Partagez sur "De Pierre Goldman à Médine : les liaisons dangereuses de la gauche"
A l’heure où sort sur grand écran Le Procès Goldman de Cedric Kahn, retour sur la fascination qu’éprouve une partie la gauche pour les criminels.
19 décembre1969, boulevard Richard Lenoir à Paris. Alors que le couple Carel s’apprête à entrer dans la pharmacie Delaunay, ils aperçoivent un homme, pistolet à la main, qui braque deux jeunes femmes. Alerté, Gerard Quinet, gardien de la paix en civil, pénètre dans la pharmacie. S’en suit une bagarre, des coups de feu. Les deux pharmaciennes gisent au sol. Quinet est laissé pour mort. Plus tard, le gardien de la paix reconnaitra son assaillant. Il s’appelle Pierre Goldman. Après une longue enquête et un procès médiatisé, l’accusé est reconnu coupable en 1974, puis sa condamnation sera annulée en appel en 1976. Six mois après sa libération, il sera assassiné dans des circonstances qui demeurent encore mystérieuses aujourd’hui.
Pierre Goldman est le fils d’un couple de juifs tous deux engagés dans l’organisation communiste des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – main-d’œuvre immigrée ) pendant la Seconde Guerre mondiale. Durant ses études il fera ses armes aux côtés d’Alain Krivine à la Sorbonne et incarnera alors le type de l’intellectuel révolutionnaire. Son aura, sa présence et sa culture sont remarquées et remarquables. Plus tard, il sera l’auteur de deux romans. Alors que le premier sera encensé, le second sera soumis a caution. Et pour cause. il relate l’histoire d’un tueur fou qui sème des cadavres sur son passage. « Toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d’une pure coïncidence ».
A gauche, le constat est simple : Goldman ne peut être coupable, puisqu’il est un intellectuel. Et s’il est suspect, c’est au nom de ses idées. C’est un révolutionnaire, un idéaliste, une victime expiatoire, qui ne peut en aucun cas être l’auteur de ce double meurtre crapuleux. Ce crime manque de hauteur, d’idéal, d’héroïsme. Le journal Libération et les intellectuels de la rive gauche de l’époque, Simone Signoret, Régis Debray ou encore Jean-Paul Sartre, prendront fait et cause pour l’accusé. Maxime le Forestier lui consacrera même une chanson, La vie d’un homme.
Médine est un enfant de l’immigration, avec pour seul horizon les tours d’immeuble de son quartier de Caucriauville, secteur du Havre classé prioritaire. Très tôt il se lance dans le rap et ses paroles relatent le destin tragique de victime de la guerre ou de la colonisation. Il décrit, il défend, il dénonce. C’est un chanteur engagé. II est, lui aussi, l’enfant d’un pays qui l’exhorte à condamner son pays d’adoption. Il ne peut donc en aucun cas être coupable des propos antisémites qu’on lui reproche. Parce qu’il se reconnait dans la France Insoumise, parce qu’il est engagé, parce qu’à son tour, il défend la cause des plus faibles.
Son adhésion au parti agit comme un totem d’immunité
Dans l’imaginaire révolutionnaire, les parcours de l’intellectuel et du rappeur sont similaires : tous deux sont le fruit d’un passé auquel ils se rattachent, des errances de l’Histoire et des exactions commises au nom de l’Etat français. Qu’il s’agisse de la rafle du Vél’d’Hiv ou de la guerre d’Algérie, de par leur nom, leur origine et leur combat, l’un comme l’autre symbolisent le nouveau damné de la terre, figure christique moderne qui lutte pour sauver l’humanité de la violence de ses oppresseurs. Ils incarnent la voix du peuple, celui qui se rebelle contre le fascisme, le capitalisme et qui entend dénoncer la classe dominante.
Dès lors, le glissement historique et sémantique opérés par les intellectuels au début des années 80 unit ces deux êtres que tout oppose, sinon leur innocence des faits qui leur sont rapprochés.
A présent le mythe s’écrit sous nos yeux. En faisant sa une sur Médine, le journal L’Humanité a trouvé son affaire Calas. Le musicien devient une véritable cause a défendre contre la horde d’extrême droite qui ne voit en lui qu’un islamiste antisémite. Si le communisme se meurt, ces rares défenseurs tentent de le faire renaitre. Ils y trouvent leur nouvelle figure de proue et le chanteur deviendra le nouvel objet de fascination de nombreux médias égarés. Dans le quotidien Le Monde, Médine seprésente dorénavant comme « un homme engagé pour la convergence des luttes ».
Le sulfureux chanteur est la nouvelle égérie de la NUPES. Certains de ses anciens textes appellent à la guerre sainte, ses messages provocateurs sont repris sur les réseaux sociaux mais qu’importe. Il parle aux jeunes, du moins en partie. Mathilde Panot l’invite aux universités d’été de la France Insoumise. Elle perpétue alors un héritage vieux de cinquante ans, dans la plus grande tradition révolutionnaire : la fascination des élites bourgeoises pour la violence et la subversion des marginaux, des laissés-pour-compte et des rejetons qui se dressent contre les forces de police. Qu’ils fussent contestataires, malfrats, voire terroristes, ils incarnent les représentants d’une contre-Histoire, celle des perdants : l’écrivain et criminel Cesare Battisti, défendu à l’époque par Fred Vargas, les Frères Kouachi soutenus par Edwy Plenel et Virginie Despentes ou encore plus récemment Adama Traoré, tous sont autant d’exemples des errements d’une partie de la gauche.
En 2023, Médine pense être le nouveau Brassens. Il porterait en lui cet esprit contestataire qui s’érige contre les règles établies et l’autorité de l’Etat, qui remet sans cesse en question les privilèges des dominants. Le rappeur coche aussi toutes les cases de l’intersectionnalité : jeune, issu des quartiers populaires, et enfant de l’immigration. Et s’il est critiqué pour des propos homophobes, des attaques contre la laïcité, ou des remarques antisémites, le quotidien Libération, Jean-Luc Mélenchon, Marine Tondelier et le journal l’Humanité prennent fait et cause pour l’accusé. En attendant Maxime le Forestier.
A gauche aussi on a le goût des traditions.