Partagez sur "« Merci pour ce moment » : Valérie Trierweiler et l’impudeur médiatique"
Je ne sais par où commencer ce billet d’humeur. Depuis hier, nous n’entendons parler que du livre de Madame Trierweiler. Tous les écrivains, en cette rentrée littéraire, s’effacent pour laisser place à une ex-première dame qui ne le fut jamais réellement. Et je ne sais pas quelle est la cause de cette colère sourde qui a envahi mon esprit depuis deux jours. Je n’ai pas lu ce livre, je ne le lirai pas, car je ne lis guère ce genre de brouillon habituellement.
Les média nous ont d’abord abreuvés d’extraits savamment distillés par des communicants formés dans quelque école où l’on entre si l’on possède une fortune personnelle et d’où l’on sort plein aux as. Et les journalistes de commenter sans fin ces extraits, les uns y voyant une attaque politique, les autres, la basse vengeance d’une femme blessée. Cessez tout cela. Débarrassez-vous de ce livre. On n’en peut plus de cette politique où la vie privée des dirigeants l’emporte sur la vie elle-même. On n’en peut plus de ces éditeurs rapaces prêts à tout pour s’enrichir de quelques centaines de milliers d’euros. On n’en peut plus de ces stratégies médiatiques visant à soulever une opinion qui ne se rend même plus compte qu’elle est manipulée. La liberté d’expression devient un mal lorsqu’elle est ainsi bafouée par tout un peuple qui pense que les réseaux sociaux sont une tribune d’où l’on peut proclamer n’importe quoi.
Pourquoi étaler aussi impudiquement ses sentiments ? Ce livre, par son titre, et sûrement aussi par son contenu, est une injure à toute forme d’écriture. Quand on a été blessé dans son amour-propre, quand on a été trompé et sali, quand on est un citoyen comme les autres, ni plus ni moins, on ne convoque pas une assemblée médiatique pour exposer ses bonnes actions et montrer que l’on reste digne, mais on agit, simplement. Quand on veut régler ses comptes avec la personne responsable de nos maux, on les règle dans la sphère privée. Nous n’avons pas à savoir comment agit Monsieur Hollande dans l’intimité. Nous n’avons pas à savoir ce qu’il dit ou ce qu’il fait.
Valérie Trierweiler, François Hollande et la question de l’intime
Nous n’avons pas à savoir ce qu’il pense du peuple français qu’il dirige. Peu importe qu’il ait une forme de mépris, pourvu qu’il ne le montre pas et qu’il n’agisse pas en conséquence. Monsieur Hollande est le Président de tous les Français lorsqu’il prend une décision politique, économique ou sociale et libre à nous de juger ces décisions maladroites ou inappropriées. Mais notre capacité de jugement, parfois bien imparfaite, s’arrête là.
J’ose espérer que Madame Trierweiler a publié cet ouvrage pour des questions d’argent. Si ce n’est que cela, donnons-lui son dû. Si elle a voulu se mêler de politique, condamnons-la. Car on ne peut permettre que l’honneur de Monsieur Hollande soit ainsi sali et livré en pâture à notre jugement immédiat et lacunaire.
Au XVIIIe siècle, Voltaire, pour éviter la censure et les séjours à la Bastille, faisait imprimer ses œuvres à Amsterdam, alors terre de liberté. Madame Trierweiler a fait imprimer son livre dans le plus grand secret en Allemagne. Voltaire, par ses écrits, voulait réveiller l’esprit français. Madame Trierweiler, par sa maladresse feinte et son manque évident de talent (que signifie ce titre !) ne fait qu’enterrer davantage les lambeaux d’un esprit en ruine. Il fut un temps où, lorsque l’on prenait la plume, on s’exprimait au nom de la volonté générale et pour la défense de l’Homme. Aujourd’hui il semble que l’on ne parle plus qu’en son intérêt propre : c’est là que la censure prend tout son sens.