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L’auteur de 99 Francs signe Un Barrage contre l’Atlantique (toujours chez Grasset). Un roman plus intimiste que les autres, traversé tant par ses questions existentielles habituelles que par des considérations nouvelles, comme sur l’écologie.

Je n’ai aucune objectivité concernant Frédéric Beigbeder. Aucune. Les quelques lecteurs de mon livre le savent : après la fascination adolescente, vînt la profonde estime littéraire mêlée d’attraction -répulsion, avant de devenir, aujourd’hui, une tendresse assumée, revendiquée ainsi qu’une admiration sincère.

Un Barrage contre l’Atlantique est d’autant plus remarquable qu’il est le prolongement de L’Egoïste romantique (et non pas seulement d’Un Roman français) : le questionnement sur la figure du père se double d’une réflexion sur le fils (qui ne veut pas grandir) devenu père à son tour, chargé de ses névroses, de ses manques, de ses souvenirs : « Le divorce ne change rien à la condition des enfants, toujours passagers de la banquette arrière ; c’est juste le conducteur qui change ».

« L’époque des slows, des amours libres, des voitures qui roulent vite, des fêtes insouciantes. L’inverse, en somme, de notre siècle obsédé par les confinements, les pudeurs moralisantes et la tyrannie du masque. »

L’adolescence est ainsi le thème central du dernier ouvrage de Beigbeder. La jeunesse et la nostalgie d’un temps de liberté que les ex enfants des eighties (comme moi) ne pouvaient déjà plus connaître, et que les millenials ne liront plus tard que dans les livres d’histoire. L’époque des slows, des amours libres, des voitures qui roulent vite, des fêtes insouciantes. L’inverse, en somme, de notre siècle obsédé par les confinements, les pudeurs moralisantes et la tyrannie du masque. En grand écrivain qu’il est, Beigbeder rapporte la césure des générations avec maestria : les boomers ont bien vécu, il est maintenant l’heure pour les enfants de payer la note.

Ubi sunt ?

Un Barrage contre l’Atlantique est un roman traversé par le topos du ubi sunt ? L’auteur se demande où sont non pas les neiges d’antan, mais ses amis, ses espérances, ses amours. « Je serai le Sim des discothèques », déclare-t-il, comme un pied de nez au jeune insolent qui écumait les clubs parisiens. Parce que Frédéric Beigbeder a choisi de vivre près de la mer, sur la terre de ses racines, à Guéthary et, chose encore plus étonnante encore, d’écouler des jours paisibles avec femme et enfants.

Il s’assume aussi ronchon, ne veut pas des touristes sur son territoire et veut préserver les paysages de son enfance. Le roman, composé de phrases séparées les unes des autres en paragraphes isolés, mime le va-et-vient des vagues sur la rive. C’est un « livre-océan », pour reprendre une expression hugolienne, sauf qu’il ne s’agit pas d’un exilé persécuté par Napoléon III mais d’un ancien proscrit du VIP Room venu goûter la paix des jours heureux.

Je ne serai donc jamais objectif concernant Frédéric Beigbeder. J’ai besoin qu’il m’explique le monde dans lequel je vis (même si je le comprends encore moins après l’avoir lu). Je pleure en le lisant, je ris, je corne des pages, je recopie des phrases. Le romantique n’est plus égoïste, mais est encore plus caustique alors même que ses écrits gagnent en tendresse. Il reste l’homme de tous les paradoxes, et, peut-être, l’écrivain de notre siècle.

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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