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Au lendemain de la défaite du Bayern en demi-finale de la ligue des champions face au Real Madrid, tout le monde s’interroge : et si le jeu prôné par Josep Guardiola était – déjà – obsolète ? Le système, alliant football total et successions de passes, avait placé le FC Barcelone sur le toit de l’Europe et désormais parmi les équipes de légende. Peut-être vit-il aujourd’hui son chant du cygne.

Quand en 2008 Josep Guardiola est nommé entraîneur du club, ce dernier est en récession. Après une première révolution instaurée par son prédécesseur Franck Rijkaard qui verra le club renouer avec la victoire en ligue des champions face à Arsenal en 2006, le président Joan Laporta nomme Guardiola à la tête du club afin de raviver le maillot Blaugrana alors en demi-teinte. Exit les artisans du succès, Ronaldinho et Déco en tête, et place à la seconde révolution.

En observateur de la première épopée glorieuse le nouvel entraîneur va s’appuyer sur ce qui a fait le succès du club. Mais pas seulement. S’il est l’héritier d’une entreprise mise en place quelques années plus tôt, le tacticien catalan remet au goût du jour ce qui avait fait la gloire du club : le football total développé naguère par Rinus Michels à l’Ajax d’Amsterdam et repris plus tard par Johan Cruyff au sein du club de la péninsule combiné à un contrôle permanent du ballon et à une assise défensive des plus stable. Dès la première année le club fait un triplé historique, l’entraîneur est porté aux nues et son jeu devient un exemple à suivre.

Guardiola, le Staline du ballon rond

Les esprits catalans alors endoctrinés, la révolution barcelonaise atteint son apogée en 2010 lors du sextuplé historique.

Tel l’avènement du communisme russe en 1917, la révolution mise en place par Guardiola s’appuie sur celle précédemment amorcée en 1905, symbolisée par Franck Rijkaard. Dès lors la formation espagnole pratique les préceptes soviets. Les joueurs sont désormais de simples artisans qui unissent leurs outils de production afin d’accéder à un idéal synonyme de victoire sous le commandement d’un dictateur dont il sacralise chaque parole. A l’image de Staline, Guardiola reprend le discours de ses théoriciens et de ceux qui ont combattu à ses cotés, Rinus « Marx » Michels et Johan « Lénine » Cruyff. Pep est donc le nouvel homme fort, le détenteur de tous les pouvoirs. Ce dernier est autoritaire : le personnage applique une véritable discipline de fer sur ses hommes, contrôlant même leur régime alimentaire. Peu importe, les succès sont là et l’engouement des travailleurs pour son meneur est total. Tous regardent dans la même direction. La propagande du jeu catalan s’appuie sur l’ouvrier Messi, considéré comme l’exemple à suivre. En véritable Stakhanov du football il n’hésite pas à redoubler d’effort au service du collectif. Derrière lui les ouvriers besogneux Iniesta, Xavi, Busquets ou encore Victor Valdes travaillent dans l’ombre à la réussite du club. Les esprits catalans alors endoctrinés, la révolution barcelonaise atteint son apogée en 2010 lors du sextuplé historique. Le monde du football loue les exploits de ces hommes et de son entraîneur. Un véritable culte de la personnalité s’organise autour de ce dernier.

Si le communisme du ballon rond s’exporte sur tous les continents, il prend fin seulement après deux années de règne sans partage. L’abbaye de Thélème qu’est devenu le FC Barcelone est rattrapée par le réel.

L’effacement de l’individu, funeste utopie

Le Barça va connaître le même sort que ses aïeux rouges. Des mutineries voient le jour dans le vestiaire remettant en cause le pouvoir central au nom d’un individualisme jusque-là contenu.

L’Histoire du FC Barcelone est profondément rattachée à celle de sa région, la Catalogne, et de son passé historique. Elle fut durant la guerre d’Espagne le dernier symbole de la république à être tombé sous la dictature franquiste. Dans son ouvrage Hommage à la Catalogne, l’écrivain Georges Orwell relate son engagement comme soldat durant ces affrontements. Mais loin d’en rester au panégyrique socialiste, l’auteur va dès 1936 décrire les luttes intestines de pouvoir entre socialistes et communistes. La volonté de puissance dépasse alors celle de vaincre. Dès lors, le Barça va connaître le même sort que ses aïeux rouges. Des mutineries voient le jour dans le vestiaire remettant en cause le pouvoir central au nom d’un individualisme jusque-là contenu. La direction du club, véritable Politburo blaugrana, va lui aussi être le lieu de toutes les convoitises et l’enjeu d’une rivalité grandissante entre son président Joan Laporta et son ancien vice-président Sandro Rossell.

L’autorité bat de l’aile, les troupes sont démotivées et la victoire du groupe n’est plus la priorité. La révolution touche alors à sa fin et Josep Guardiola quitte le club. Les luttes de pouvoir et le sentiment d’un futur désormais indépassable ont eu raison de ce Barça. Le rêve aura duré quatre ans, quatre ans d’une victoire sans partage, d’une empreinte marquée à tout jamais dans l’histoire du foot.

Si l’Histoire se répète, ce modèle n’est pas mort. A l’instar du communisme, il demeure dans tous les esprits comme un idéal à atteindre, une utopie footballistique. La révolution instaurée au FC Barcelone est susceptible de renaître pourvu que l’on retrouve des acteurs aussi idéalistes.

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Andrés Rib

Ancien de la Sorbonne. Professeur de Lettres. Aime le Balto, et la Philo.

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