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Dans moins d’une semaine, le nouvel opus de Michael Bay déferlera sur nos écrans. Mais le monde – la Chine pour ne citer qu’elle – n’a pas attendu les Français pour goûter ce film, ou plutôt se goinfrer d’une succession d’effets spéciaux tous plus impressionnants les uns que les autres. A l’occasion de la sortie de ce maelström cinématographique, penchons-nous sur les enjeux économiques qu’il soulève.

Quel est donc le point commun entre Transformers 4, X-Men Days of Future Past, Edge of Tomorrow, à part bien sûr leur bannière étoilée ? Tous ont été d’immenses succès en Chine. Ainsi, Transformers 4 est devenu le plus gros succès commercial de l’histoire du pays, devant Avatar, moins d’une semaine après sa sortie. Le pays se situe quasiment à égalité en terme de recettes devant les États-Unis pour son premier week-end d’exploitation. Du jamais vu. Par ailleurs, pour tous les films évoqués, la Chine caracole très largement en tête par rapport au reste du monde. Une échappée digne des jours de gloire du Tour de France.

La Chine, un marché comme les autres

Ainsi, la Chine est devenue le premier marché du cinéma dans le monde. Avec tout ce que cela implique dans les choix artistiques.

Le film en lui-même n’a plus rien d’extraordinaire. Si la première mouture pouvait être acceptable, car novatrice, celle-ci n’est tout au plus qu’une suite de scènes sans cohérence. Cependant, elle contient une longue scène de combat et d’explosions, qui se déroule à Hong Kong. Ce n’est pas un hasard. On retrouve aussi une actrice chinoise bien connue du public autochtone, Li Bingbing. Tous les ingrédients semblaient donc réunis pour produire le succès populaire au sein de ce pays continent.

Il faut bien voir que la orientation est déjà ancienne : Pacific Rim, de Guillermo Del Toro, le Peter Jackson Latino, s’il n’avait pas rencontré le succès attendu aux États-Unis, compensait ce relatif échec avec un triomphe commercial en Chine. Là encore, les robots géants, dont un conçu en Chine, une actrice et une esthétique asiatique avaient fait le reste. Grâce au peuple mandarin, un second film est dans les tiroirs chez Legendary Pictures.

Ainsi, la Chine est devenue le premier marché du cinéma dans le monde. Avec tout ce que cela implique dans les choix artistiques. C’est aussi le résultat d’une nouvelle classe moyenne qui a faim d’images, mais qui semble-t-il, n’a aucun goût. L’Amérique a depuis quelques années pris conscience de l’escroquerie intellectuelle que constitue cette franchise, avec des scènes identiques réutilisées dans le même film à une demi-heure d’intervalle ou un scénario sans grande logique. En revanche, les Chinois restent, semble-t-il, émerveillés par le déferlement technique du magicien Bay.

Ce n’est pas très subtil, mais ça marche. Dans la même veine, on se souvient du partenariat entre le film Iron Man 3 et le conglomérat électronique TCL (une sorte de Samsung chinois) pour un placement de produit. TCL n’en était pas à son coup d’essai : Transformers 2 avait été utilisé comme medium publicitaire pour ses équipements. Ainsi, l’Amérique est en quelque sorte devenue l’instrument de l’économie chinoise, qui finance une partie de plus en plus importante de la production outre-Atlantique, sans pour autant que le public en profite.

Une série de questions demeure : tous les films américains à gros budgets seront-ils estampillés « made in china » pour plaire au public chinois ? Est-ce que les bonnes vieilles comédies américaines, portées par des Bill Murray ou Jim Carrey au siècle dernier et plus récemment les Seann William Scott, et autre Paul Rudd, vont disparaître au profit des bruits assourdissants, des plans en contre plongée et des images de synthèse ?

Pour une Chine qui s’ouvre au monde par le grand écran

En clair, ils n’ont le droit qu’aux locomotives sans âme, devenues les vaches à lait du cinéma mondial.

Pas tout à fait, en tout cas pas pour nos amis chinois. Car ces films ne sortent tout simplement pas dans le pays. La faute à une censure omniprésente et, quoiqu’on dise de cette mondialisation, une identité culturelle bien différenciée du pays de l’oncle Sam. La Chine n’est pas le Japon, ni la Corée du Sud, loin de là. Le pêché d’arrogance n’est jamais bien loin : penser que ce qui est bon pour moi est bon pour le reste de l’humanité. L’humour potache amerloque ne plaît pas vraiment au chinois. C’est surtout le cas pour les comédies purement « américaines ». En revanche, les films d’actions au plus petit dénominateur commun sont assurés de remporter la mise : l’équation action, explosion, robots géants, jolie fille garantira le succès au box-office. Une formule mainte fois éprouvée.

Au final, cela se retourne contre nos semblables de l’Empire du Milieu. Ils n’ont pas le droit à ce que l’Amérique peut produire de mieux, les films à petits budgets, les comédies aigres-douces. Ainsi, les Jarmusch, les Jonze n’ont pas droit de cité. La dernière production de celui-ci, Her, avec la douce voix de Scarlett Johansson, n’a pas bénéficié d’une sortie en Chine alors qu’une grande partie du film s’est tournée à Shanghai, en raison de l’aspect moderne, voire futuriste de la ville. Un comble.

En clair, ils n’ont le droit qu’aux locomotives sans âme, devenues les vaches à lait du cinéma mondial. Peut-être faudra-t-il patienter pour que les goûts de celles-ci évoluent vers des films plus sophistiqués, un peu moins faciles d’accès, permettant ainsi un équilibre entre blockbusters et films intimistes, comme c’est souvent le cas en France. On peut aussi voir cette tendance comme la revanche des Américains sur ce pays à la croissance insolente, cette nation qui ne fait pas de sentiment dans la compétition économique internationale, notamment avec les pays en développement. Avez-vous déjà vue une ONG chinoise en Afrique ? En revanche, les chantiers dirigés par des contremaîtres au teint citronné, faisant travailler une multitude d’ouvriers à la peau d’ébène, sont légions.

Appliquée au cinéma, cette méthode commence à porter ses fruits. Espérons que cela bénéficie, sur le long terme, à l’industrie dans son ensemble, et pas seulement à un seul et unique genre.

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Rémi Loriov

Rémi Loriov est un homme libre qui s'intéresse à tout. On dit souvent à son propos : "personne ne sait ce qu'il fait, mais il le fait très bien." Il aime les histoires.

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