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Alberto Manguel publie un ouvrage saisissant sur Maïmonide (éditions des Belles-Lettres), figure juive capitale de l’al-Andalus du XIIe siècle, au travers duquel il retrace non seulement l’itinéraire intellectuel et religieux du rabbin mais aussi sa contribution essentielle à la philosophie et à la théologie.

Pour ouvrir la deuxième partie de son Histoire de la lecture, Alberto Manguel avait choisi une citation d’Italo Calvino, tirée de Si par une nuit d’hiver : « Lire, c’est aller à la rencontre d’une chose qui va exister ». L’épigraphe peut aisément être reprise pour qualifier l’étude qu’il entreprend sur Maïmonide, savant séfarade du XIIe siècle, tantôt accepté et tantôt persécuté au sein d’al-Andalus, l’Espagne conquise par les Maures et donc sous domination musulmane.

Au départ, Manguel confie en avoir une « idée assez vague », et confie par ailleurs, non sans rappeler l’humour de Woody Allen, « Je suis né dans une famille juive, mais j’ignorais complètement que j’étais juif jusqu’à l’âge de huit ans, où je l’appris par une réflexion antisémite ». Il s’est donc plongé dans la vie et l’oeuvre de Moïse Maïmonide avec un oeil neuf, pour aller à la rencontre d’une chose qui va finir par exister : un corpus d’oeuvres religieuses, littéraires, médicales et philosophiques absolument fascinant.

Un trait d’union aristotélicien

Ecrivain, traducteur, lui-même grand savant, Alberto Manguel possède cette rare faculté d’expliquer l’histoire des idées avec gourmandise et de transmettre cet appétit au lecteur. Il y a quelque chose de l’humanisme de Montaigne dans sa propension à dévorer les étagères de sa bibliothèque pour en extraire la quintessence.

Saisir Maïmonide, auteur du Livre des Egarés et d’une monumentale Mishné Torah qui demeure une source lumineuse de la pensée juive, c’est avant tout contextualiser la sphère intellectuelle du judaïsme de l’époque : « Entretenir une relation personnelle avec des livres constitue depuis toujours un devoir primordial pour le peuple juif (…). Aussi la plupart des Juifs ont-ils pour l’étude une estime plus grande que pour toute autre forme d’activité ».

Le fruit essentiel de la pensée de Maïmonide est donc Aristote, dont les travaux scientifiques et philosophiques permettent une savante synthèse entre la foi et la raison. Cet enseignement lumineux a influencé bien davantage que la sphère juive, puisque saint Thomas d’Aquin a lui aussi entrepris de composer un rapprochement entre Aristote et la révélation chrétienne. Averroès a également oeuvré pour commenter Aristote et produire une pensée singulière au sein de l’islam. Bien plus que Maïmonide, l’auteur révèle à travers ce livre ce qui aurait dû et devrait être le débat intellectuel : une discussion respectueuse, nourrie de lectures et de curiosité, par-delà les clivages pour le seul bien commun de l’humanité.


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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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