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Qui penserait, aujourd’hui, que soixante-quinze années après l’appel du 18 Juin, le Général de Gaulle trouverait encore, dans le climat délétère de nos brillantes années, une actualité certaine ? Mieux encore, il suscite un sentiment mêlant à la fois admiration et nostalgie. Tout pour montrer à la face du monde qu’il fut le dernier des géants, et que notre siècle a grand besoin d’un français aux épaules larges, à la tête haute, qui se tienne droit et qui vise juste.  

L’indépendance nationale est la garantie de la grandeur de la Nation. Le terme lâché, on voit déjà toutes les gémonies auquel le voueront ceux qui se prétendent – à tort – ardents patriotes et défenseurs de la Nation: « la France repliée sur elle-même » diront-ils. Pourtant, la France a vécu plus de dix siècles en étant indépendante, et cela ne l’a pas empêchée de tisser des alliances fructueuses et pérennes. Au contraire, son indépendance était la condition sine qua non de leur existence.

La France, par conséquent, si elle veut rester indépendante, doit d’abord défendre ses intérêts pour pouvoir ensuite prétendre défendre ses valeurs.

On s’enivre, en France, des institutions internationales, qui sous couvert du droit, restent des lieux de luttes et de rapports de force. Tout porte à croire que la disposition de certaines intelligences les amène à définir le droit international comme l’absolu, le sacro-saint calice, qui n’est respecté par personne, mais revendiqué par tous. On saurait gré alors à nos diplomates, militaires, ministres, de prendre conscience d’une réalité : si les intérêts sont des choses concrètes et plus ou moins facilement saisissables, le droit n’est que poudre aux yeux et maquillage. La France, par conséquent, si elle veut rester indépendante, doit d’abord défendre ses intérêts pour pouvoir ensuite prétendre défendre ses valeurs. Car un peuple ne défendant plus ses intérêts ne peut plus porter au plus haut ses valeurs sans passer pour ridicule.

Les traités européens sont des chaînes qui lient les mains de la France et réduisent à l’épaisseur d’un papier à cigarette la marge de manœuvre dont dispose notre pays. Les hommes qui nous ont gouvernés pendant plus de vingt ans avaient toutefois assuré que notre souveraineté nationale serait préservée ; d’autres, dans une conception particulière de la souveraineté, nous avaient expliqué qu’en entrant librement dans un conglomérat d’États, nous serions tout aussi libres de nos choix et de nos mouvements. Ah mais non, «nous avons des partenaires»! Menottez vous, rendez la clé, êtes vous encore libre de vos mouvements ?

Général de Gaulle : « Le Marché Commun, il n’y a en fait que deux ans qu’on a commencé à le réaliser. Or notre expansion industrielle remonte à bien avant deux ans. L’expansion industrielle allemande, italienne, de même. Ceux qui racontent des histoires sur les bienfaits incomparables de l’intégration européenne sont des jean-foutre.
Alain Peyrefitte : « Le traité de Rome n’a rien prévu pour qu’un de ses membres le quitte.
Général de Gaulle : « C’est de la rigolade ! Vous avez déjà vu un grand pays s’engager à rester couillonné, sous prétexte qu’un traité n’a rien prévu pour le cas où il serait couillonné ? Non. Quand on est couillonné, on dit : « Je suis couillonné. Eh bien, voilà, je fous le camp !  » Ce sont des histoires de juristes et de diplomates, tout ça. » Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, t.2, p.267

De Gaulle pensait ainsi que l’indépendance est aux peuples ce que la liberté est aux individus. Il a toujours encouragé les Nations à être fières d’elles-mêmes ; à reconnaître leurs erreurs, mais également à « encore avoir de quoi s’estimer elles-mêmes » (Camus)

« Pourquoi se mettraient-ils en danger pour sauver l’Europe ? »

On s’est, à tort, reposé sur les Etats-Unis pour garantir notre sécurité, via le système d’alliance qu’est l’OTAN. L’histoire a pourtant démontré que, à moins que leur intégrité nationale soit mise en cause, les Etats-Unis n’ont jamais envoyé qu’un « petit corps expéditionnaire », et sur le tard. « Pourquoi se mettraient-ils en danger pour sauver l’Europe ? » Pourquoi oseraient-ils tenir tête à Poutine aujourd’hui, si ce n’est pour garantir leurs intérêts. Brzezinski, conseiller en relations internationales des présidents américains, écrivait, dans Le Grand Échiquier, que l’Ukraine constituait la clé de voûte de la domination eurasiatique : qui défend les intérêts de qui ?

De même, il notait s’il eut existé une continuité dans l’Histoire de France, c’était bien celle du rôle du gouvernement comme garantie de l’intégrité territoriale. Si les gouvernements cessent de la défendre, alors viendra la question de la légitimité de l’État.

Comme quoi, relire les Mémoires de Guerre, les Mémoires d’Espoir, ou encore Alain Peyrefitte peut apporter un regard éclairant sur le monde qui nous entoure. De manière plus générale, les livres d’histoire peuvent permettre de comprendre celui-ci.

Savoir dire non

Alain Peyrefitte, dont les principaux écrits sont consacrés à de Gaulle relate ainsi l’opposition ferme et intransigeante du Président aux hommes de la Quatrième République ainsi qu’aux européistes gavés comme des oies aux supranationalisme.

« Le problème, c’est toute cette mafia de supranationalistes, qu’ils soient commissaires, parlementaires ou fonctionnaires. Ce sont tous des ennemis. Ils ont été mis là par nos ennemis. Le copinage socialiste, avec quelques otages M.R.P., quelques copains à Félix Gaillard et à Maurice Faure. Alors, ils passent leur temps à créer un état d’esprit hostile à la France. Comme ils l’ont fait partout. C’est la même engeance qui a retardé de deux ans les négociations avec le F.L.N. pour l’Algérie. C’est la même catégorie, non seulement apatride, mais anti-patrie, qui est la sécrétion ignoble des partis. C’était la clientèle des partis. Un garçon qui ne réussissait pas à son concours, on le mettait là. Les fils à papa, on les mettait là. On les mettait soit à la R.T.F., soit à Bruxelles. Et c’est pourquoi il faut nettoyer tout ça. » Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, p.291, t.1, 1/7/1965.

De même, Charles de Gaulle est l’homme du « Non » : il s’est opposé à la capitulation de la France en 1940, et en ce 18 Juin, il est salvateur de le rappeler :
« Des gouvernants de rencontre ont pu capituler, céder à la panique, oubliant l’honneur, livrant le pays à la servitude, cependant rien n’est perdu » (Affiche placardée dans les rues de Londres après l’Appel).

L’homme rompit par conséquent avec sa hiérarchie, alla à l’encontre du chemin pris par son ancien mentor Philippe Pétain, prit le risque d’être passé par les armes ; cela parce qu’il refusait que la France ne tombât plus bas qu’elle ne le fut jamais dans son histoire. Jamais elle n’avait été si malheureuse dans l’adversité : 1792, la France est aux abois, mais elle se relève ; 1814-1815, elle est en déroute, mais elle sauve son honneur ; 1870, la défaite est totale, mais elle ne veut ni collaborer, ni paraître humiliée. 1940 : non seulement elle capitule, mais elle prête main forte à la tyrannie. Cela, il ne peut l’accepter.

« C’est une poignée de phraseurs qui font la roue dans des conférences interminables, qui ne savent pas ce qu’ils veulent, qui ne veulent pas ce qu’ils savent. »

Alors, s’opposer, dire non, voilà quelque chose qui revêt le parfum d’une douce brise entrant dans une pièce à l’air vicié : la contradiction ; la fin des discours euphoniques ; voilà les conditions d’une société ne ployant le genou devant le déshonneur, où l’on ne tait pas sa pensée pas plus qu’on ne déguise son langage. Il en va de l’orgueil d’un peuple, qui n’hésite pas à se regarder en face, à se donner une gifle de temps en temps pour s’interroger sur ses agissements ; en bref, qui se psychanalyse.

On a le sentiment que cela n’est plus possible aujourd’hui, et ce tant que les « guides » de la Nation verront une grande lueur à Bruxelles : l’Europe intégrée est le mirage de ceux qui ont longtemps tourné le dos aux oasis. Et de Gaulle d’ajouter : « Cette Europe-là, ça ne représente pas grand-chose ! C’est une poignée de phraseurs qui font la roue dans des conférences interminables, qui ne savent pas ce qu’ils veulent, qui ne veulent pas ce qu’ils savent. Ils font des propositions avec l’espoir qu’elles n’aboutiront pas. Ils comptent sur d’autres pour les torpiller. Mais entre-temps, ils se seront donné des airs avantageux. » Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, p.215, t.1, 4/12/1963.

Alors, pour ne pas se démettre de ses responsabilités, il faut à la France un État digne de ce nom.

L’État présidentiel comme garant de la démocratie

Si le terme d’État revient constamment dans le vocabulaire de la Cinquième République, il ne faut pas négliger l’aspect démocratique de celui-ci, voulu par Charles de Gaulle. Or, pour que la démocratie existe, on ne peut omettre le respect des institutions. Ce respect s’entend non seulement par l’application stricte des procédures électorales mais également – voire surtout – par le comportement des hommes. Et l’on sent déjà poindre le malheur contemporain : la déchéance des hommes et la décadence qui est leur les empêchent d’agir en hommes d’État ; la vulgarité du bourgeois fait qu’en affaires comme en politique, il ne peut s’empêcher d’être un sinistre personnage d’un roman de Zola : on croit lire chaque jour La Curée. Il faudra donc retrouver un gouvernement digne de ce nom, aristocratique non par le sang mais par la culture et la profondeur intellectuelle.

Ainsi, en 1965, de Gaulle est mis en ballottage face à François Mitterrand. Son ministre de l’intérieur, Roger Frey, tente de faire pression sur Mitterrand en lui montrant une photo de lui arborant la francisque ainsi qu’un dossier compromettant sur ses relations avec René Bousquet. Le Président interdit alors à son ministre d’intervenir, arguant que cette action attaquerait non seulement l’homme mais aurait également des retombées sur le Président de la République. Or porter atteinte au Chef de l’État, c’est porter atteinte à la France. On ne tue pas l’adversaire de cette sorte. Car «  il ne faut pas porter atteinte à la fonction, pour le cas où il viendrait à l’occuper. » Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, t.2, p.601-602, 24/11/1965.

« Ministre » signifiant littéralement serviteur, le Premier Ministre est par conséquent le premier des serviteurs : « Primus inter pares », le premier parmi ses pairs.

Le Premier Ministre n’est pas le chef du gouvernement. De Gaulle, en bon latiniste, connaît le sens des mots qu’il emploie. « Ministre » signifiant littéralement serviteur, le Premier Ministre est par conséquent le premier des serviteurs : « Primus inter pares », le premier parmi ses pairs. Par conséquent le détenteur du pouvoir exécutif est le Président de la République : c’est lui qui gouverne.
Mais il a également un rôle d’arbitre et de garant de la continuité de l’État. C’est pourquoi de Gaulle s’est constamment opposé au passage du septennat au quinquennat. Afin de pouvoir garantir la démocratie, l’arbitre qu’est le Président est non seulement élu au suffrage universel, mais il n’est pas plus lié à la censure du gouvernement.

Toutefois, dans la conception gaullienne de l’agencement des choses en politique : le président est tenu par la gorge au moment de la dissolution et du référendum. On l’a vu en 1969. De plus, s’il est désavoué après une dissolution, alors qu’il s’agit là de l’expression d’une divergence de point de vue entre lui et l’Assemblée, alors il doit démissionner :

« – Dites-vous, Peyrefitte, qu’il y a deux sortes d’élections législatives. Ou bien, elles viennent à leur heure. Il est possible que la majorité sortante ne soit pas renouvelée, ce qui ne veut pas dire que le Président ne peut pas trouver une solution pour aller jusqu’au bout de son mandat. Ou bien, les élections ont lieu après une dissolution, en raison d’une divergence entre le Président et l’Assemblée. Chacun des deux doit s’en expliquer devant le corps électoral. Alors, si le Président est désavoué par le peuple, il doit évidemment s’en aller, qu’il l’ait ou non annoncé. Sinon, quelle figure aurait-il ? » Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, t.1, p.275, 7/12/1962.

Quelque chose que ceux qui se sont revendiqués du gaullisme, à commencer par Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy, semblent avoir oublié, voire ouvertement renié.

Ce qui anime le propos, c’est une conception bonapartiste de la démocratie : on agit, et on demande son avis au peuple souverain ensuite. Si le peuple désapprouve, il démissionne. Le Président est un monarque, mais un monarque républicain. Alors, le système politique ainsi envisagé n’est certes pas parfait, mais il a le mérite de donner à la France un gouvernement qui gouverne. Pour peu que les hommes soient à la hauteur de la situation : or cet habit ne peut seoir aux chantres du clivage gauche-droite.

La Gauche, la Droite

Clivage dont il s’exclue par définition, considérant que ces querelles de partis ne représentent que l’opposition à l’État. Or l’État, c’est la France. Mais il y a aussi ceux qui ont peur du peuple (et qui n’hésitent pas d’ailleurs à qualifier ceux qui le défendent de « populistes »). Il a une conception quelque peu anti-bourgeoise de la démocratie, détractée par la bourgeoisie elle-même. Ceci fait donc dire à de Gaulle qu’il a des ennemis partout, à droite comme à gauche.

« C’est pourquoi, d’ailleurs, nous avons contre nous – en dehors des communistes qui, eux, sont sortis de la France – deux sortes de gens, et seulement deux. D’abord, ceux qui ont peur du peuple et frémissent à l’idée qu’il pourrait directement intervenir dans les affaires qui sont les siennes, au lieu d’être toujours cloisonné, égaré et dépossédé par les réseaux astucieux des divisions électorales. De ceux-là, il y en a dans tous les milieux politiques. C’est pourquoi je n’en fais pas de catégories et je ne nomme pas leurs groupes. Mais, contre nous, il y a également les gens qui ne veulent pas d’un État qui en soit un. Ces objecteurs, eux aussi, existent dans toutes les tendances. Les uns se méfient de l’État parce que, s’il était ce qu’il devrait être, il gênerait leurs combinaisons ; les autres le haïssent d’instinct, par anarchisme naturel, lors même qu’ils figurent au pouvoir. Bref, nos adversaires sont situés aussi bien à droite qu’à gauche. » D.M. 2, 12/10/1952.

On distingue ainsi l’actualité brûlante de tels propos : les petits barons qui, à droite comme à gauche, ne cessent de vitupérer contre ceux qui veulent rendre le pouvoir au peuple par la démocratie dite « référendaire » et restaurer l’État, ne sont-ils pas différents de leurs piètres aïeux gloseurs de la Quatrième ? En tout cas, les palais de la République sont tout aussi encrottés, et il faudra bientôt nettoyer tout cela à la pelle. Quant aux ennemis de l’État, ils sont ceux qui se méfient de lui ; et pour n’importe quelle raison. Voilà une manière de lire les forces politiques de manière originale.

Dans son discours de Strasbourg du 7 Avril 1947, il s’interroge : sommes-nous prisonniers de l’alternative entre le capitalisme sauvage et le système soviétique ? Les libéraux comme les communistes ne sont-ils pas censés être les adversaires de l’État ? Les uns estimant qu’il les empêche d’accroître leurs profits, les autres voyant en lui l’avènement de la domination bourgeoise sur le prolétariat. Toutefois le rapport droite-gauche ne lui est pas indifférent: s’il considère qu’il a des ennemis dans les deux camps, il ne se prive pas non plus de taper sur l’un comme sur l’autre, parfois avec violence :

Salon doré, 22 juillet 1964 : Général de Gaulle : – : « Il n’y a rien de plus déplorable que la gauche quand il s’agit de la France, en tout cas de la France au-dehors. D’ailleurs, vous n’avez qu’à relire l’Histoire. La gauche n’a pas raté un désastre. Avant 1870, elle a empêché le maréchal Niel de faire une armée qui aurait été à la hauteur de l’armée prussienne. Je me rappelle la gauche d’avant 14 ! Et la gauche du Front popu, qui s’est terminée par la capitulation : l’abdication de la République entre les mains de Pétain, voilà la gauche !
Alain Peyrefitte : – La droite n’a pas toujours été plus maligne.
Général de Gaulle : – La droite est tout aussi bête. La droite, c’est routinier, ça ne veut rien changer, ça ne comprend rien. Seulement, on l’entend moins. Elle est moins infiltrée dans la presse et dans l’université. Elle est moins éloquente. Elle est plus renfermée. Ça se passe dans des cercles plus restreints. Tandis que la gauche, c’est bavard, ça a des couleurs. Ça fait des partis, ça fait des conférences, ça fait des pétitions, ça fait des sommations, ça se prétend du talent. C’est une chose à quoi la droite ne prétend pas. On a un peu honte d’être à droite, tandis qu’on se pavane d’être à gauche. Jules Favre résumait l’opinion de la gauche en s’exclamant : « La nation la plus puissante est celle qui serait le plus près du désarmement. » Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, t.2, p.108.

Les deux bourgeoisies du quatrième pouvoir et la République autoritaire

Mais que pense-t-il de la presse ? « En réalité, il y a deux bourgeoisies. La bourgeoisie d’argent, celle qui lit Le Figaro, et la bourgeoisie intellectuelle, qui lit Le Monde. Les deux font la paire. Elles s’entendent pour se partager le pouvoir.

« Cela m’est complètement égal que vos journalistes soient contre moi. Ça m’ennuierait même qu’ils ne le soient pas. J’en serais navré, vous m’entendez ! Le jour où Le Figaro et L’Immonde me soutiendraient, je considérerais que c’est une catastrophe nationale ! » Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, t.1, p.388, 16/1/1963.

D’un côté on lui reprochera de ne pas être assez libéral, de ne pas vouloir simplifier les échanges. Lui qui avait dit « la République refuse catégoriquement le laissez-faire laissez-passer », voilà qu’on le traitait de bolchévique. De l’autre côté, il était un « sale facho », autoritaire, comparé à Hitler par Mitterrand, qui pourtant aura quelques années la même attitude, car il saura habiter la fonction. D’un côté un nazi, de l’autre un communiste. Est-ce la la preuve d’un juste milieu politique marqueur d’une troisième voie française, permettant d’échapper à l’échéance du choix entre le libéralisme et le socialisme ? En résumé, un de Gaulle aujourd’hui nous sortirait de beaucoup de carcans, pour peu que les Français le veuillent et considèrent comme nécessaire le dépassement de ce schéma politique infernal.

 Alors ? Autoritaire le Général de Gaulle ? Sans doute, mais cela était compensé par un sens aigu de l’intérêt général.

Un dernier point : nous évoquions Mitterrand. Ce dernier reprocha à de Gaulle, dans Le Coup d’État permanent, d’avoir instauré une république autoritaire. Ce à quoi le Général répondait :

« Et la IIIe République, vous croyez qu’elle se serait enracinée si elle n’avait pas eu de la poigne, si elle n’avait pas pris en main les écoles, les lycées, l’université, les manuels d’histoire, la plupart des journaux ? Elle a imposé le fait accompli à une classe dirigeante qui lui était massivement hostile : « la Gueuse  » ! Les monarchistes étaient majoritaires mais divisés – comme toujours la droite – entre trois prétendants, l’orléaniste, le légitimiste et le bonapartiste. Thiers a conclu : «  C’est la République qui nous divise le moins. » Et, pendant des décennies, on a matraqué ce théorème pour l’imprimer dans les cervelles.

« La gauche, les francs-maçons, les syndicats, les hussards noirs ont fait pénétrer opiniâtrement l’idée qu’il’ n’y avait pas d’autre régime possible que la République, qu’il était incivique d’en imaginer un autre, que tout adversaire du régime était un mauvais Français. Et encore, il a fallu la guerre de 14 pour provoquer, devant l’ennemi, la fusion des volontés et faire accepter la République à peu près par tous ! Quarante-quatre ans après sa proclamation ! Il n’y a que trois ans et demi que nous avons installé le nouveau régime. Il lui faudra bien plus de temps pour devenir irréversible ! » Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, t.1, p.497-498, 27/7/1962.

Alors ? Autoritaire le Général de Gaulle ? Sans doute, mais cela était compensé par un sens aigu de l’intérêt général. S’il subsistait aujourd’hui, et c’est Peyrefitte, qui au soir de sa vie le confiait en privé, un seul trait du grand homme, c’est bien l’intégrité. On paie ses factures, on invite sa famille à ses frais etc. Mais ces petits détails, qui sont en fait les plus importants, nous ramènent à la question suivante : comment se hisser au plus haut quand tout le petit monde aime à évoluer dans la facilité? Ainsi, devant des adversaires virulents, de Gaulle, conscient qu’on ne fait pas de politique sans adversaires, donne cette étrange leçon de vie :

 « Peyrefitte, dites-vous que la faute, c’est celle des autres ! Si nous ne nous convainquions pas de cette vérité, nous serions sans cesse en train de nous frapper la poitrine. Nous n’oserions rien entreprendre ! Si nous n’avons pas confiance en nous-mêmes, comment voulez-vous que les Français aient confiance en nous ? Il faut qu’ils puissent se dire : « Nous sommes bien gouvernés. Les résultats sont étonnants. Heureusement que l’opposition n’est pas au pouvoir !  » Il faut toujours avoir des adversaires pour pouvoir les combattre. Le combat, c’est la vie. On a besoin d’adversaires pour exister. »  Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, t.1, p.490, 23/3/1963.

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La Rédaction

Les Trois Mousquetaires de la presse internet.

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