La chronique hebdomadaire de Christophe Bérurier, professeur de français en ZEP.
Lundi
Rien à signaler.
Mardi
La première version du nombre d’heures dont nous disposerons l’année prochaine est affichée en salle des professeurs. Certaines équipes pédagogiques cessent de s’ignorer pour tenter de trouver une solution aux heures qui disparaissent.
Pour la première fois depuis le début de l’année, un collègue de français me parle pour me dire autre chose que bonjour. Il me demande si je suis prêt à faire plus d’heures hebdomadaires ou non.
Dictée avec une classe de cinquième.
En passant dans les rangs je remarque que faire les liaisons dessert les élèves plutôt qu’autre chose : La phrase « les lances volent en éclats » se retrouve plusieurs fois écrite « les lances vole-t’en- éclats. ». J’aurai beau insister sur la relecture, les accords entre sujet et verbe n’évolueront pas d’une lettre.
Jeudi
En rendant des rédactions à une classe de troisième, je dois leur expliquer pourquoi je ne veux pas lire de propos homophobes dans les copies, pourquoi l’on ne peut pas être contre l’homosexualité. Ils sont choqués par cette idée. Je leur montre qu’en effet ce qu’ils connaissent de l’homosexualité c’est ce qu’ils en voient à la télévision et sur Internet. Ils finiront par reconnaître leur méconnaissance. Certains vont même jusqu’à remettre en question certains préjugés quant à la sensibilité exacerbée des hommes attirés par d’autres hommes. Pas besoin d’évoquer la notion de genre. Parler et faire réfléchir.
Une élève de troisième vient me poser une question par rapport à son orientation. Elle a redoublé sa troisième pour pouvoir faire une meilleure année et ainsi entrer dans l’école de pâtisserie de son choix.
Elle veut savoir si elle doit aller voir la conseillère d’orientation, cette dernière souhaitant recevoir tous les élèves sûrs de leur envie d’aller en section professionnelle. Je lui réponds qu’elle n’aura le temps que de « tester » sa motivation par des questions pièges.
— Mais Monsieur, si je dis que je sais ce que je veux, c’est que j’y ai réfléchi et que je suis sûre de moi… ça sert à rien si c’est pour nous décourager…
Je n’ai répondu que cette phrase, l’encourageant à poursuivre dans sa voie : « Tu viens de trouver la réponse à ta question, si c’est pour vous décourager, cela ne sert à rien. »
L’intelligence et la motivation de cette jeune fille font plaisir à voir.
Vendredi
Une heure d’expression écrite avec mon autre classe de troisième.
Les élèves doivent écrire une lettre ouverte pour critiquer et dénoncer un thème qui les révolte. L’homophobie, le racisme, les conditions de vie des SDF sont les thèmes qui reviennent. À la sonnerie de fin de séance, les élèves se dépêchent de finir. Certains se réunissent dans un coin de la classe pour lire leur rédaction aux autres. Une jeune fille est tellement fière de son travail qu’elle appelle même l’une de ses amies qui passaient dans le couloir pour lui lire sa production. Il faudrait songer à insérer le critère « plaisir pris » dans le barème de notation.
Je pense alors à Roland Barthes, qui a écrit Le Plaisir du Texte.