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Les derniers chrysanthèmes fanent déjà devant les monuments aux morts de nos communes de France et les premiers joueurs de djembé affluent sous vos fenêtres pour faire exploser leur talent. Un merveilleux début d’été.

C’est la magie du mois de juin dans notre beau pays : l’insouciance qui côtoie les tragédies du passé, et bien malin celui qui parviendrait à trouver un quelconque lien entre la défaite de Waterloo et la Fête de la musique, en passant par le rappel historique de l’Appel du 18 juin du Général de Gaulle (et nous avons vu, cette semaine, à quel point le gaullisme bien compris était toujours d’actualité).

Paris, morne plaine

En décrivant ces milliers de corps qui s’entassent et se marchent sur les autres dans la plaine de Waterloo, Victor Hugo a décrit mieux que quiconque l’horreur de cette bataille qui sonna le glas de l’Empire de Napoléon ainsi que la fin des velléités de domination française sur le monde. Après Waterloo, le déluge. Le début de la globalisation anglo-saxonne. De l’imperium britannique sur les denrées, les politiques, les hommes. Ce n’est pas qu’une défaite militaire qui implique une perte conséquente de territoires, mais également l’abdication de la France face à la « perfide Albion », et le début d’un inexorable déclin qui explique la défaite de 1870 / 1871, la boucherie de 14/18 et la grande débâcle de juin 40.

De Gaulle a joué au monarque. Il a tenté, tel Atlas soutenant le ciel sur ses épaules, de porter la France à bout de bras.

Charles de Gaulle, pourtant peu élogieux envers Bonaparte, a certainement songé à l’Empereur avant d’appeler tous les Français à la résistance depuis Londres. Car dans son esprit d’homme du XIXe siècle, soucieux de préserver sa patrie et éduqué avec les valeurs militaires d’antan, il était impensable de rendre les armes face aux Allemands. Il y a chez de Gaulle – qui connaissait plusieurs pièces de Corneille par cœur – non seulement un sens du tragique mais également une indéniable dimension héroïque de l’homme seul face à son destin. Parce que si de Gaulle est certainement le dernier grand homme d’État français, il n’en reste pas moins l’acteur d’une tragi-comédie à la française qui prend justement racine dans le massacre de Waterloo.

De Gaulle a joué au monarque. Il a tenté, tel Atlas soutenant le ciel sur ses épaules, de porter la France à bout de bras. De l’émanciper de la tutelle de l’Oncle Sam, de la préserver du fédéralisme européen, de défendre son unicité, à travers des déclarations, des actes, des écrits qui ont créé l’illusion d’un grand pays jouant toujours dans la cour des grands. Sauf qu’après de Gaulle, la France a plongé dans les travers que nous lui connaissons (européisme, communautarisme, pédagogisme), il a fallu que le roc s’en aille pour que notre pays prenne l’eau.

Le grand cirque de l’Histoire

Après de Gaulle, les valeurs militaires, patriotiques et héroïques ont été reléguées aux oubliettes de l’Histoire, jugées très certainement « réactionnaires » par nos élites qui ne jurent plus que par la tendresse et la compassion. Au don de soi – parfois exagéré par la propagande – a succédé l’individu qui n’a personne d’autre que lui-même comme perspective, et c’est ce nouvel être inconscient de la tragédie moderne, joyeux par principe et tout acquis à la dictature du divertissement qui va voir les reconstitutions à Waterloo ou bien joue du tambour place de la République.

La fin des temps semble acquise pour cette génération nouvelle engendrée par le Jack-Languisme.

Les chaînes d’information ont ainsi diffusé des interviews de visiteurs à Waterloo qui regrettaient « Qu’il n’y ait pas assez de morts pour que cela soit réaliste » : le Touriste ne se contente pas de l’Histoire, il lui faut Hollywood à Waterloo. Du spectacle et toujours du spectacle, pour mieux célébrer cette France héroïque qui est morte et que les pâles comédiens peinent à faire revivre. Du bruit, toujours du bruit, pour mieux oublier sa finitude. La fin des temps semble acquise pour cette génération nouvelle engendrée par le Jack-Languisme, qui danse sur les décombres d’une civilisation raffinée ; l’Histoire n’est plus qu’un gigantesque cirque où tout n’est plus que reconstitution et mise en scène pour donner le frisson aux touristes venus en autobus.

Sous Napoléon, l’État créait la Banque de France, le Code civil, le Sénat, le Conseil d’État. Sous de Gaulle, il a inventé la Sécurité sociale, reconnu la Chine communiste, développé le nucléaire. En 2015, il s’abaisse à financer des millions de petits fonctionnaires de la Fête, qui ont tout oublié de Vivaldi pour applaudir des joueurs de castagnettes bruyants sur un trottoir.

David Guetta est notre Waterloo culturel.

Julien de Rubempré

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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