L’année 2016 aura décidément été jalonnée de pertes immenses. Celle de l’ex-chanteur de Wham ! n’est pas la moindre.
George Michael aura donc passé à son tour l’arme à gauche au cours d’une véritable annus horribilis qui avait déjà vu disparaître, par ordre chronologique, David Bowie, Prince ou encore Leonard Cohen.
Précoce et inattendue, même s’il avait remporté de justesse un combat acharné contre une grave pneumonie il y a 5 ans, la mort de l’ancien leader de Wham ! à 53 ans a plongé le monde dans la stupeur. Dans une profonde tristesse aussi, au regard de son immense popularité et de ce qu’il représentait.
« Entre cuir et costume-cravate, George Michael avait, quoi qu’il en soit, une certaine constance dans la classe et le magnétisme ».
George Michael, c’était un physique consensuel, caractérisé par des traits harmonieux et proportionnés sur un visage qui a longtemps semblé comme taillé à la serpe, avant que le poids des années ne s’invite et rende vaine la quête de perfection, longtemps assouvie au demeurant. Au brushing impeccable et décoloré des débuts a succédé une coiffure plus indémodable, assortie d’une barbe de trois jours, d’une boucle d’oreille en forme de croix catholique et de lunettes Aviator, panoplie redoutable sur un corps musculeux et hâlé qui a fait chavirer des dizaines de milliers de midinettes et la communauté gay dans sa globalité.
Le passage aux années 1990 n’aura pas été, sur ce plan, synonyme de descente aux enfers pour le sex symbol londonien, plus sobre, plus poilu et inévitablement plus grisonnant au fil du temps, mais qui aura toujours mis un point d’honneur à soigner son apparence, à tout le moins lorsqu’il devait apparaître en public. Entre cuir et costume-cravate, George Michael avait, quoi qu’il en soit, une certaine constance dans la classe et le magnétisme.
Sa voix, elle, restera une valeur très sûre, et peut-être même ce qui se faisait de mieux dans le genre. Magnifiant compos branchées, ballades et autres hommages, entre sonorités soul et funk, elle a enchanté, ensorcelé, transcendé un répertoire très large, à même de satisfaire aussi bien les habitués d’une boîte du Bronx (Monkey) que la ménagère en mal d’aigus (One more try), en passant par les amateurs du combo cigare-whisky (Cowboy and angels) et les adeptes d’ébats sur fond de lumière tamisée (Careless whisper).
Une voix puissante, irradiante, parfois cristalline, capable de se marier avec celles d’Aretha Franklin, d’Elton John et de Luciano Pavarotti sans que les puristes puissent s’en offusquer.
George Michael, une icône increvable
Après l’ébouriffant succès de Wham !, duo comète qui a enfilé les tubes comme des perles, éphémère machine à succès dans l’Angleterre thatchérienne et l’Amérique reaganienne qui devait devenir ensuite rien de moins que le premier groupe occidental à se produire en Chine, George Michael s’est lancé avec succès dans une carrière solo brillante avec un premier album, Faith, qui demeure une référence des 80’s.
Véritable pendant féminin de Madonna à l’époque, ce qui donne une idée de l’impact de sa disparition sur le grand public, l’interprète d’I want your sex a terminé cette décennie nanti du statut de superstar. Un statut qu’il a su conserver dans les années 1990, quand tant d’autres échouaient à franchir le cap, empêtrés qu’ils étaient dans un registre new wave brutalement devenu le summum du kitsch.
« Omniprésent dans ses chansons, le sexe et la relation complexe que l’artiste a entretenu avec lui auront en tout cas tenu une place prépondérante dans sa trop courte vie ».
Les Freedom et autres Too Funky portaient encore la patte d’un musicien adulé des fashionistas et ami des top models. Le décès de son premier grand amour, Anselmo Feleppa, emporté par le SIDA, lui a ensuite coupé les ailes. Incapable de composer pendant un an et demi, il lui a néanmoins rendu hommage dans un single poignant, Jesus to a child, l’un des grands opus de l’album Older, sorti en mai 1996 et qui a brillé lui aussi par sa polyvalence.
Deux ans plus tard, un attentat à la pudeur commis à Los Angeles obligeait le chanteur en perte de repères à faire son coming out, révélation tardive à laquelle il se refusait tant que sa mère était en vie, à une époque où l’homosexualité était de toute évidence plus tabou et, de fait, plus difficile à assumer qu’aujourd’hui. Omniprésent dans ses chansons, le sexe et la relation complexe que l’artiste a entretenu avec lui auront en tout cas tenu une place prépondérante dans sa trop courte vie.
Couvert de gloire, longtemps adulé, George Michael s’est fait plus discret au fil des années, mais a réussi à conserver cette respectabilité inhérente aux grands artistes toujours bankables qui ne vieillissent jamais vraiment. Les derniers clichés pris de son vivant ont beau le montrer en surpoids, il en aurait fallu bien davantage pour écorner l’image de ce talent brut, certes tourmenté et en proie à des addictions condamnables et préjudiciables, mais que l’imaginaire collectif percevra toujours comme un inébranlable beau gosse.
L’intemporalité, physique et musicale, une jolie victoire pour ce chanteur immense, philanthrope indiscutable, mais qui, comme tant d’autres stars planétaires, a souvent semblé courir en vain après le bonheur personnel.