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Édouard Philippe a annoncé la fin du projet de construction d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-Des-Landes. La situation de la Z.A.D. peut être observée sous un autre angle.

La décision prise par le Premier ministre clôt cinquante ans de manque de courage politique. Qu’elle soit en faveur, ou comme c’est le cas, à l’encontre du transfert de l’aéroport déjà existant, cette forte volonté politique doit être reconnue, acceptée et suivie par l’ensemble de la population. La France a parlé à travers la voix d’Édouard Philippe. Depuis 2009, après le camp Climat,  le territoire concerné par le projet est devenu l’une des Zones À Défendre de France. Les opposants de tous horizons qui le pouvaient ont répondu à l’appel lancé par les locaux résistant au projet.  Un bref tour d’horizon montre  à quoi ressemble la ZAD en 2018.  Il s’agit d’un lieu où vivent entre 200 et 300 personnes selon les sources. Les Zadistes sont souvent jeunes, engagés dans des actions ou des modes de pensée altermondialistes et surtout porteurs de projets réels pour l’évolution de nos manières de vivre vers une plus grande sobriété. La ZAD est une fourmilière d’idées, d’expérimentations, d’essais pour mettre en œuvre un changement véritable de notre société. 

Une tour de contrôle rayonne comme un phare illuminant autant de nouvelles alternatives, une bibliothèque où les livres sortent et reviennent, l’accueil de toutes bonnes volontés prêtes à participer aux actions, un « non-marché » où la production locale est vendue à prix libre, un hangar dit de l’avenir, construit avec près d’une centaine de charpentiers bénévoles et qui abrite l’atelier des constructions en bois, les nombreuses exploitations agricoles, poursuivies ou débutées sur la zone, toutes ces réalisations sont autant de bouteilles à la mer, lancées, pour montrer qu’une autre manière de vivre est possible.

« Ce qui a été fait sur la ZAD est une belle action, réunissant des centaines de personnes, prêtes à vivre dans le respect de la maison commune : le respect de l’être humain et  le respect de l’environnement ».

Le gouvernement a donc abandonné le projet d’aéroport supplémentaire, et  rendra leurs terres aux agriculteurs qui le souhaitent. Les occupations des sites par les zadistes ne sont pas légales et devront cesser au printemps  2018. Cependant, plutôt que de promettre  des expulsions dirigées par les forces de l’ordre, le gouvernement ferait mieux d’observer de plus près les forces de création et l’énergie qui se sont mises en œuvre à Notre-Dame-des-Landes.  Ce qui a été fait sur la ZAD est une belle action, réunissant des centaines de personnes, prêtes à vivre dans le respect de la maison commune : le respect de l’être humain et de l’environnement. Le refus de la construction d’un nouvel aéroport là où les champs, la biodiversité et le calme sont une réalité correspond bien au refus d’un monde qui est en train d’aller plus vite que la musique. Quel est l’intérêt de densifier encore le trafic aérien de Nantes alors que les ressources en pétrole s’amenuisent et que les distances demeurent ? Édouard Philippe et Emmanuel Macron n’ont rien à voir avec l’alter-mondialisme. Mais leur décision met en avant les réalisations des nombreux êtres humains qui ont apporté leurs forces sur la ZAD.

De Pierre Rabhi au pape François

Les polémiques autour de la question de Notre-Dame-des-Landes ont cristallisé toutes les parties depuis plusieurs années. La consultation qui fait pschitt où n’ont pas pu participer tous les habitants concernés par la question de l’aéroport, les expropriations, la destruction volontaire d’un patrimoine écologique, la volonté de densifier, toujours plus, le trafic aérien ont accentué les oppositions. À Nantes, les autocollants « OUI » et « NON » se font la guerre via pare-chocs interposés. Les zadistes l’ont bien compris. Ce n’est pas à coup d’autocollants sur des voitures (à essence) que ce combat irait vers la victoire mais plutôt au prix d’un travail réel de réflexions et de créations. Ce qui a été fait.

Pierre Rahbi : « Dans la nature, le lion ne prélève pas au delà de ce qui lui est nécessaire. Il n’a pas d’entrepôt ni de banque d’antilopes »

Sans entrer dans une analyse des penseurs altermondialistes de la décroissance, il semble que les réalisations menées sur la ZAD répondent à une convergence entre des modes de pensées qui a priori s’opposent. La lecture des livres de Pierre Rabhi peuvent nous aider à comprendre ce qui a eu lieu sur le territoire de Notre-Dame-des-Landes. Dans ses essais, il prône un retour à la normale, tant au niveau de la consommation que de la production. Cette « sobriété heureuse » est à l’image des habitants de la zone : la volonté d’un monde plus lent, plus calme, où l’homme vit dans la solidarité réelle et le partage, où l’environnement est pris comme une réalité à respecter et non comme un outil pour prospérer. Rabhi exprime souvent la comparaison suivante : « Dans la nature, le lion ne prélève pas au delà de ce qui lui est nécessaire. Il n’a pas d’entrepôt ni de banque d’antilopes ». Ainsi, l’aéroport de Nantes-Atlantique et la volonté de le transférer pour pouvoir s’agrandir toujours plus est un petit homme qui amasse, quand les zadistes sont les lions ne prélevant que ce dont ils ont besoin.  

Le pape François : « Toute approche écologique doit incorporer une perspective sociale qui prenne en compte les droits fondamentaux des plus défavorisés »

Dans son encyclique sur l’écologie intégrale, le Pape François a évoqué des réalités qui se rapprochent profondément des actions menées sur la ZAD. Selon le locataire du Vatican, le dérèglement climatique ne peut se résoudre qu’avec une prise en compte totale : « Toute approche écologique doit incorporer une perspective sociale qui prenne en compte les droits fondamentaux des plus défavorisés » (Loué Sois-Tu, 2015). François décrit une écologie où tout serait lié : de la justice sociale au respect de l’environnement comme du bien commun. Cette comparaison entre les gestes zadistes et l’encyclique du pape où le rejet de l’avortement est assumé va hérisser plus d’une dreadlock. Il n’empêche. Le pape, en remettant de la spiritualité dans la nature et donc dans l’homme, rejoint les perspectives altermondialistes :  « La culture écologique ne peut pas se réduire à une série de réponses urgentes et partielles aux problèmes qui sont en train d’apparaître par rapport à la dégradation de l’environnement, à l’épuisement des réserves naturelles et à la pollution. Elle devrait être un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l’avancée du paradigme technocratique ».  (op.cit. p. 65)

La ZAD de Notre-Dame-des-Landes permet une mise en oeuvre d’un possible style de vie, et d’une forme de spiritualité.

Cette citation nous permet de faire le lien intégral : Pierre Rabhi et ceux qui le suivent permettent le regard différent, le programme éducatif, notamment dans l’école du Hameau des Buis ou celle des Amanins, et par son travail de conférencier. La ZAD de Notre-Dame-des-Landes permet une mise en œuvre d’un style de vie alternatif, et d’une forme de spiritualité. Le gouvernement devrait s’intéresser de plus près aux réalisations des habitants de la zone à défendre, mais aussi aux agriculteurs locaux qui peuvent parfois faire un usage trop intensif de glyphotruc. Contrairement à ce que disent les déçus, les zadistes ne sont pas des ultras violents. C’est en nous  intéressant à leur production que la France changera car la société civile – c’est aussi cette zone à défendre – n’attend pas le pouvoir politique pour agir et pour mettre envisager de nouvelles alternatives.

La preuve.

Merci la ZAD.

 

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Christophe Berurier

Christophe Berurier est professeur. Il aime les mots et le vélo.

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