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La ballade de Buster Scruggs est un western d’anthologie en six volets mettant en scène les légendes du Far West. Chaque chapitre est consacré à une histoire différente de l’Ouest américain. (Disponible sur Netflix depuis le 18 novembre 2018).

Lorsqu’on termine le dernier chapitre de La Ballade de Buster Scruggs, on peut légitimement regretter que ce film ne fut pas décliné, comme initialement annoncé, en une série développant les 6 histoires, tant on aimerait avoir une suite lorsque tombe le générique….

Six coups donc, six sketchs de durée variable, mais bel et bien un seul genre à l’horizon de ce tour de Far West : le style Joel et Ethan Coen. Tout le cinéma des deux frères se voit illustré dans le film. Tantôt surréaliste et touchant, tragique mais comique, enjoué ou glaçant, on se promène pendant plus de deux heures au détour des méandres de leur cinéma. Et quel plus magnifique écrin que le western, vieille diligence du septième art et terrain de jeu de prédilection des frères, pour raconter la vie de ces burlesques personnages.

« Et plus que jamais dans ce film, son imprévisibilité. Elle rôde partout, tout le temps, surgit par inadvertance. »

Dans The Ballad of Buster Scruggs, Les Coen remontent habilement sur la selle. Ils n’ont rien perdu de cette aisance à enchaîner les figures de style les unes à la suite des autres, cassant le ton général du film ou son rythme comme peu savent le faire, sans perdre une once de cohérence. La mort, sa condition, ses prémices et ses conséquences attirent toujours autant le regard des deux réalisateurs. Et plus que jamais dans ce film, son imprévisibilité. Elle rôde partout, tout le temps, surgit par inadvertance. La vie ne tenant à rien, une rencontre hasardeuse ou une défaveur de l’existence clouera illico presto la 4ème planche de votre cercueil, sans demander son reste. Pour peu bien sûr, que vous ne soyez pas avant lourdement lesté vers le fond d’une rivière… Après tout, nous apprenions il y a quelques années dans No Country for Old Men (2007) que le salut dépendait uniquement d’un jeu de pile ou face…

Le Far West des légendes

Si les cadavres se ramassent à la pelle, l’humour désamorce les coups de feux et les prises de scalps. Même dans les scènes les plus sombres, celle d’une potence où un supplicié attend son heure à celle d’une fatale ironie d’un destin précipitamment basculé, Joel et Ethan Coen ne s’interdisent jamais une ultime pirouette en guise de vanne. L’absurdité de l’existence, omniprésente, chapeaute leur réalisation comme un joug inéluctable clôture toujours le chemin des personnages.

L’imaginaire du western, de John Ford à Sergio Leone étant solidement charpenté, les réalisateurs utilisent à merveille les codes établis par leurs illustres pères pour tracer le récit. Le cadre est d’un classicisme absolu. Tellement réjouissant pour notre nostalgie de cinéphile de retrouver ce Grand Ouest familier ! Et à chaque plan ou scène, filtre la lumière mythique de l’influence des immenses cinéastes, le film en est beau à se damner… Exception faite dans cette construction conventionnelle pour l’image et la photographie. L’habituel grain est absent car le film fut tourné en numérique et non pas en pellicule, langage autrefois de rigueur pour raconter le western. On y perd sans doute en cachet argentique ce qu’on y gagne en chatoyance.

The Ballad of Buster Scruggs, s’il prospecte au Far West des légendes, territoire depuis longtemps balisé, égraine pages après pages du livre fictif dont il est issu une suite réjouissante de contes de cow-boys et d’indiens. Six petits segments, insignifiants en soi , devenus grandioses par l’écho que leurs donnent les deux réalisateurs. Des tableaux, pittoresques clichés (dans les deux sens du termes), dont l’enivrement ressenti devant un tel cinéma, lui, ne risque pas de mordre la poussière…

Stetson bas, Messieurs Coen !

Rémi Champagne

Rémi Champagne

Né quelque part en Belgique. Culturellement nécessiteux et sournoisement incrédule devant les soubresauts du monde. Avec le rock'n'roll et le foot dans le rétro, toujours.

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