Partagez sur "Chroniques Kényanes ou l’Odyssée d’un Noir en Afrique – Vol. 4"
Le Sir Rémi, prenant son courage à deux mains, affronte cette semaine le temps, changeant, et les préjugés, immuables, à l’endroit du peuple Franc.
Semaine du 7 au 11 juillet
Lundi
Journée de travail.
Le midi, je me rends à ma cantine, le Java Café, une sorte de Starbucks local où l’on peut aussi déguster de bons plats, du Burger aux Quesadillas. Comme à mon habitude, je flirte avec la serveuse, qui m’a déjà servi la semaine dernière. Nous discutons de tout et de rien. Les sourires s’échangent, les éclats de voix virevoltent. Celle-ci me demande de quel pays je viens, tente un « Are you from Brazil ? ». Je réponds par la négative. Avec tout l’aplomb d’un Horace Bianchon, « Mais non Mademoiselle, je suis Français ». Après un temps de réflexion, elle me répond que nous sommes connus pour notre racisme latent et notre arrogance, toujours avec le sourire. J’essaie de rattraper la situation en évoquant la variété du cheptel national. Mettant les mains dans le cambouis, je tente de défendre du mieux que je peux mon pays.
Peu de temps après, mes Quesadillas arrivent, accompagnées d’un « Voilà ! » enthousiaste. Je crois, qu’après tout, j’ai été assez convaincant.
Mardi
Je décide d’aller chez le coiffeur.
Je demande comme à l’accoutumée, à mon gardien, l’homme qui sait. Après quelques apostrophes bien senties dans ma rue, il me dirige vers un jeune homme. Je m’enfonce dans une impasse, après avoir monté deux étages d’une petite bâtisse, je me retrouve dans un salon de coiffure. Un écran diffuse une rediffusion de Friends : Rachel semble très agitée. Pour le reste, l’homme est appliqué. Tout est fait à la tondeuse. A l’issue de la coupe, après m’avoir rincé les cheveux, la jeune femme qui a pris sa place me propose même un massage. Interloqué, je décline l’offre. Coût de l’opération : 4 euros.
Mercredi
Récupération de la voiture de mon boss. Il s’agit d’une location. On nous a indiqué le chemin la veille, une « rough road » nous dit-on. On ne nous avait pas menti. Une sorte de grand huit artisanal, ça bouge, ça tangue. Nous y allons en taxi. Imaginez une 406, avec plus de 190 000 km au compteur, sur un chemin de terre, nids de poule, et tout le toutim. Une sorte de Dakar du pauvre. Bref, nous arrivons à bon port, et miracle, on nous surclasse la location, on se retrouve ainsi au volant d’un 4×4 Toyota, nous dominons le monde de l’autoroute.
Au Kenya, l’ascenseur social passe aussi par une grosse voiture.
Jeudi
Il commence à faire maussade. Je suis vraiment déçu. On m’avait vendu le Kenya chaud, ensoleillé, lunettes de soleil et parasol. Il n’en est rien. Le soir venu, la pluie a redoublé d’intensité. Sur la route, nous croisons un bus arrêté, le moteur tourne. Le chauffeur est descendu pour essuyer son pare-brise détrempé. Je me rends compte de l’utilité des essuie-glaces, qui manquaient cruellement sur ce véhicule.
Vendredi
Il pleut toujours. Les chemins de terre faisant office de trottoirs de fortune se changent en magma boueux. En passant en taxi, nous éclaboussons un passant aux vastes proportions, qui ne se gêne pas pour nous cracher dessus. Certes. Mais nous sommes déjà loin.
Et puis, ça ne changera pas grand-chose au taux d’humidité.