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On s’était promis au Nouveau Cénacle de ne plus parler du FN, de ne plus relayer les absurdités journalistiques à l’endroit de ce parti et de la politique en général. Cependant l’actualité nous rattrape, et devant un tel déluge de non-sens, il s’agissait d’apporter un point  de vue nouveau, sinon censé, pour tenter de contrebalancer ce raz de marée médiatique indigeste et moralisateur.

Apparemment, le FN aurait « raté son second tour » pour le Monde. Au Figaro, c’est le PS qui se serait pris « une claque électorale ». Arrêtons les incantations, pour l’amour de Dieu, ou juste de l’esprit humain, de l’intelligence. Notons tout de même que la politique est sans doute l’un des sujets où tout le monde peut s’exprimer pour raconter ce qu’il veut, croyant dire le vrai. Chacun aurait SA vérité, plus les mots sont ampoulés, plus en général « on s’y croit ». Les soirées électorales avec leurs garnisons d’experts, chair à canon cathodique, sont prêtes à toutes les volte-face pour nous intéresser à cette mascarade moribonde, où le médiocre côtoie le pédant.

Un journalisme de bac à sable

Personne ne sait qui a fait gagner l’UMP aux départementales : Juppé ou Sarko ? Wallace ou Gromit ? Satanas ou Diabolo ? Ne parlons même pas des fameux reports de voix, source des argumentaires les plus abscons. Au final, la seule variable réellement mesurable est l’abstention. Aujourd’hui, la France ne s’installe ni à droite, ni à l’extrême droite, mais dans une abstention massive et durable.

Plus que le vote, ce sont les médias qui ont peut-être fait croire au FN qu’il pouvait gagner.

Chez nos politiques, le média audiovisuel agit comme un écosystème bâtard qui permet à tout un tas de braillards de parler à tort et à travers, en nous donnant des leçons, tout cela amplifié par la multiplication des canaux, avec l’émergence d’Internet. Plus que le vote, ce sont les médias qui ont peut-être fait croire au FN qu’il pouvait gagner. Que les choses soient claires : le FN ne gagnera jamais les élections présidentielles ou législatives. Pas parce-qu’il y aura « une refondation du PS autour des vraies valeurs de gauche », ni que « l’UMP, alliée à l’UDI formera un grand parti de centre-droit », ni même en raison d’un « front républicain », mais tout simplement en raison d’éléments liés à la structure du système politique français de la Vème République, avec pour clé de voute le mode de scrutin. Est-ce que les deux partis de gouvernement et nos médias pensent réellement que le FN prendra le pouvoir, tout en sachant que le système politique en place rend cela impossible ?

La République et la bipolarisation

Revenons en arrière, à la fin de cette année 2014. Un homme, Maurice Duverger, décédait, après une longue et prolifique carrière de Juriste, Politologue, Universitaire spécialiste de droit constitutionnel. Ce dernier publia un livre au début des années 1950, Les Partis Politiques, où il prouve, par une démonstration rigoureuse, presque sans faille, que ce sont les modes de scrutin qui structurent la vie des partis politiques.

Le scrutin proportionnel entraine une multiplication des partis et une multiplication des représentations. Le scrutin majoritaire entraine un bipartisme. La IVème puis la Vème République lui donnent raison.

Certes, celui-ci est modéré en France par la multiplication des partis qui n’ont d’autre utilité que de donner de l’audience à quelques fortes personnalités. Mais on constate pour les élections nationales (législatives et présidentielles), que le bipartisme domine outrageusement. Même les élections législatives de 1978 ont vu le RPR devant l’UDF et obtenir la majorité relative, forçant le président à s’allier à la droite pour gouverner. Depuis, le mouvement de balancier entre la gauche et la droite est devenu la norme, la routine d’une république en charentaise, dans le confort du système majoritaire à deux tours, donnant l’impression que tous les avis sont entendus, alors que cela reste de la pure forme. Un seul nom, en forme de point Godwin du politique : Gérard Schivardi. Pour les départementales 2015, c’est l’UDI et l’UMP qui se sont alliés, rappelant ainsi l’ancienne alliance UDF/RPR de 1978.

L’exposition médiatique est si disproportionnée par rapport aux résultats obtenus qu’on se demande si ces cirques politico-médiatique n’intéressent au final que nos journalistes français.

L’exposition médiatique est si disproportionnée par rapport aux résultats obtenus qu’on se demande si ces cirques politico-médiatique n’intéressent au final que nos journalistes français. Ainsi, une femme comme Arlette Laguiller, si elle a pu occuper un espace médiatique conséquent entre 1972 et 2007 grâce à son charisme et sa personnalité, n’a obtenu que de très modestes scores. Cela en dit aussi long sur ce qu’est la France politiquement : un pays où on préfère prêcher sa parole, en disqualifiant tout le reste, au risque de fracasser le fameux « intérêt général ». Pour aller plus loin dans la démonstration, qui se souvient du nom de sa remplaçante à la tête du parti trotskyste : personne ou presque.

La politique vidée de sa substance

Aux États-Unis, on est plus sincère dans la démarche consistant à dire au peuple que la politique pour la politique est tout sauf pertinente. Le système majoritaire à un tour rend le vote dit « utile » obligatoire, en tout cas efficace, si l’on croit que, pour faire avancer un pays, il faut avoir une idée commune sur la fonction du politique pour le rendre opératoire, plutôt que de considérer le pouvoir comme une fin en soi.

Cela pose la question de la fin du politique, question posée en 1975 par Pierre Birnbaum, qui voyait à l’époque, déjà des professionnels de la politique, « administrant légitimement la société avec le consentement passif de citoyens apolitiques, trop absorbés par leurs activités personnelles et professionnelles ». 1975 – 2015 : en 40 ans, la prophétie s’est réalisée, à mesure que l’abstention augmentait, élections après élections, avec cette illusion participative que constitue la « présidentielle ».

En cela on peut dire que la fin du politique est actée depuis longtemps, remplacé par un combat de résidus d’idées, conflit de façade il faut bien le dire, avec des gens qui partagent le même objectif : le pouvoir comme fin unique. Le seul clivage qui semble émerger aujourd’hui dans le pays et en Europe, concerne justement une idée de souveraineté nationale contre une organisation fédéraliste. Mais tant que les modes de scrutin continueront à favoriser les grands ensembles, nous assisterons toujours aux mêmes cabotinages de premier tour en France.

Rémi Loriov

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Rémi Loriov

Rémi Loriov est un homme libre qui s'intéresse à tout. On dit souvent à son propos : "personne ne sait ce qu'il fait, mais il le fait très bien." Il aime les histoires.

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