share on:

Rester sur ses gardes. Observer davantage les personnes qui gravitent autour de soi. Avoir peur. Psychoter. Tenter de relativiser. De trouver des motifs d’espoir. De faire comme si.

 Se souvenir. Charlie Hebdo. Hyper Casher. Nous sommes Charlie. Encore…

Être en colère. Se dire, pour une partie de la jeunesse francilienne voire française à tout le moins, que cela aurait pu être soi. Que n’importe qui, coupable d’être citoyen de France, peut être visé désormais. Prendre véritablement conscience des choses. Le croire. En douter.

Savoir qu’il y aura un avant et un après. Redouter que le cher pays de notre enfance soit maintenant en guerre. En guerre pour longtemps. Que Paris sera de nouveau visée et peut-être d’autres villes françaises après elle.

Tenter de relativiser. Être heureux de vivre. Se remémorer la COP21. Stresser.

Se dire que les tâches à accomplir sont immenses et nombreuses. Regarder BFM TV. ITélé aussi. Surfer plus que d’ordinaire sur les sites d’information. Approfondir. Trembler à la lecture des nouveaux éléments de l’enquête. Avoir la larme à l’œil devant les vidéos amateur du drame. Solliciter Google plus que de raison. Chercher. Se renseigner. Essayer de comprendre, sans bien sûr excuser. Ne surtout pas pardonner.

Refaire la France. Défaire la France. Refaire le monde. Défaire le monde. En vouloir à « W », à l’origine de tous les maux. En vouloir à Barack Obama et à l’Occident dans son ensemble. Se dire que non, définitivement, exporter à des populations qui n’en veulent pas forcément son modèle de démocratie et ses valeurs à coups de bombes, pour des motifs économiques inavoués, n’est pas la bonne méthode. En arriver à la conclusion qu’on a tort de se mêler des affaires des autres, et tout particulièrement au Proche-Orient.

Maudire le Qatar et l’Arabie Saoudite, Etats richissimes à qui la France fait des ronds de jambe pour cette seule raison. En vouloir à notre gouvernement, qui ferme les yeux sur les violations répétées des Droits de l’Homme dans le royaume saoudien. Commerce. Cynisme. Realpolitik. Dégoût.

S’interroger à chaque retentissement de sirène. Maudire Daesh. Se documenter davantage sur ce monstre. Sur sa stratégie. Sur son idéologie. Constater qu’il ne vise plus des cibles symboliques, qu’avec ces attentats de masse il s’est « al-qaïdaiser ». Maudire le Qatar et l’Arabie Saoudite, Etats richissimes à qui la France fait des ronds de jambe pour cette seule raison. En vouloir à notre gouvernement, qui ferme les yeux sur les violations répétées des Droits de l’Homme dans le royaume saoudien. Commerce. Cynisme. Realpolitik. Dégoût.

Estimer que l’instauration de l’état d’urgence ne souffre aucun débat. Penser que ce déploiement policier et militaire, pour impressionnant qu’il soit, ne suffit pas à sécuriser l’ensemble du territoire. Se promener près des Grands Boulevards et constater que les trottoirs environnants sont quasiment déserts. S’inquiéter des repercussions économiques de la tragédie.

Vouloir embrasser et enlacer son copain ou sa copine plus que d’ordinaire. Vouloir faire l’amour. Faire l’amour. Avoir besoin de retrouver ses potes. Apprécier davantage les choses simples.

Constater que cela fait déjà une semaine. Qu’il a été bien difficile de travailler. Observer un regain de civisme. Des gens qui tiennent plus volontiers la porte, qui disent davantage « pardon » lorsqu’ils nous heurtent dans les couloirs du métro. Ne pas douter que cette embellie dérisoire, mais appréciable par les temps qui courent, ne durera pas bien longtemps.

Savoir que la vie continue, mais redouter que la France devienne, toutes choses égales par ailleurs, Israël ou le Liban. Craindre de croiser un kamikaze, un fou d’Allah. Mourir. Vivre. Se fier à son instinct. S’employer à ne pas monter dans le même wagon ou à rester sur le même trottoir que quelqu’un dont le visage ne nous revient pas.

Être optimiste, mais écouter Manuel Valls évoquer le risque d’une attaque chimique voire bactériologique. Se dire qu’il sait sans doute de quoi il parle. Se dire que non, il ne faudrait tout de même pas exagérer. Être pessimiste. Subodorer d’autres attentats, mais croire en l’éradication finale de Daesh étant donné tout ce qui lui tombe dessus.

Se rappeler Palmyre, la haine de la culture et la haine de la musique.

Être optimiste, tout en étant persuadé que la terreur qui s’est installée fait les affaires de Marine Le Pen. Avoir très peur que, se sentant rejetés, tous les musulmans finissent par devenir comme eux. Ne pas se l’avouer. Avoir très peur que des terroristes se soient mêlés aux migrants. Ne pas se l’avouer. Marcher plus vite que de coutume dans le métro. Craindre l’effervescence des gares, des aéroports et des centres commerciaux. Se dire que ce n’est pas une vie. Rire et discuter d’autres choses en soirée. Y penser encore.

Être optimiste, constater que des mesures radicales ont été prises, mais qu’il faut faire face à d’ultra-radicaux qui n’ont rien à perdre et sont donc prêts à tout.

Être optimiste. Penser que l’Homme sait reconstruire. Se rappeler Palmyre, la haine de la culture et la haine de la musique.

Prendre les transports. Ne pas s’attarder dans le métro. Se dire que ce n’est pas une vie, encore. Redouter que la RATP et Air France soient des repaires de fichés « S ».

Manquer encore de recul. Ne pas être capable de se situer. Savoir que la vie doit continuer, que nous ne pouvons tout contrôler, que nous avons un destin, mais tenter tout de même de se protéger. Eviter les grands magasins, mais ne pas abandonner pour autant nos cafés chéris. Se méfier davantage de certains, mais continuer de vouloir aimer son prochain. Se dire que l’amour, la culture et la fête doivent et vont bien finir par triompher. Se dire que l’Etat islamique n’est pas assez fort pour changer le monde. Pour changer notre monde imparfait. Se dire que tous les musulmans ne sont pas des terroristes, mais s’interroger sur les dérives de l’islam. Être vindicatif. S’en vouloir.

Avoir peur, être tenté de quitter la ville, mais trop l’aimer. Avoir peur, s’énerver, être irritable, mais aimer les siens encore plus fort. Avoir peur, avoir plus de mal à trouver le sommeil, y penser souvent, sinon tout le temps. Avoir peur, penser à ceux qui sont morts, victimes innocentes de cette barbarie, et rebasculer dans un mélange de colère et de tristesse infinies.

C’est un éternel recommencement. C’est indescriptible. C’est ce que vivent nombre de Parisiens ordinaires.

Guillaume Duhamel

Guillaume Duhamel

Guillaume Duhamel

Journaliste financier originellement spécialisé dans le sport et l'écologie. Féru de politique, de géopolitique, de balle jaune et de ballon rond. Info plutôt qu'intox et intérêt marqué pour l'investigation, bien qu'elle soit en voie de disparition.

Laisser un message