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Si les critiques de la pensée unique dans les médias deviennent de plus en plus fréquentes, peu s’interrogent sur les sources de cette uniformisation intellectuelle. Pour Julien de Rubempré, il s’agit avant tout de l’enseignement et plus particulièrement de celui des écoles de journalisme.

De Jean-Luc Mélenchon à Nicolas Sarkozy en 2012, en passant par François Bayrou en 2007, les politiques ont pris pour habitude de dénoncer la partialité des journalistes. Ces derniers, par corporatisme, ne font qu’avancer leur prétendue liberté bafouée sur l’autel de la sacro-sainte « liberté de la presse » sans se demander pourquoi, jusque dans la société civile, les gens n’ont de cesse de les critiquer et n’achètent plus de journaux. Sans verser dans la paranoïa version « Jour de colère », il convient toutefois de questionner cette défiance à l’égard de ce métier de moins en moins accessible et de plus en plus déconnecté d’une réalité qu’ils ne parviennent plus à déformer, tant le citoyen, ultra-connecté et sur-informé, sait à présent faire la part des choses entre information et mise en scène.

Les coulisses de la société spectaculaire

Dans son ouvrage La Société du spectacle, Guy Debord écrit que « Le spectacle réunit le séparé, mais il le réunit en tant que séparé ». En d’autres termes et nous le constatons chaque jour sur les ondes ou dans la lucarne, la préservation de la dissociation entre la réalité du quotidien et la mise en scène journalistique est une nécessité médiatique à laquelle se soumet chaque journaliste. L’actualité devient, comme sur les chaînes d’information, un feuilleton qui doit avoir son coup de théâtre à midi, son dénouement en fin de soirée : elle est spectaculaire. La moindre contestation sociale devient une occasion inespérée de jouer à l’Albert Londres de pacotilles en assurant duplex et interview sous des balles en plastique.

De surcroît, cette mise en scène est entretenue par les acteurs eux-mêmes de l’actualité : hommes politiques, artistes, institutions. Les écoles de journalisme (qui dispensent dans la plupart des cas également des formations d’attaché de presse) n’enseignent à leurs étudiants qu’à enquêter suite à des communiqués ou à répondre aux sollicitations des communicants. Ils ne sont plus à l’origine d’un sujet mais de simples courroies de transmission pour assurer une promotion : ils deviennent des agents du tout-culturel interchangeables qui ânonnent la même information et posent des questions aux mêmes personnes. 

Journalisme : Noblesse du métier et métier de la noblesse 

Ignorants du monde ouvrier, déconnectés des quartiers sensibles et incapables de penser hors des sentiers libéraux et libertaires, ils ne font que pérenniser un système de pensée partial. 

Cette fabrique de la pensée dominante revêt par ailleurs un aspect sociologique déterminant. Depuis environ quinze ans, les écoles de journalisme et de communication ont fleuri partout en France : les élèves issus des sciences politiques, de lettres ou d’histoire, trop capables de contextualiser et d’avoir des références, ne sont plus les bienvenus pour mettre en scène l’actualité de manière immédiate et positive.

Les frais d’inscription (souvent entre 3000 et 10 000 euros) écartent de fait des concours tout un prolétariat étudiant de la profession. La sélection se fait d’abord par le capital familial, ensuite sur les quelques compétences du candidat. Par conséquent, une reproduction des élites s’effectue et la pensée majoritaire des familles d’origine de ces futurs détenteurs d’une carte de presse se perpétue dans la machine médiatique. Ignorants du monde ouvrier, déconnectés des quartiers sensibles et incapables de penser hors des sentiers libéraux et libertaires, ils ne font que pérenniser un système de pensée partial. 

Il est coutume de décrire le journalisme comme un métier noble. Certes, il l’est, parfois. Mais plus lorsqu’il est réservé à une aristocratie qui met en scène une réalité pour mieux asseoir sa domination sur le peuple.

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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