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Condamnée à dix ans de prison pour le meurtre de son mari violent, Jacqueline Sauvage est libre. François Hollande lui a accordé la grâce présidentielle.

Tweet Hollande Jacqueline Sauvage

Il y a tout d’abord l’émotion, légitime. L’histoire de Jacqueline Sauvage, la violence subie, tant physique que psychologique par son époux, Norbert Marot. Les abus sexuels absolument atroces commis sur ses filles. Et puis ce meurtre du mari, survenu en 2012, d’un coup de fusil dans le dos. Un drame familial digne du scénario d’un film macabre, dans ce funeste décor du Montargois. La légitime défense n’a pas été retenue, et 47 années de violences ont finalement conduit le Président Hollande à gracier cette femme.

Dans un communiqué, ce dernier explique : « Sa place n’était plus aujourd’hui en prison mais auprès de sa famille ». Il faut pourtant dépasser ce stade émotif, si possible, loin des pétitions et des tweets qui enflamment les réseaux sociaux pour se pencher sérieusement sur ce dossier. Celui-ci indique qu’en 1992, Jacqueline Sauvage est allée au domicile d’une rivale avec une arme. Il montre aussi que madame Sauvage n’a jamais porté plainte contre son mari, alors qu’elle savait les sévices perpétrés contre ses enfants. Il n’est pas question ici de juger cette femme, un procès a eu lieu. Mais il convient toutefois de questionner ces notions de justice, de crime et de grâce.

Antigone Sauvage

L’affaire Jacqueline Sauvage est une version moderne d’Antigone, version Claude Chabrol. La justice personnelle face à la justice de l’État.

Un raisonnement par l’absurde est souvent le meilleur moyen de disséquer un fait d’actualité, surtout lorsque tant d’enjeux rentrent en compte. Si un homme avait abattu sa femme à cause de violences, la mobilisation aurait-elle été la même, surtout pour le défendre ? Il est permis d’en douter. Cette victoire des associations (qui, du reste, font un travail au quotidien admirable pour lutter contre les violences faites aux femmes) met en lumière le bruit médiatique déformant de ces pétitions qui « buzzent » sous le coup de l’émotion, au détriment de la raison et du jugement.

L’affaire Jacqueline Sauvage est une version moderne d’Antigone, version Claude Chabrol. La justice personnelle face à la justice de l’État. Créon, cet éternel salaud, qui a tenu bon. Pas Hollande. L’État de droit dispose pourtant, selon l’expression de Max Weber, du « monopole de la violence légitime ». En d’autres termes, seul lui peut contraindre, enfermer, ou faire usage de la force. Antigone Sauvage a fait justice elle-même : cela est excusable sur un plan purement humain. Toute forme de violence est répréhensible, abjecte. Encore plus lorsque cela concerne les femmes et les enfants. Peut-on néanmoins libérer pour avoir tué à cause ?

Il y aura donc une jurisprudence Jacqueline Sauvage. Antigone a toujours récolté les faveurs populaires, de Sophocle à Anouilh. Hollande n’a pas voulu être Créon. Que dira-t-on, demain, si un tel évènement survient de nouveau ? Cela méritera-t-il un procès ou bien laissera-t-on les associations féministes décider du juste et de l’injuste ? De la tragédie à la farce, il n’y a souvent qu’un pas.

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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