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Plus d’un mois après la sortie du film Bohemian Rhapsody, retour sur la discographie du groupe Queen, de l’expression de son immense talent à partir de 1973 à sa fin prématurée. Et ce, dès 1980.

Entre 1973, date de sortie de leur premier opus, et 1978, Queen s’enorgueillissait sur toutes leur pochettes d’albums de ne pas avoir recours aux synthétiseurs, de bannir l’électronique dans leurs compositions. Point de son créé de toute pièce, l’origine de leur musique était alors cent pour cent certifié conforme aux canons du rock. Pour autant à l’époque, leurs morceaux tranchent avec les habituelles lignes de guitare accompagnant un modèle couplets-refrains dont seuls quelques groupes et notamment Led Zeppelin, première source d’inspiration du groupe, se départiront. Leurs morceaux virent tantôt au baroque, à l’opéra, ou encore à la marche funèbre. Les membres de Queen aimaient à triturer leurs bandes, parsemaient ça et là leurs morceaux de sons incongrus et les remixaient comme le fit jadis Georges Martin (producteur des Beatles) notamment sur Sergent Pepper, aujourd’hui considérée comme un oeuvre faisant date en matière de post-production. 

« La révolution passe désormais par des titres plus courts et par un instrumentalisation plus classique. »

La sortie de l’album The Game en 1980 marque un tournant dans la discographie du groupe, tournant dont on note déjà les prémices en 1977, avec la parution de News of the world, considéré comme le dernier album de la période classique. Pourtant, si les synthétiseurs ne sont pas encore utilisés, le son se modernise et des titres comme We will Rock you et We are the Champions, qui figurent aujourd’hui parmi les plus célèbres, soulignent une évolution vers un aspect plus rock et plus simpliste dans leur composition. La révolution passe désormais par des titres plus courts et par un instrumentalisation plus classique.

Queen et la fin du rock progressif

Avec The Game, Queen se modernise donc. Freddy Mercury arborera désormais une moustache et la célèbre mention « No synths ! » ne figure plus sur le livret. L’album s’ouvre sur un Play the game et Queen décide dès lors d’utiliser un synthétiseur, le Oberheim OB-X, et de « jouer le jeu ». Le groupe « simplifie » la production de ses morceaux au profit d’une efficacité qui la rendra célèbre. les différentes chansons se veulent tour à tour boogie avec Dragon Attack ou funk à l’image d’Another One Bites the Dust et sa célèbre ligne de basse inspirée d’un morceau du groupe Chic.

« Leur discographie future est révélatrice de ce basculement néo-libéral et leur écriture évolue alors vers un style plus en phase avec leur époque et de fait plus vendeuse, mais bien moins brillante. »

Queen se sépare de son image de groupe de rock progressif qui lui valut un an plus tôt d’être considéré comme un groupe fasciste car rétif aux changements. L’album The Game, novateur dans sa approche et sa conception fera taire les critiques mais marquera un tournant esthétique dont le groupe ne se remettra pas. Leur discographie future est révélatrice de ce basculement néo-libéral et leur écriture évolue alors vers un style plus en phase avec leur époque et de fait plus vendeuse, mais bien moins brillante. La période romantique du groupe meurt et de ses cendres jaillit un mouvement porté par l’électronique, mais l’exaltation des sentiments se brise sur la froideur mécanique des instruments synthétiques.

Pour autant, Queen ne s’y trompe pas, The Game reste à ce jour le seul album qui terminera en tête du hit parade américain, et la suite de leur carrière sera marquée par un grand nombre de tubes. 

Les fans de la première heure admirent volontiers les albums précédents. Freddy Mercury et Brian May jouissaient alors d’une plus grande liberté musicale et leurs partitions mélangeaient alors le rock, l’opéra et même le japonais (Teo Torriatte (Let us Cling Together)) ! En 1970 la sortie de leur premier album passe quelque peu inaperçue. Alors rythmé par un son glam typique de l’époque et par des paroles issues tantôt du folklore à l’image de Great king rat ou My fairy king, ou de la religion comme sur Jesus, Queen se cherche encore quelque peu. 

Le lyrisme de la composition

Le deuxième album sera celui de la révélation. Le son de Queen demeure Glam rock mais le groupe prend ses distances avec ceux qu’il imitait dans le précédent opus. L’ombre de Led Zeppelin se dissipe et l’écriture de Freddy Mercury se personnifie dans autant de morceaux que de chefs-d’oeuvre, à l’instar de March of the black Queen, considéré aujourd’hui comme un précurseur du futur Bohemian Rhapsody  et qui pourtant le surpasse de loin, White Queen (As It Began), ou encore The Fairy Feller’s Master-Stroke et  Some Day One Day, ce dernier morceau aux sonorités de guitare folk, que le groupe sous la plume de Brian May, réutilisera dans leurs albums suivants.

S’en suivront A Night at the Opera puis A Day at the Races, incontestablement les deux meilleurs albums du groupe. Freddy Mercury et ses acolytes n’hésitent pas à user de tous les sons possibles, de les réarranger afin de dénoncer les malversations de leur ancien manager Norman Sheffield en usant de propos orduriers dans Death on Two Legs (Dedicated to…), de laisser Roger Taylor clamer son amour parodique pour sa voiture sur I’m in Love with My Car ou encore de donner à entendre la plus belle déclaration d’amour jamais écrite, You Take My Breath Away. 

« Après 1980 ? Le groupe s’essaiera, non sans peine, à la musique de Night Club avec la sortie de leur neuvième album « Hot Space », assurément le pire album du quatuor. »

Si les pochettes de ces deux albums sont un hommage au film des Marx Brothers, Elles symbolisent tour à tour le lyrisme et l’intelligence de leur composition. L’album Jazz marquera la fin d’une époque classique insufflée par les précédents albums. 

Après 1980 ? Le groupe s’essaiera, non sans peine, à la musique de Night Club avec la sortie de leur neuvième album Hot Space, assurément le pire album du quatuor. Puis sortiront les albums The Works, A kind of Magic, Miracle, des machines à tubes mélangeant des sonorités pop rock sans relief mais dont les titres The MiracleMachines (or « Back to Humans ») et Is This the World We Created…? tirent leur épingle du jeu.

Les deux derniers albums sonnent le glas du groupe, et le morceau éponyme issu de l’album Innuendo renvoient aux premiers opus de Queen de par sa durée et le mélange des genres. Un double chant du cygne qui annonce la fin du groupe par la mort prochaine du chanteur dans The Show Must Go On et un clin d’oeil au passé révolu, dont la fin fut programmée un 30 juin 1980, le jour de la sortie de The Game.

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Andrés Rib

Ancien de la Sorbonne. Professeur de Lettres. Aime le Balto, et la Philo.

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