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Il y a quelques temps nous nous interrogions sur l’abrutissement de la jeunesse française à travers la fête pour la fête. Mais ne sommes nous pas victimes d’un phénomène beaucoup plus large, informel, qui est inhérent sans doute à une société de communication telle que la nôtre.

« On ne peut pas ne pas communiquer » disait Paul Watzlawick. Nous supposons ici que tout ce que nous faisons est communication. Cela ne pose pas problème en soi, mais quand la fin en soi devient la communication, c’est-à-dire communiquer pour communiquer, c’est la société qui perd son âme et son intelligence. Ne sommes nous pas ainsi plus inféodés au dictat de la forme plus qu’à celui du fond ?

C’est la dernière mode, le dernier chic : faire l’imbécile et nommer d’autres imbéciles, du moins ceux qui acceptent volontiers de jouer le jeu. Le principe est simple : vous êtes nommés par un de vos amis Facebook et vous devez accomplir le gage sous peine de payer un restaurant à celui qui vous a nommé, et à votre tour nommer trois personnes.
Ne soyons pas catégoriques, il y a des jeux qui sont moins idiots que d’autres, à l’image de la photo d’enfance, sans réel danger (mis à part celui du ridicule vestimentaire) et qui est révélateur sans doute d’un relent nostalgique de la nouvelle génération.

Du Chicken run à la Neck nomination

Mais le jeu de l’abruti a la peau dure et il revient régulièrement à la charge: « A l’eau ou au resto » (qui a fait un mort au cours des deux derniers mois) ; « Neck nomination », qui consiste à avaler une grande quantité d’alcool en un minimum de temps et le dernier né : « Fire Challenge », qui consiste à s’asperger de produits inflammables, d’y mettre le feu et d’éviter les flammes. Est-ce là un phénomène inhérent à notre temps ou bien est-ce plutôt la dimension prise par ces jeux qui est révélatrice d’une suite d’évènements beaucoup plus large ? En effet, les jeux « idiots » ne sont pas nouveaux puisque, déjà dans les années 1960, le phénomène du « Chicken » faisait des ravages : rester le plus longtemps sur une route devant une voiture arrivant à vive allure. Autrement dit on peine à croire que Facebook est le véritable instigateur de la débilité profonde de certains. Non, car en réalité, Facebook est le rat et le jeu est la puce transportant le virus de l’abrutissement.

Le danger en 2014, à cause de Facebook, c’est ce que les anglophones appellent le « get viral », autrement dit un phénomène viral. Pourquoi ? Parce que l’internaute moyen respecte généralement deux principes élémentaires, et ce de manière presque inconsciente : Le premier principe est d’avoir le plus de « j’aime » possibles sur son « mur ». Plus vous avez de « j’aime », plus vous vous sentez populaires auprès de vos amis (virtuels ou réels), et plus vous êtes « cool ». Le cool se mesure par le nombre de clics « j’aime » sur la publication : voilà comment lénifier les relations amicales.

Le second principe est d’avoir le maximum d’amis, pour pouvoir respecter le premier principe : deuxième principe lénifiant. Là où l’intérêt des relations humaines était d’avoir des gens qui vous connaissent et qui vous aiment quand même, selon l’adage définissant les amis, Facebook nous offre des gens qui vous connaissent et qui ne vous aiment pas spécialement, bien au contraire.

En somme, plus les gens aiment vos dires, plus vous êtes cool. Zuckerberg a donc inventé la flatterie numérique, obérant ainsi parfois la sincérité de certaines relations pour les plus faibles d’esprit.

Facebook ou le fourre-tout médiatique

Au-delà de la flatterie numérique et de la propagation de la débilité, c’est la capacité à se mettre en scène qui inquiète. Le problème profond n’est pas le jeu en soi, ni sa propagation, mais bien la possibilité qu’offre un réseau social comme Facebook de se mettre en scène, donnant ainsi un aspect théâtral au concours : vous perdez tout lien avec la réalité et toute conscience du danger que cela peut encourir. Qu’importe le danger, vous avez la possibilité de devenir une véritable star du net, pour peu que vous fassiez le buzz.

L’éphémère succès encourage d’autant plus la récidive et vous incite à vous renouveler dans votre absurdité. Les jeux se succèdent et se ressemblent, mais à un rythme effréné et toujours plus intense.

Au delà même du jeu idiot, il convient de s’interroger sur les conséquences du contrôle (ou non) des contenus publiés sur les réseaux sociaux : les vidéos en sont le triste exemple. La vidéo publique permet aujourd’hui à n’importe qui de faire n’importe quoi : cela peut aller de la fumette à la profération de propos haineux, à des images choquantes ou des informations erronées reprises par le monde entier.

Le problème n’est pas le réseau social lui-même, mais ses excès, d’où un nécessaire contrôle de l’État vis-à-vis du contenu, en respect de la loi et de la liberté d’expression.

Rédaction

Rédaction

Rédacteur depuis Mars 2014

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