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Le Monde selon Victor Hugo, signé Michel Winock et paru aux éditions Tallandier, permet d’appréhender non seulement l’oeuvre, mais aussi la personnalité et l’imaginaire du colosse des lettres françaises.

Michel Winock est un historien, peut-être le plus grand, avec Alain Corbin. Et c’est en tant qu’historien qu’il s’est plongé dans la geste du père de Quasimodo. Biographe de Flaubert mais surtout fin analyste de la « fièvre hexagonale », Winock fait revivre Hugo à travers tous ses revirements idéologiques, ses amours multiples, ses innombrables contradictions et, surtout, son génie littéraire. Comme Pierre Albouy, auteur de La Création mythologique chez Victor Hugo, Michel Winock s’attarde sur la figure – essentielle – du monstre chez Hugo afin de mieux le comprendre.

« La vérité ne sort pas de la norme, mais de l’écart, du marginal, de l’ex-centrique ».

Dans son chapitre « L’imaginaire monstrueux », il reprend Baudelaire : « L’excessif, l’immense, sont le domaine naturel de Victor Hugo ; il s’y meut comme dans son atmosphère natale. Le génie qu’il a de tout temps déployé dans la peinture de toute la monstruosité qui enveloppe l’homme est vraiment prodigieux ». Chez Hugo, le monstre surgit des profondeurs comme l’hydre des Travailleurs de la mer, ou bien a figure humaine comme l’enfant défiguré de L’Homme qui rit. Il préfigure avant tout le peuple, celui qui est mis à l’écart. Le rebus est constitutif de la poétique de Victor Hugo. Winock le note justement : « La vérité ne sort pas de la norme, mais de l’écart, du marginal, de l’ex-centrique ».

Poétique et politique chez Victor Hugo

« Solitaire, solidaire », écrivait-il d’ailleurs. La solitude, toujours conséquence d’un lent processus mélodramatique de mise au ban, est avant tout une préoccupation politique chez Hugo. De ce souci découle sa poétique romantique : le curieux, le bizarre, le difforme, tout a une place dans le monde où le sublime côtoie le grotesque. Winock retrace son itinéraire politique avec justesse : de la monarchie jusqu’au culte napoléonien (avant tout adoration détournée de ce père qui a quitté le foyer bien trop tôt) et son amour de la République, jusqu’à en devenir le grand-père symbolique.

« Le songe est une porte d’entrée privilégiée pour accéder à l’immensité de l’univers et demeurer en communion avec ce peuple qu’il a toujours aimé. »

L’auteur insiste également sur l’attrait hugolien pour l’au-delà et l’invisible, qui se trouve décuplé depuis la disparition de sa fille Léopoldine en 1843 à Villequier. L’exercice de la contemplation – comprise comme dilatation de la conscience qui permet au singulier d’accéder à l’universel – traverse ses vers comme sa prose, tout comme son questionnement sur le fini et l’infini. Dans son esprit, tout est lié. Le songe est une porte d’entrée privilégiée pour accéder à l’immensité de l’univers et demeurer en communion avec ce peuple qu’il a toujours aimé. Son idéalisme et son mysticisme ont d’ailleurs prêté le flanc à la critique. Mais Victor Hugo assume. Il écrit d’ailleurs à Lamartine, comme un message adressé à la postérité : « Oui, autant qu’il est permis à l’homme de vouloir, je veux détruire la fatalité humaine ; je condamne l’esclavage, je traite la maladie, j’éclaire la nuit, je hais la haine. Voilà ce que je suis ».

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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