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Ce jeune artiste ne cesse de nous étonner par son exceptionnelle maturité.

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Certes il reste  toujours  un éternel enfant avec son animal fétiche, le Panda qui apparait  dans beaucoup de ses représentations. Mais  ce graphisme visuel simple, facilement identifiable, il l’utilise en fait pour mieux communiquer avec les autres.

Son écriture, comme un art totémique 

Cet art totémique qui est avant tout l’art de la rue comme le stigmatise cette œuvre ci-dessous intitulée « Art2rue » de 2010.

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L’artiste retrouve des formes primaires voire primitives dans le seul but de créer une réalité propre, un idiome facilement compréhensible.

Il réalise sous nos yeux une machine à recycler (les déchets de notre société ?) à l’image de celle des Temps Modernes d’un certain Charlie Chaplin.

Le côté effrayant et destructeur de cet engin est atténué par son aspect ludique comme s’il s’agissait d’un jouet pour enfants. Mais aussi grâce à l’écriture picturale du jeune créateur, celui-ci introduit la poésie des formes par l’élégance et la finesse du trait.

Moins frénétique, le signe se détend alors comme une respiration qui se fait plus ample.

La représentation de l’objet mécanique s’efface devant la transformation de « l’instant poétique » comparable à cette « puissance de métamorphose » dont parlait Bachelard à propos de certaines œuvres d’un certain Pierre Alechinsky.

Un art narratif débouchant sur un univers kafkaïen

Dans cette seconde œuvre « Ils sont devenus fous », Aurel met en scène un cauchemar typiquement kafkaïen par des visions apocalyptiques de l’enfer sur terre. Cette représentation fait penser aux tours qui se sont effondrées lors des événements du World Trade Center le 11 septembre 2001.

Le trait participe à cette situation angoissante et tragique. Au premier plan, les pandas paraissent médusés et meurtris face au désastre qui se produit à l’arrière.

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Le spectacle de la catastrophe est judicieusement orchestré. Effleurement mystérieux de ces lignes qui s’agitent fébrilement et nerveusement. Le rythme de l’écriture est proprement hallucinant.

Fulgurants, les signes se télescopent et se brisent. Atteints par la folie, ils sont tous atomisés et rompus.

 Le caractère kafkaïen se retrouve également dans cette autre œuvre (foule de monstres) avec la mise en scène tragique d’un monde peuplé de fantômes et de monstres.

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Le monde d’Aurel, un monde qui est toujours en mouvement

Aurel a aussi très vite compris l’importance du mouvement qui est à la base de tout et particulièrement dans son œuvre.

Dans le sillage d’un Dubuffet avec le continuum du mouvement ou d’un Keith Haring qui déclarait « la réalité physique du monde tel que nous le connaissons, est le mouvement… » … plus loin encore « Tout change, tout est toujours différent […] nous changeons sans cesse» (oct.1978).

Comme cette flèche qui se démultiplie presque à l’infini  dans l’œuvre ci-dessous («Garder la niak» 21 x 40 cm, 2013). Les créations de ce jeune artiste sont toujours en proie à une activité fébrile.

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Pour réaliser toutes ses performances, Aurel semble puiser cette habileté dans une sorte d’énergie primale qui viendrait des profondeurs de la matière illustrant parfaitement ce que disait Engels : « le mouvement est le mode d’existence de la matière ».

Rien ne résiste à ce mouvement venant des profondeurs conduisant parfois à faire tout   «éclater » sur son passage comme semble l’illustrer cette œuvre.

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Et comment interpréter ce geste qui bouscule tout pour laisser chanter ce monde jubilatoire qui s’éclate ici avec « Les uns avec les autres » ?

Rien n’arrête cette vie qui émerge à fleur de toile. Elle est embrassement des sens et conduit à ce nécessaire déséquilibre maintenant à tout prix la cohésion au risque parfois d’une certaine contrainte, d’où le jeu subtil de ce magicien du mouvement.

Le mouvement c’est en quelque sorte le feu sacré qui lui permet de se dépasser et d’accéder à cette beauté vraie, telle que la définissait notamment John Keats :

« La beauté est vérité et la vérité, beauté, c’est tout ce que vous savez sur terre et tout ce qu’il faut savoir. »

Christian Schmitt
www.espacetrevisse.com
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Christian Schmitt

Critique d'art. Auteur de "l'univers de J.L. Trévisse, artiste peintre" (ed. Lelivredart 2008) et de trois autres ouvrages sur les vitraux réalisés par des artistes contemporains aux ed. des Paraiges: Jean Cocteau (2012), Jacques Villon (2014) et Roger Bissière (2016). A retrouver sur : http://www.espacetrevisse.com

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