique naquit dans un  bain culturel et religieux  très riche et novateur,  il accompagne aussi le développement des villes, Abélard ayant contribué fortement à faire de Paris le centre intellectuel et culturel de son époque. C’est pourquoi toutes les villes importantes à l’exemple de Paris  ont voulu la construction des plus belles cathédrales gothiques.

Le gothique, un nouveau rapport à la lumière ?

Le spécialiste allemand Simson avait mis en évidence en 1948 le fait que la cathédrale gothique avait pour principe constitutif un nouveau rapport à la lumière. Dans son ouvrage « La Cathédrale gothique – Apparition et interprétation »,il a mis en évidence pour une bonne compréhension de la cathédrale gothique, de la lumière se déversant par le vitrail de couleur.

Il explique alors comment Suger a pu développer son esthétique de l’élévation du matériel ( la lumière des fenêtres, les pierres précieuses) au spirituel ( la Lumière de Dieu).

Binding de son côté résume  en concluant que le gothique  « est une magistrale harmonie entre construction, illusion, rationalité et idées théologiques ».[1]

L’originalité du gothique

Très tôt, l’architecture gothique du XIII° .  se distingue du roman du XII° s.: l’arc brisé est venu remplacer l’arc en plein cintre, les murs ne sont plus massifs mais soutenus par un contrebutement. Auparavant épais et ajourés, ils sont devenus diaphanes; leur articulation et leurs niches  ont cédé la place à  des remplages (armatures en pierre taillée d’une baie permettant une plus grande ouverture) et enfin différents composants contribuent à donner à l’édifice de pierre sa structure parfaite: gâbles, pinacles et  crochets (voir éléments ornementaux ci-dessous)             


Racines et prémices du gothique

C’est probablement la date du 14 juillet 1140 qui signe l’acte fondateur de cette nouvelle architecture  lorsque fut entrepris  à l’initiative de l’abbé Suger  le nouveau choeur de l’église bénédictine de Saint-Denis.

Mais en réalité  les nouveaux éléments architecturaux que l’on découvre à Saint-Denis n’ont permis  que de réunir dans un même lieu certaines innovations  architecturales existantes déjà en Ile de France, et de ce fait St-Denis  doit être considéré  davantage comme  le catalyseur d’un mouvement  ayant débuté  quelques années auparavant.

Ainsi concernant l’utilisation de la voûte d’ogives qui constitue un des éléments les plus significatifs du gothique, les origines sont diverses et multiples.

En vérité  peu après 1100, des ébauches de cette nouvelle technique apparaissent déjà en Italie du Nord, à Spire en Rhénanie du Nord, et à Durham en Angleterre avant d’apparaître plus significativement en Normandie.

Avant 1140, à la frontière qui sépare le domaine de la couronne française et la Normandie, on peut découvrir notamment parmi les premiers exemples  l’abbatiale bénédictine de Saint-Germer-de-Fly. On y découvre à maints endroits une nouvelle liberté architecturale : un vaste choeur  avec déambulatoire et chapelles rayonnantes avec des  motifs tels que, les arcs zigzagués des arcades, les colonnes  engagées ininterrompues et la voûte nervée.

L’importance de Saint-Denis

L’église abbatiale de Saint-Denis joue pour la monarchie française un rôle de première importance. Elle renferme le tombeau de St Denis, patron de la France et devient une sépulture royale.  L’art gothique qui constitue une architecture innovante et révolutionnaire avait donc  aussi pour but de  consolider l’autorité royale.

Aussi Suger prit le temps et ne bâtit pas tout de suite l’église abbatiale tout entière mais commença par le massif occidental.

« Cette construction donne l’impression d’être à la fois un arc de triomphe et un château fort. On peut  alors l’interpréter  comme le symbole du pouvoir temporel de l’abbé et le signe triomphal de la monarchie qui a recouvré sa puissance. »[1]

Mais le massif occidental n’étant pas encore achevé que Suger commença la construction du nouveau choeur entre 1140 et 1144.

Ici, l’architecture a gagné en qualité, en élégance et en ouverture.

Les parois du déambulatoire sont à peine visibles car cachées par de fines colonnettes. La lumière joue ici pleinement son rôle  car les fenêtres descendant presqu’au sol laissent plus facilement pénétrer l’éclat du jour et confère ainsi à un  espace souvent considéré comme aveugle une luminosité extraordinaire. Par ailleurs, ce déambulatoire est double et les deux vaisseaux sont séparés par d’élégantes colonnes monolithes. Elles soutiennent la voûte d’ogives qui semble comme en état d’apesanteur.


L’influence de Saint-Denis

Sous l’influence de St Denis, beaucoup de cathédrales ont été construites pendant la période dite du gothique primitif (1130-1180), nous étudierons particulièrement l’église abbatiale de St-Rémi à Reims.

A Reims, c’est dans cette église de Saint-Rémi qu’était conservée l’huile sainte qui servait à oindre les rois. Elle abritait en outre la sépulture de saint Rémi qui baptisa Clovis avec l’huile.

Le plus remarquable se retrouve dans la grande nef  et dans le choeur nouvellement érigé, « en particulier la vaste arcature  et les hautes ouvertures de la tribune divisées par des arcs bilobés….des colonnes massives s’articulent en une file continue tout autour du choeur central.

Des faisceaux de colonnes s’en dégagent,  telle une forêt de très minces supports cylindrique, et se relient aux piliers qui s’élèvent  entre les arcades de la tribune.

Etant donné que le triforium  et les claires-voies sont réunies par de sveltes jambages, cet étage est encore plus aérien. »[1]

L’ordonnancement des arcs est tout à fait remarquable: « un arc par arcade, puis deux par ouverture de la tribune, et jusqu’à trois dans chaque baie »[2]


Le gothique rayonnant : 1180 – 1270

Se caractérise comme « rayonnant »  en raison des  roses majestueuses et des nombreux vitraux des cathédrales. L’allégement des parois murales a permis l’accroissement des baies  et donc à davantage de vitraux.

Cette période voit la construction d’au moins 80 cathédrales dont Chartres, Reims , la Sainte-Chapelle et Notre-Dame de Paris.

Chartres et l’apparition d’énormes rosaces

Chartres n’était pas seulement la plus haute érigée jusqu’alors (113 m pour la tour nord- clocher neuf), elle était aussi la plus monumentale d’où l’impression parfois de lourdeur voire de massivité.

Mais elle ne manque pas de subtilité  grâce à l’alternance des formes octogonales des piliers avec  ceux  de formes  cylindriques et inversement.

En revanche à  l’extérieur on retrouve toujours cette même  impression de lourdeur , avec les énormes contreforts de la nef pour stabiliser  l’édifice et soutenir les voûtes. Mais ensuite, on oublie   très vite cette impression puisque ce vaisseau gothique   renferme de nombreuses citations architecturales qui font sa singularité et son charme: double déambulatoire et surtout surface murale de la nef centrale qui disparaît presque complètement  au profit  des verrières  et d’énormes rosaces.

Reims et ses citations subtiles

Lorsqu’un incendie détruisit l’ancienne cathédrale en 1210, le roi  Philippe Auguste voulut la reconstruire rapidement en prenant comme modèle Chartres mais parfois en la dépassant car s’il s’agissait de la cathédrale du sacre.

Les rosaces compliquées du clair-étage de Chartres ont été remplacées à Reims par un remplage digne du gothique rayonnant.

On a allégé la structure   par des minces meneaux de pierre  quadrillant les baies ce qui a permis une plus grande surface de vitraux.

C’est  également dans un ensemble de  détails  que Reims va faire preuve d’une plus grande richesse que Chartres. Ainsi pour éviter la décoration uniforme des chapiteaux, on va reproduire des formes décoratives naturelles comme  celles du feuillage naturel.

A cette occasion aussi, on a dérogé aux principes de l’Antiquité qui conduisaient  à faire dépendre la hauteur des chapiteaux au diamètre des fûts des colonnes.

A Chartres, les piliers étaient encore couronnés  de hauts chapiteaux alors que pour  les colonnettes il s’agissait de chapiteaux plus bas.

A Reims, au contraire,  on utilise des frises en guise de chapiteaux et celles-ci se déroulent peu importe la taille  aussi bien sur les noyaux  des piliers  que sur les colonnettes.

Mais si Reims réussit à surpasser Chartres notamment dans l’agrandissement de ses surfaces des vitraux, la Sainte-Chapelle  a su  quant à elle  rivaliser toutes les autres pour faire entrer la lumière,  remplaçant  pratiquement toutes  ses parois murales par des vitraux dans sa partie  haute.

La Sainte-Chapelle, véritable écrin de verre

Le commanditaire de l’édifice, Louis IX – Saint Louis – qui venait d’acheter la couronne d’épines du Christ, voulait la faire figurer   dans son  édifice le plus sacré. La Sainte-Chapelle, consacrée en 1248 fut essentiellement érigée au début des années 1240.

Elle s’élève au coeur de la capitale, dans l’ancien Palais de Justice, un édifice haut de deux étages. Le premier niveau avec une voûte qui soutient le plancher avec de fines colonnettes.

l’église haute (voir ci-dessus)  apparaît dans sa simplicité et dans  son élégance. L’architecte a permis de rendre l’édifice totalement diaphane,  assurant par ailleurs  la statique de l’ensemble  grâce à un système complexe de tirants et d’armatures adroitement dissimulé dans l’église basse.

Le résultat est impressionnant puisqu’il donne à voir un véritable écrin de verre.

«  La paroi tout entière disparaît  dans une plate arcade basse et des fenêtres élancées au couronnement discret; de fines colonnettes aux diverses épaisseurs soutiennent la voûte qui commence très haut. Cette architecture est entièrement peinte dans les  couleurs et les motifs qui ornent la famille royale; les voûtains forment un ciel étoilé »[1]

Cet édifice fait figure de référence comme  étant la quintessence du « classicisme » gothique. Sa prouesse technique ( disparition de la paroi murale)  n’a pu être égalée à ce jour.


Les transepts de Notre Dame de Paris, résultat de l’ « aemulatio » (émulation)

Les deux façades du transept de Notre-Dame de Paris ont été érigées en 1250 et vont être la manifestation  de la mise en oeuvre d’une architecture aux subtiles nuances.

A cette occasion, vont se révéler les architectes « vedettes » de cette période, des hommes compétents mais surtout admirés pour leur capacités artistiques autant que d’organisation.

Parmi eux, on peut  citer les noms de Jean de Chelles et Pierre de Montreuil pour la cathédrale de Paris, Robert  de Luzarches, Thomas et Renaud de Cormont à Amiens, Jean d’Orbais, Jean Le Loup, Gaucher de Reims…   tous ont  tenté de créer  un art personnel  pour illustrer leur génie et se distinguer de leurs confrères. Ce procédé  est l’« aemulatio », l’émulation  suscitée grâce à un modèle reconnu.

Ce fut le cas notamment de Pierre de Montreuil en se fondant sur les indications de son prédécesseur Jean de Chelles   lorsqu’il construisit les façades du transept de Notre-Dame de Paris. Ainsi au fur et à mesure  l’aspect artistique  échappe au contrôle  des commanditaires et c’est à cette époque  que naquit véritablement le nouveau métier d’architecte comme une profession indépendante.

Jean de Chelles qui avait déjà réalisé la façade nord conçut également les fondations de la façade sud ( voir ci-dessus). Cette façade sud terminée par  Pierre de Montreuil  ressemble beaucoup à la façade nord mais comporte de subtiles différences.

« Par exemple, le remplage des roses est  de format encore plus petit  et plus élégant »[1]


Naissance de l’architecture gothique dans le Saint Empire germanique romain

Le gothique devient aussi un « produit d’exportation » français dans toute l’Europe que ce soit en Italie, Espagne, Portugal mais aussi en Angleterre, sans oublier  enfin le Saint Empire qui s’étendait alors de la Sicile jusque’à la mer du Nord et la mer Baltique, englobant de vastes régions d’Italie.

Plus nettement encore, l’influence du gothique dans l’Empire prend rapidement de l’ampleur  dans les régions au Nord des Alpes. Ainsi dans les régions limitrophes de la Champagne, tout particulièrement dans  l’archevêché  de Trêves avec ses trois diocèses lorrains de Toul, Verdun et Metz. Ce sont des régions majoritairement  de langue française et donc très ouvertes  à la culture architecturale française.

Metz devient  alors le champ expérimental où va s’épanouir  la première architecture gothique de l’Empire avant qu’elle ne se  développe dans d’autres centres.

Et enfin pour clore notre étude,  Strasbourg va constituer une sorte de couronnement d’un art qui s’épanouit  alors pleinement en dehors de ses contrées d’origine.

La cathédrale Saint-Etienne de Metz

Construite à partir de 1220, la cathédrale Saint-Etienne de Metz offre l’originalité d’être celle  qui offre la plus grande surface vitrée, soit  près de 6500 m2. Elle traduit bien l’évolution d’un certain  « classicisme » gothique depuis la Sainte-Chapelle qui avait conduit à  réduire considérablement les parois murales au profit des vitraux.

Autre caractéristique messine, c’est la position en retrait des deux tours (La Mutte et le Chapitre), au milieu de la nef,  puisqu’on a agrandi la cathédrale à l’ouest par l’adjonction  de l’église collégiale  Notre-Dame-la-Ronde.

Il ne reste plus d’ailleurs que les piliers massifs de cette ancienne construction.

Par ailleurs la nouveauté c’est que  toute la nef baigne dans la lumière grâce un triforium inhabituellement élevé et abondamment vitré. Et  avec en plus   au-dessus  d’immenses fenêtres au clair-étage.

Grâce à une architecture fine, des piliers sveltes  et de  nombreuses colonnettes,  tout cela conduit à des voûtes très effilées. Il en résulte un effet d’élancement remarquable.

Enfin le  caractère nettement diaphane de la construction marque la volonté évidente de concurrencer les modèles français.

Aussi  Metz reste encore et toujours  dans l’esprit du gothique français  alors que plus à l’est et notamment à Strasbourg se dessine davantage ce qu’on pourrait appeler le gothique  germanique. Mais ce gothique est beaucoup plus diversifié étant donné selon l’historien allemand Ernst Schubert que « l’histoire du Saint Empire romain germanique  est celle d’un empire sans capitale …Elle se déroule  dans la variété  et non dans le regroupement …Il lui manque la colonne vertébrale d’une continuité dynastique  constitutive d’un Etat »[1].

Au premier abord l’architecture religieuse allemande paraît comme une simplification du gothique de la France du Nord.


« Le  transept, le déambulatoire ou les chapelles rayonnantes  sont souvent absents et, en ce qui concerne  l’élévation, beaucoup sont du type église-halle, c’est-à-dire avec des vaisseaux  quasiment tous de la même hauteur. »[1]

L’originalité de la façade de la cathédrale de Strasbourg


Mais par contre  la conception de la façade de la cathédrale de Strasbourg étonne par son audace architecturale et les chroniqueurs de l’époque estimaient que cela reflétait un nouvel « âge d’or ».

On cite un certain Erwin Steinbach comme l’architecte de la façade selon des sources à partir de 1248.

Il se serait inspiré au départ de l’édifice Saint-Urbain à Troyes mais aurait amplifié à l’extrême le quadrillage du mur par des réseaux de meneaux qui se détachent par moins de trois couches  successives s’échelonnant les unes derrière les autres.

A l’avant, le gâble, derrière, un rideau de remplage et enfin le mur proprement dit.

Bref, une sorte de mille-feuille architecturale !

Et puis juste au-dessus, l’énorme rosace semble sortir de la structure,  les écoinçons s’écartant de la rose comme une couronne de remplage détachée.

Ici, on s’échappe résolument  du style « classique » car l’audace architecturale est tout à fait novatrice.

Une façade très personnelle d’un architecte hors pair ?

En ce sens le gothique germanique rejoint aussi le phénomène d’ aemulatio observé

déjà  à Notre-Dame de Paris avec la naissance d’architectes « vedettes ».

En tout cas il s’agit incontestablement d’un enrichissement artistique pour l’Europe tout entière.

Mais le gothique en plus d’une mutation dans l’espace connaîtra aussi une mutation de styles dans le temps.

Ainsi après le gothique rayonnant, ce sera   le gothique flamboyant qui naît au milieu du XIV° s. Il est dit flamboyant en raison de la forme de ses ornements comme inspiré par celle des flammes. Chaque ornement est souvent poussé à outrance.

Enfin, ce sera pour terminer, le gothique tardif, au XVI ° s., stade ultime  d’une évolution caractérisée encore  par une surcharge de décorations.

Conclusion: La pesanteur et la grâce[1]

Par conséquent durant presque quatre siècles, le gothique aura dominé l’architecture religieuse de notre monde occidental.

Au départ apparaissant comme une mince lumière fébrile dans un royaume tout juste naissant, celui de la France des premiers capétiens. Pour terminer enfin  comme un feu de joie avec ses formes les plus flamboyantes  voire les plus chargées dans tout le monde chrétien de l’époque.

En vérité cette architecture n’est pas seulement une architecture révolutionnaire, elle traduit également un fort mouvement intellectuel de la pensée et de la foi.

Abélard en était le digne représentant, lui qui proposait par sa pensée une cathédrale similaire, de nature conceptuelle.

Tout cela nous conduit inévitablement au questionnement de la foi, le gothique comme une réponse  au problème du salut.

Comment échapper à la pesanteur du péché ? Uniquement par la grâce !


[1] Selon le titre  de l’ouvrage de Simone Weil (1909-1943)

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Christian Schmitt

Critique d'art. Auteur de "l'univers de J.L. Trévisse, artiste peintre" (ed. Lelivredart 2008) et de trois autres ouvrages sur les vitraux réalisés par des artistes contemporains aux ed. des Paraiges: Jean Cocteau (2012), Jacques Villon (2014) et Roger Bissière (2016). A retrouver sur : http://www.espacetrevisse.com

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