Dave Gahan et ses trois acolytes ont livré une prestation à l’image de leur oeuvre samedi soir au Stade de France : exceptionnelle.
Trente-quatre ans de carrière. Pas encore des dinosaures, mais une institution. Destinée à promouvoir leur album éponyme (le treizième), très bien accueilli par la critique tout comme l’écrasante majorité des opus de ces intouchables de la pop, « Delta Machine Tour » est un bijou de tournée. Leur première depuis trois ans. Pas de doute : « DM » l’a travaillée dur et la plus grande arène de France s’est régalée.
Le quatuor quinquagénaire, qui a atteint la maturité artistique il y a déjà belle lurette, a déroulé, alternant titres-phares (dans l’ordre Black Celebration, Walking in my shoes, Policy of truth, A question of time, Enjoy the Silence, Personal Jesus et Never let me down again) et nouvelles chansons (Heaven, Sooth my soul, Welcome to my world) durant un show magistral de deux heures magnifié par forces images et clips à la fois innovants et saisissants. La voix rauque et incroyablement assurée de Dave Gahan, bête de scène devant l’éternel, n’est pas loin de ce qui se fait de mieux dans le genre depuis trois décennies.
D’une rare pureté, celle de Martin Gore a quelque chose d’ensorcelant (dommage toutefois qu’il n’ait pas interprété Shake the disease, un véritable joyau. Manquaient aussi à l’appel les très réussis Wrong et Peace). Tous deux ont tombé la veste à l’entame de Policy of Truth, premier temps fort d’un concert qui n’en a pas manqué, y compris du point de vue visuel avec notamment les images saccadées en noir et blanc d’un Gahan débordant d’énergie.
Le Stade de France en feu
Depeche Mode a en outre réussi le tour de force de « dékitschiser » son premier grand succès Just can’t get enough, largement revisité et sublimé par un batteur lui aussi stupéfiant de justesse et de vivacité d’un bout à l’autre. Il y a eu le feu à Saint-Denis, une enceinte difficile à dompter, qui ne demandait qu’à s’embraser et qui a en a eu pour son argent avec un somptueux rappel à cinq titres, véritable trait d’union entre new wave et rock actuel, condensé d’une carrière empreinte de punch, de sonorités électroniques souvent avant-gardistes et intemporelles, de riffs bien sentis, mais aussi de réels moments de grâce.
La maîtrise d’Andrew Fletcher au synthétiseur, au diapason de ses partenaires et qui mérite donc lui aussi un hommage appuyé, y est également pour beaucoup dans la constance au plus haut niveau du groupe britannique, lequel a vendu plus de cent millions d’albums et effectuera trente-quatre dates dans vingt-cinq pays.
Après un creux au milieu des années 1990, le Phénix Depeche Mode a su renaître de ses cendres. Il n’a peut-être jamais été aussi vivant.
Guillaume DUHAMEL