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Arnaud Le Guern publie Une Jeunesse en fuite, aux éditions du Rocher. Un roman d’une grande tendresse traversé par le souvenir mélancolique du père.

A l’occasion d’un retour estival chez ses parents, le narrateur se remémore sa jeunesse, marquée par les films, les premières sitcoms et les livres qui ont forgé sa vie affective et spirituelle. Il retisse également le lien affectif avec son père, ancien médecin militaire envoyé au Moyen-Orient lors de la Guerre du Golfe, dont les souvenirs sont ravivés par la lecture des lettres échangées alors qu’il était déployé sur un théâtre d’opérations. La lecture des échanges épistolaires mettent à jour une correspondance à plus d’un titre : les mots du père, d’abord, et les échos du passé qui refont surface. Les films de Roger Vadim, les premières copines en maillot de bain sur la plage, les cigarettes, les chansons des Guns et la voix de Guillaume Durand dans le poste de télévision. Si l’auteur évoque au détour de son récit les « seventies giscardiennes », il s’agit bien d’un sanglot joyeux en songeant aux nineties mitterrandiennes puis chiraquiennes.

« Une Jeunesse en fuite résonne comme le long poème des dernières illusions que le second millénaire dissipera. »

Les phrases – souvent ciselées, sèches – dessinent le reflet d’une époque et plongent souvent le lecteur dans le doute : la jeunesse est-elle par essence douce et légère, ou bien celle des années 90, c’est-à-dire d’avant la crise économique, le terrorisme ou la désespérance sociale, constitue-t-elle la dernière génération, insouciante bien que frivole,  attachante bien que superficielle ? Nous aurions tendance à pencher pour la deuxième solution. Une Jeunesse en fuite résonne comme le long poème des dernières illusions que le second millénaire dissipera.

Une ode à la légèreté de nos quinze ans

Tantôt lyrique, il confie : « Chérie l’écume et le vent de la fin de la terre. Découvre des écrivains qui forgent le caractère et un style. Perds-toi dans les volutes, autorisées ou interdites. Vacille en buvant premiers et derniers verres. Ne te pose pas la question des lendemains », comme une imprécation adressée à la deuxième lost generation qui arrive à l’âge d’homme. L’atmosphère rappelle Blondin, Sagan et Bernard Frank. Il renvoie également à Frédéric Beigbeder pour la propension à  réfléchir sur les grands enjeux du monde contemporain en s’attardant sur le léger et l’anodin (donc l’essentiel).

Le narrateur parvient finalement, comme dans Le Temps retrouvé, à trouver le sens de sa vie dans la lecture, puis l’écriture : « Dans la famille, j’ai la place de l’écrivain. Identique à celle du mort, en voiture. Gare aux sorties de route ». Les mots tracés par le père en Irak deviennent ceux du fils. Par le truchement littéraire, ils se métamorphosent en maillons romanesques. Grâce aux mots paternels, l’œuvre prend vie. C’est peut-être ce que le roman a de plus bouleversant.

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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