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La dialectique entre la science et la foi est peut-être la grande question philosophique depuis deux millénaires. Parfois irréconciliables, parfois complémentaires. La tension entre le scientifique et le religieux occupe une place centrale dans la réflexion intellectuelle. Dans un livre particulièrement fouillé (Science et foi, les grandes controverses, éditions Artège), Florian Laguens nous donne les clés de compréhension nécessaires pour aborder ce débat.

A qui la faute ? A l’Eglise qui aurait condamné trop vite les exigences scientifiques car elles allaient à l’encontre de son enseignement ? Aux scientifiques pas assez rigoureux et trop transgressifs ? Même s’il n’est pas question de décerner les bons et les mauvais points ni de trouver les coupables, il convient d’indiquer que les torts sont partagés.

L’opposition entre la foi et la raison est plurimillénaire, et chacun des acteurs a sa part de responsabilité. Dès l’introduction, Florian Laguens écrit : « Reconnaissons immédiatement que l’attitude de l’Eglise fut parfois discutable, si bien que l’on pourrait parler de ‘clair-obscur’ pour peindre le tableau de ses rapports avec le monde scientifique. Ni tout à fait obscur, ni tout à fait lumineux ».

L’auteur revient également sur les trois vexations de l’humanité analysées par Freud, à savoir les théories coperniciennes qui enseignent que l’Homme n’est pas au centre de l’univers, les analyses de Marx qui montrent que l’être humain est conditionné par l’économie et enfin la révolution freudienne qui explique que le sujet pensant a une part inconsciente qui lui échappe. Chaque avancée scientifique n’a pas bousculé que le champ religieux, mais aussi et surtout la société et les certitudes profondément ancrées dans les mentalités.

Jean-Paul II, le grand médiateur ?

Galilée et l’héliocentrisme, Darwin et l’évolution, Einstein et la relativité. Selon la doxa, l’affaire est réglée et l’Eglise est coupable d’obscurantisme. L’abjuration de Galilée constitue ainsi le point d’orgue de l’incompatibilité entre religion et science, l’un étant celui qui empêche l’autre de révéler le vrai savoir.

Le grand mérite du Science et foi de Florian Laguens est, pour reprendre ses termes, de fournir toutes les pièces du dossier. Il expose toutes les grandes théories scientifiques (y compris les plus ardues comme celles de Georges Lemaitre) avec en regard la présentation d’un homme de foi qui a éclairé ces grandes révolutions de la connaissance. Au fil des pages, nous croisons René Descartes, Gassendi, Teilhard de Chardin et nous saisissons au fur et à mesure combien l’a priori est bien plus complexe qu’il n’y parait.

La science a besoin de la sagesse religieuse pour être tempérée et éclairée, surtout au niveau éthique, tout comme la foi doit se nourrir des progrès scientifiques pour avancer dans la connaissance de l’univers. L’une comme l’autre sont en quête de vérité. Jean-Paul II acte la grande réconciliation entre les deux parties dans l’encyclique Fides et ratio, qui débute par ces phrases : « La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité. C’est Dieu qui a mis au cœur de l’homme le désir de connaître la vérité et, au terme, de Le connaître lui-même afin que, Le connaissant et L’aimant, il puisse atteindre la pleine vérité sur lui-même », comme un écho à Saint Thomas d’Aquin qui lui affirmait : « La lumière de la foi, qui nous est communiquée gratuitement, ne détruit pas les lumières naturelles que nous tenons de la nature ». La lecture de l’ouvrage de Florian Laguens est donc nécessaire pour appréhender avec lucidité et exhaustivité les racines et les évolutions de cette grande incompréhension.

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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