Depuis novembre 2017, Metz a ouvert un nouveau temple de la consommation dénommé Muse situé en face du Centre Pompidou dans le nouveau quartier de l’Amphithéâtre.
Avec ses 115 boutiques et restaurants, ce nouveau lieu de shopping et de loisirs représente un espace immense de 37 000 m2 à arpenter.
Mais fort heureusement Muse porte bien son nom ! En effet la direction de ce centre a voulu aussi se singulariser en ouvrant son site à la création… la proximité du Centre Pompidou y est certainement pour quelque chose ?
Ainsi Muse offre à voir des créations originales de nature digitale comme la bibliothèque des arts. Mais aussi une collection d’oeuvres d’art réalisés comme un mobile monumental (Polyèdre bleu) de Julio Le Parc, un nuancier de couleurs (Cascade et pirouettes polychromatiques) créé par Lionel Estève, les totems de Chourouk Hriech et enfin les fresques aériennes et murales de Romain Froquet !
Or, s’agissant justement de ce dernier artiste, j’ai eu la chance d’avoir pu le rencontrer dans son atelier en 2016 et d’écrire sur lui.
Déjà à l’époque, le travail de ce jeune créateur ne m’avait pas laissé indifférent car je me souviens encore avoir été intrigué par ses représentations et son langage pictural très gestuel.
En quelques mots, on pourrait caractériser son art en le rattachant au courant de l’abstraction contemporaine inspiré par une vision à la fois géométrique et organique.
Il est vrai que les formes arrondies, allongées et alvéolaires qui envahissent la plupart de ses œuvres font penser autant à de pures formes géométriques qu’a des formes naturelles (arbres feuillus ou bouquets de fleurs…).
Les formes cristallines
Plus précisément, on peut découvrir dans son art des racines plus profondes dans le voisinage de l’Art Nouveau et du symbolisme, celui-ci se singularisant en particulier avec ses cercles de couleurs abstraites.
Pour citer un artiste en particulier, il me paraît assez proche d’un Kupka qui développa une variante du cubisme avec ses formes cristallines.
Selon ce peintre du début du vingtième siècle, l’œuvre d’art est « une réalité abstraite qui doit être constituée d’éléments inventés. Sa signification concrète résulte de la combinaison d’archétypes morphologiques et de conditions architectoniques propres à son organisme. »
D’où une prédilection appuyée pour les formes cristallines, formes géométriques qui se structurent ensemble comme les différentes faces d’un même objet. A l’évidence, on retrouve chez Romain Froquet le même interêt.
La dynamique du mouvement
Mais ce qui domine chez Romain Froquet c’est surtout et avant tout le mouvement.
On le découvre notamment dans les deux fresques du centre commercial Muse, là assurément le jeune artiste développe de façon remarquable une dynamique du mouvement.
Bien entendu la force du mouvement reste maîtrisée de manière significative sur le plan formel.
Avec Romain Froquet, la charge émotionnelle incorporée à l’œuvre reste toujours contenue et cadrée.
Même si on assiste à une certaine violence des formes, on est encore très loin de la folie destructrice !
La première fresque devant la boutique Boulanger
La deuxième fresque entre les boutiques Kaporal et Darjeeling
Peut-être s’agit-il tout simplement d’une forme de vitalisme proche des futuristes italiens ?
Severini, l’un des représentants de ce mouvement, était toujours en recherche de la simultanéité de la représentation de plusieurs aspects du sujet; celui-ci n’étant jamais en état d’immobilité mais toujours pris dans un tourbillonnement.
Heureusement l’artiste italien savait maîtriser ce trop plein d’énergie par son sens de la poésie et de l’intériorité.
Comme Romain Froquet qui sait lui aussi atténuer l’intensité et la violence du mouvement par ce qu’on peut appeler le lyrisme!
Le lyrisme
L’artiste joue effectivement le sens de son écriture selon une stratégie qui peut s’apparenter à la réalisation d’une composition musicale, à la recherche d’une harmonie.
Une lecture où la forme se désincarnerait pour fleurir en rythme vital comme ici dans cette nouvelle oeuvre (voir ci-dessus).
On découvre notamment un rouge éclatant qui se réfugie derrière des lignes fermes et puissantes.
Malgré la violence exercée par l’épaisseur de la ligne, celle-ci semble atténuée par les frises en arêtes, ces sortes d’entrelacs qui hérissent le trait comme pour réduire son agressivité.
Une écriture intérieure qui nous permet d’aller à la découverte de nous-même. L’artiste semble également stopper le temps par des collages de journaux issus d’une époque révolue.
Un exercice poétique qui paraît très en en phase avec la Recherche du Temps Perdu ?
La fulgurance de l’encre
Souvent aussi, l’artiste se libère de la peinture et de la fresque en utilisant l’encre sur papier.
Il veut se dégager, semble-t-il, du poids et de la lenteur de la peinture. Celle-ci freinant et endiguant parfois son imaginaire!
En revanche l’encre donne de la voix et fonde une méthode tout en rapidité et en finesse.
Recherchant la fluidité, l’artiste s’abandonne alors à la respiration de la ligne. La fulgurance donne le ton avec cette apparente facilité du trait.
Le résultat est surprenant, l’artiste a l’air de voler de ses propres ailes dans l’espace !
Comme pour cette fresque au plafond, pourtant réalisée à l’acrylique, la souplesse du trait conduit en fait à restituer le côté aérien de l’œuvre.
Le pinceau errant de ce peintre qui dialogue avec l’éternité d’en-haut, voilà toute la fulgurance de son art qui s’exprime !
Christian Schmitt
www.espacetrevisse.com
Site web de l’artiste
www.romainfroquet.com