share on:

Athènes concentre tous les rêves, fantasmes et songes liés au monde antique. Bien avant Rome, son édification légendaire a déterminé la vie des citoyens, tout comme la politique a été imprégnée de mythologie pour souder une population autour de valeurs éternelles. Dans Athènes, Histoire d’une cité entre mythe et politique (éditions Passés composés), Sonia Darthou révèle le lien indéfectible entre les deux thématiques. 

Des guerres médiques qui édifient la cité athénienne et l’assoient comme puissance maritime à la branche d’olivier qui rattache l’autochtone à sa terre nourricière, Athènes est dès son origine un territoire partagé entre deux véritables charges symboliques, qui renvoient à la lutte originelle entre Athéna et Poséidon pour devenir la divinité tutélaire. Egée ou Thésée sont aussi des héros fondateurs, et Sonia Darthou l’indique : « Rattacher généalogiquement ce héros athénien très terrestre au dieu de la mer permet de construire, à travers ce lien de filiation mythique, une autre territorialité politique : cela montre combien la cité choisit de s’inscrire dans un destin très maritime ». Nous retrouvons l’ambivalence de la cité, ontologiquement partagée entre la mer et la terre, entre l’azur méditerranéen qui symbolise l’expansion belliqueuse et la terre, lieu de repos des ancêtres et des racines métaphoriques.

« Notre cité jamais ne périra conformément à un arrêt de Zeus ou à la volonté des bienheureux dieux immortels : telle est sa gardienne magnanime, fille d’un père puissant, Pallas Athéna, qui étend ses mains sur elle ».

Le choix d’Athéna comme déesse Poliade n’est évidemment pas neutre : fille de Zeus, elle est le lien qui rattache aussi la terre des hommes à l’Olympe. Figure guerrière et défensive, elle est aussi une figure rassembleuse et bien davantage : « Athéna Poliade se dresse les armes à la main sur les hauteurs de l’Acropole d’Athènes pour afficher aux yeux de tous l’identité puissance de la communauté politique qui l’a élue ». Un fragment du législateur Solon le confirme : « Notre cité jamais ne périra conformément à un arrêt de Zeus ou à la volonté des bienheureux dieux immortels : telle est sa gardienne magnanime, fille d’un père puissant, Pallas Athéna, qui étend ses mains sur elle ». Le lien entre la cité et sa déesse est bien plus que fusionnel, il est essentiel.

Athènes et l’Être de la cité

Le mythique et le politique sont donc indissociables, jusque dans la citoyenneté : « La naissance mythique du premier citoyen athénien qui germe de sa terre pour être recueilli dans les bras de la déesse Athéna se révèle être un axe de fondation politique qui sera utilisé comme un outil rhétorique patriotique puissant pour affirmer la supériorité de l’identité civique ». La riche iconographie présente dans l’ouvrage permet d’appréhender visuellement cette « identité nationale » avant l’heure et de comprendre l’importance du mythe dans la vie quotidienne et politique du citoyen.

« La pensée grecque est donc dès son origine une tentative de définition ontologique ».

Sur le plan philosophique, ce livre permet de saisir une nouvelle fois que la question de l’Être est centrale dans la pensée grecque, et que cette interrogation fondamentale a des répercussions dans la vie démocratique de la cité. Des présocratiques à Platon qui établit une corrélation entre l’âme et l’organisation politique (l’Idée règne sur le sensible comme le Roi Philosophe dirige les guerriers et les travailleurs), la pensée grecque est donc dès son origine une tentative de définition ontologique, à travers une mythologie caractéristique : après l’affrontement chaotique initial, doit venir l’harmonie des choses et des êtres.

La richesse littéraire de l’ouvrage de Sonia Darthou comme sa profondeur historique permet de saisir la naissance puis la construction et enfin l’avènement d’une cité politique qui se fonde sur une identité propre. A l’heure du grand flou identitaire du monde occidental, il est bon de se rappeler qu’aucune construction politique ne peut prospérer sans communion autour de symboliques communes.

mm

Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

Laisser un message