Vendredi 13 novembre. Sommes-nous capables de réfléchir, sans tomber dans le Pathos ? Si on s’aventure dans ces contrées, on observe que ce qui s’est passé à Saint-Denis est tout sauf surprenant.
La Place de la République est devenue la Mecque des bons sentiments, on pleure ensemble à défaut de réfléchir. Le cirque Pinder est au centre de Paris, et les fidèles affluent de tous bords. Les journalistes en ont pour leur argent, les tentes sont installées depuis une semaine et les caméras ne savent plus où donner de la tête. On a même sorti les pianos.
Une tragédie à l’heure de la digitalisation des sentiments. On veut encore une fois faire parler de soi. Entre les Free hugs hallal, les couples franco-syriens qui s’exposent sur le net, et autres pirouettes politico sirupeuses, la coupe a débordé depuis bien longtemps.
La Place de la République est devenue la Mecque des bons sentiments, on pleure ensemble à défaut de réfléchir.
Même nos politiques ont été rattrapés par l’ »émotion », on est à présent dans l’amateurisme discret. Les mesures s’enchaînent sans discontinuer. On n’a rien fait ou presque depuis janvier 2015 et la tuerie de Charlie Hebdo, soit 10 mois, une éternité en politique. Mais notre Président décide, après deux jours d’intenses réflexions, d’envoyer dix chasseurs Rafales bombarder l’Etat Islamique. Depuis une semaine, des centaines de perquisitions dans toute la France ont lieu, des armes de guerre sont retrouvées, et on commence tout juste à saisir l’ampleur du travail à accomplir.
Saint-Denis et la France
Saint-Denis : patronyme assez cocasse quand on connait la ville. Pour y avoir séjourné un certain temps, je peux dire que les valeurs de la France, chères à notre Premier Ministre, y sont depuis longtemps devenues pour le moins marginales.
Ainsi, en visant le Bataclan et ses alentours, les terroristes ont frappé un lieu, un quartier, qui pour eux semblait symboliser la France dans ce qu’elle avait de plus détestable – terrasse de café, salle de concert, rock’n’roll – et ont trouvé refuge dans une ville qui se place, effectivement, à l’opposé de ces symboles.
L’interview de la jeune voisine qui avait suscité la polémique est ici intéressante en terme de symbole. Cette femme, déjà voilée au demeurant, souhaite garder l’anonymat, ce qui est compréhensible au vu des événements. Elle choisit de se cacher le visage avec une partie de ce voile.
Il n’en fallait pas plus pour déclencher la fureur d’Internet. Les gens s’étonnent de ce comportement. Cependant, pour qui connait cette ville, cela est tout sauf anormal. Simplement, lorsqu’un étranger choisit de s’établir en France, il y a une phase d’altérité consubstantielle à l’installation dans un pays qui n’est pas le sien. Allochtone, on s’intègre à un mode de vie différent de son pays d’origine, on fait un compromis, qui se traduira par une nouvelle famille, un nouvel entourage, un nouveau cercle d’amis. Français pour la plupart, comme cela a pu être le cas dans le quartier visé. Etrangers, Français Blancs, d’origine immigrée, cohabitent dans une certaine harmonie.
Les modes de vie dans cette ville ont, depuis des années, cessé d’avoir comme référence culturelle le pays d’accueil : la France.
Or, si, étranger, on arrive en France, et plus particulièrement à Saint-Denis, cette altérité devient caduque. Au sens où elle n’existe pas. Ou n’est plus. Les modes de vie, commerces, dans cette ville ont, depuis des années, cessé d’avoir comme référence culturelle le pays d’accueil : la France. Là se situe peut-être le problème essentiel. On est dans un cas similaire pour des jeunes nés en France, qui, croisant plus de femmes en niqab qu’en jean/basket, considèrent cette situation comme banale, acceptable. Cela devient leur référence. La mixité n’existe plus, puisqu’il n’y subsiste qu’une seule vision de la société, halal en somme.
Quand le politique n’exige plus rien des citoyens
C’est assez tragique, notamment pour cette frange de Dionysiens croyant dans le potentiel d’une ville bien desservie par les transports en commun, proche de Paris, avec un immobilier assez bon marché, et qui, avec les derniers événements, le restera durablement. Mais le fossé qui s’est creusé semble trop vaste. Il a rendu le terrain propice à ce refuge.
A Saint-Denis, les différentes politiques menées n’ont fait que plier devant les particularismes et revendications identitaires. Les politiques n’exigent plus rien, et ces particularismes s’engouffrent dans la brèche. Malheureusement, une partie de l’islam a été la plus proactive à ce sujet. Cette complaisance de la mairie face à ces éléments fait penser au jeune qui, se faisant racketté, ne prend aucune mesure et continue de donner son goûter, sans mot dire, à ses assaillants. En 2004, la loi contre le port des signes religieux à l’école avait permis la loi contre le port de la burqa, qui n’est guère appliquée en Seine Saint-Denis, ou à Saint-Denis même et les autres particularismes plus culturels que religieux. Car la culture a remplacé le culte. Comme si un morceau de tissu avait une influence positive sur la piété. Dieu s’attacherait-il à la manière dont la femme s’habille ? Soyons sérieux. Il faut se promener sur la rue piétonne de la République pour en prendre conscience : cette fameuse « République » n’y est plus qu’un lointain souvenir.
La culture a remplacé le culte.
Aujourd’hui, le pire est peut-être que, pour certains, ce qui s’est passé à Saint-Denis, serait « de la faute de la France ». Pourquoi haïssent-ils à ce point la France ? Une question à laquelle il est encore aujourd’hui difficile de répondre.
Une partie de la jeunesse préfère s’en tenir à cette consolation. Il y a deux tendances. D’une part, dans de nombreux cas, on fait de nécessité vertu ou plutôt de lâcheté vertu puisqu’on se complait dans un fatalisme social menant à la radicalisation. D’autre part, malgré une jeunesse et une éducation somme toute normales, le jeune individu se radicalise dans un enchaînement assez complexe, mêlant mosquée, entourage, réseaux sociaux, constituant aujourd’hui un maillon essentiel dans le recrutement de Djihadistes, famille, quartier. Ne tombons pas dans le mépris de classe. Plus que de savoir si la politique étrangère de la France a provoqué ces attentats, il s’agirait plutôt de revoir en profondeur la notion de sécurité et notre système de lutte antiterroriste dans notre pays.
On peut retrouver l’unité, encore faut-il arrêter de trouver des excuses à certains comportements, qui, de manière relative et absolue, ne sont pas acceptables. Ce serait d’ailleurs insulter ceux qui, sans faire de vague, s’en sortent. Les balbutiements du gouvernement ne suffiront pas.